Attachement paradoxal
Par M. Aït Amara – Seule une approche psychologique peut expliquer le phénomène politique inédit qui caractérise l’Algérie depuis 1999 et, plus encore, depuis que le Président a perdu ses capacités physiques et qu’une poignée de courtisans reconnaissants se sont montrés prêts à vendre père et mère pour le maintenir au pouvoir. En psychologie, cela s’appelle «l’attachement paradoxal». Cette définition remonte au début du siècle dernier, mais elle n’a jamais été appliquée à un domaine autre que l’agression sexuelle. En Algérie, en ce XXIe siècle, elle s’adapte parfaitement à la situation dans laquelle le Président et ses fidèles ont mis le pays. L’agresseur, dans le cas de la définition d’Anna Freud, peut être remplacé par le «roi» et les victimes par la «cour». Ainsi transposé, ce cas de figure concerne des sujets dont l’intégrité est menacée dans le cas où un changement de système venait à être opéré. Ces sujets étant redevables de leur existence [politique] au Président, ces derniers déploient une stratégie défensive qui les pousse à s’identifier à lui, au point de faire de sa maladie un symbole de puissance. Il se produit alors une inversion des rôles : le président impotent puise sa force dans la soumission totale de sa cour et cette dernière introjecte sa maladie et la fait sienne. Dans cette relation entre le «roi» et sa «cour» se mêlent l’imaginaire et la mauvaise foi. L’imaginaire, fait de fantasmes et de mythes, est incarné par ceux, parmi les partisans d’un quatrième mandat, qui croient sincèrement en la nécessité impérieuse de laisser Bouteflika gouverner jusqu'à ce que mort s'ensuive, «pour le bien de l’Algérie». La mauvaise foi, elle, est le fait de ceux qui veulent recouvrir leur ignorance et leur insatiabilité d’un voile orné de broderies patriotiques et nationalistes trop apprêtées et artificielles. Qu’elle soit mue par un imaginaire ou par une mauvaise foi, la «cour» multiplie les prétextes pour démissionner en tant qu’humains responsables, pour reprendre Jean-Paul Sartre, parlant de l’inconscient – ne pas confondre avec l’inconscience – qu’il qualifie de «refuge de la lâcheté». Car cette même «cour» dira qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait, et que ce n’était pas elle mais son inconscient, lorsque le mal sera fait et que la situation sera devenue irréversible.
M. A.-A.
Comment (12)
Les commentaires sont fermés.