Ghardaïa : les Mozabites dénoncent la «passivité du gouvernement»
Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le conseil des notables d’Ath Mlicht (Melika), une des cinq ksars de la vallée du M’zab, indiquent que leur ville subit, pour la deuxième fois en deux mois, «des agressions sauvages contre les citoyens mozabites et leurs habitations, commises par des bandes venues du quartier Hadj Messaoud, d’où avaient commencé les attaques mercredi dernier». En deux jours, ces agressions ont, selon ces notables, provoqué la destruction et le pillage d’une dizaine d’habitations et fait une trentaine de blessés. Le communiqué précise que ce bilan reste provisoire, puisque les actes d’agression et de destruction se poursuivaient à l’heure où ils rédigeaient le communiqué. Les notables expriment leur inquiétude quant au «repli remarqué» des forces de maintien de l’ordre dans toute la wilaya de Ghardaïa, «alors que la situation ne s’est pas améliorée», affirment-ils, et ce, «malgré les multiples correspondances adressées aux autorités locales, ajoutent-ils, pour les alerter sur la persistance des agressions et des provocations quotidiennes que subissaient les citoyens mozabites depuis le début des événements». En s’adressant aux auteurs de ces agressions répétées, les signataires du communiqué font appel au sens de coexistence qui a prévalu dans cette région pendant des siècles : «Qu’est-ce qui vous pousse à trahir notre cohabitation séculaire ?» Face à leur détresse, ils demandent à tous les acteurs concernés par ces événements d’intervenir «de façon urgente et énergique pour mettre fin à ces agressions sauvages», tout en dénonçant ce qu’ils qualifient de «tentatives de certains ennemis de la nation et de ceux qui, mus par leur égocentrisme, veulent conférer à ces événements un caractère confessionnel ou intercommunautaire». Enfin, ils dressent une plateforme de revendications, au nombre de cinq : poursuite et jugement des auteurs de ces agressions, éradication des foyer du banditisme et des réseaux de drogue dans le quartier de Hadj Messaoud, prise en charge urgente et dédommagement de tous ceux qui ont subi des dégâts matériels durant ces événements, installation d’un poste fixe de gendarmerie dans le même quartier et, enfin, la libération de tous les jeunes Mozabites arrêtés pendant qu’ils étaient en situation d’auto-défense.
Sit-in devant la Maison de la presse à Alger
Très inquiets des développements tragiques des événements de Ghardaïa, des représentants de la société civile de la vallée du M’zab ont tenu aujourd’hui un sit-in devant la Maison de la presse Tahar-Djaout, à Alger. Les nombreux participants à cette manifestation pacifique ont vivement dénoncé «des parties occultes qui poussent au pourrissement» dans cette wilaya du sud du pays. Relevant la gravité de la situation, ces représentants de la société civile appellent la population locale à ne pas écouter le «chant des sirènes» et à rester vigilante face à de multiples tentatives de manipulation de ces «événements» à des fins inavouées. La situation se corse de jour en jour et ils en sont conscients. Il ne faut donc pas, insistent-ils, mettre de l’huile sur le feu. Ces représentants de la société civile demandent à l’Etat d’assumer pleinement ses responsabilités, notamment en assurant la sécurité des biens et des personnes. Ils refusent l’impunité et demandent à ce que les auteurs des dernières violences soient punis. Ils estiment cependant «inacceptable» l’attitude passive du gouvernement et son incapacité à apporter des solutions radicales aux problèmes soulevées par les deux communautés (malékite et ibadite) qui peuplent cette région. Ils veulent une initiative «saine» regroupant l’ensemble des acteurs du conflit et responsables à tous les niveaux pour éliminer les germes de la fitna qui s’installent de manière insidieuse dans cette vallée à l’histoire très chargée. Ce rassemblement a été décidé suite aux derniers affrontements qui ont secoué la ville depuis mercredi et qui se sont soldés par une centaine de blessés et des dizaines de magasins saccagés et incendiés. Le quartier de Hadj Messaoud a été le théâtre des dernières violences qui ont éclaté suite à des chamailleries de gamins. Les services de sécurité, fortement déployés dans cette ville hautement instable depuis une année, ont été incapables de ramener l’ordre et la paix, comme en témoignent des habitants qui ont fui leurs maisons pour se mettre à l’abri chez des proches ou des amis, installés loin de ce foyer de tension. La reprise des violences intercommunautaires après une courte accalmie a suscité de fortes inquiétudes, aussi bien au niveau de cette wilaya où la vie est devenue presque impossible, mais aussi au niveau national. Cela, surtout que l’Algérie entière est en pleine ébullition à cause de la présidentielle et les enjeux politico-économiques et sécuritaires qu’elle représente.
R. Mahmoudi et Sonia B.