Benatallah soutient Benflis et dresse un constat accablant du reflux de la diplomatie algérienne
Halim Benatallah, ancien secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale établie à l’étranger et ancien ambassadeur, apporte son soutien à la candidature de Benflis à la présidentielle dans une longue déclaration à travers laquelle il revient sur l’affaire de Tiguentourine. Il dresse un véritable réquisitoire contre la gestion par la diplomatie algérienne de l’attaque du site gazier, et tire à boulets rouges sur l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Même s’il ne cite pas son nom dans sa déclaration, Benatallah ne se prive pas de critiques acerbes contre le traitement par la diplomatie algérienne de cet épisode dramatique en estimant, notamment, que «la machine diplomatique s’enraya, tétanisée par la gravité, l’ampleur et le caractère sans précédent du danger. Le sens de l’initiative et de l’anticipation ayant déserté ce qui fut un haut lieu de projection diplomatique, on s’y confina dans l’immobilisme, attendant sans doute des instructions présidentielles pour faire les plus élémentaires des devoirs et déclencher les procédures usuelles de réaction et de gestion de crises». L’ancien secrétaire d’Etat souligne que «l’appareil diplomatique fut déclassé pendant la gestion de la crise, ne recevant que quelques bribes d’informations, tandis que les ambassades concernées par leurs ressortissants en danger recevaient des informations en première main sur le déroulement des événements». Pour Benatallah, «l’appareil diplomatique fut ainsi collatéralement discrédité» et «la communication diplomatique fut confiée au Premier ministre, tandis que les ministres de l’Intérieur et de la Communication montèrent au créneau, prenant sur eux-mêmes des risques sur le front diplomatique». «Le ministère de la Défense nationale, quant à lui, en l’absence de rempart diplomatique, dut sortir de sa réserve pour se défendre en exprimant avec fermeté et clarté une position… diplomatique». Le diplomate estime que «l’attaque de Tiguentourine fut peut-être le prélude à ce qui peut attendre l’Algérie au moindre faux pas dans le fil d’un agenda caché prêt à l’emploi. Il est possible que cette action fût menée pour tester les capacités de l’Algérie à réagir ou à endiguer une opération de déstabilisation de plus grande ampleur le moment venu». Cette attaque terroriste pulvérisa le discours diplomatique sur «les pays du champ» et mit à nu une impuissance à faire front aux menaces qui s’amoncelaient depuis quelque temps, encore moins à anticiper sur les dangers qui commençaient à cerner l’Algérie ou à les éloigner par des initiatives diplomatiques. Pour Benatallah, «le grand reflux diplomatique a été payé cash en la circonstance de Tiguentourine». Il estime que «dans l’optique du commanditaire potentiel de l’opération sur ce site, l’attaque lui aura permis de tirer au moins un enseignement : si la défense algérienne a fortement amélioré sa capacité de réaction (il devra compter avec elle à l’avenir), la diplomatie algérienne, en revanche, se révéla un rempart inexistant». Le cas «Tiguentourine» fut au sens de Halim Benatallah le révélateur à ciel ouvert et le plus dramatique d’une situation d’ensemble que l’opinion publique, les professionnels et les observateurs vivaient comme une descente vers la déchéance. «Que de fois l’Algérie a été maltraitée, agressée, y compris par ses voisins, sans qu’elle n’ait eu à redire. Mais c’est peut-être la fin d’une époque. Les illusions d’optique tirent à leur fin», écrit le diplomate qui prévient qu’«un jour, il faudra demander pardon aux batailleurs diplomatiques du FLN et de la grande équipe des négociateurs d’Evian. Notre pays a besoin de renouer avec tout son background historique pour se projeter dans un monde globalisé, toujours idéologisé, menaçant, multipolaire et hautement sophistiqué». Pour reprendre son ascendant, ajoute le diplomate, «l’Algérie peut construire une vision globale et formuler un dessein économique de performance pour fabriquer du sens et des objectifs externes. Pareille ambition pour notre pays n’est pas à la portée de colporteurs d’illusions. Elle n’est pas à la portée de marchands de souk politique». Halim Benatallah appelle à mettre «les ambitions pour notre pays à la portée de Ali Benflis» et prône ainsi la nécessité d’un «changement».
Meriem Sassi