L’Europe veut protéger ses citoyens contre les services d’espionnage
La lutte contre le terrorisme n’est pas un argument suffisant pour justifier l’espionnage opéré par la NSA, estiment, dans un rapport établi tout récemment, les membres de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), qui est une commission du Parlement européen. Sur la base de ce rapport qu’il a adopté, le Parlement européen envisage de suspendre des accords clés avec les Etats-Unis. Les vagues soulevées par le scandale du programme Prism, sur la base des documents dérobés par le lanceur d'alerte américain Edward Snowden, ancien consultant de la NSA, ont produit l’effet d’un tsunami parmi les pays alliés des Etats-Unis. Il y a de quoi : il s’est avéré que les Etats-Unis ont espionné les dirigeants politiques de l’Union européenne. C’est une situation plus qu’embarrassante pour l’UE. Si son allié l’espionne, c’est qu’il y a trahison quelque part. L’UE veut se protéger contre cette dérive. La commission LIBE a organisé 15 auditions afin de réunir des informations sur cette affaire et s'est rendue à Washington du 28 au 30 octobre 2013 pour rencontrer des représentants des pouvoirs exécutif et législatif. La commission a voulu évaluer les conséquences de ces activités de surveillance, notamment sur les droits fondamentaux et les dispositions relatives à la protection des données. Elle a relevé qu’aucun débat public ni aucun processus décisionnel démocratique n'a précédé ce recours croissant à la surveillance de masse de la part des services de renseignements américains. Elle constate que la situation créée par les révélations d'Edward Snowden est le signe d'un «changement général au sein de la société qui accepterait de troquer le respect de la vie privée contre sa sécurité». Et si des «forces moins démocratiques» arrivaient au pouvoir ? C’est là, la crainte des membres de la commission LIBE. «Sommes-nous face à une telle violation de la vie privée et de l'intimité que non seulement les criminels peuvent connaître chaque détail de la vie des citoyens, mais également les sociétés des technologies de l'information et les agences de renseignement ? Est-ce un fait qu'il faut accepter sans discuter ?» interrogent-ils. La commission LIBE envisage des mécanismes de recours et des recommandations destinées à protéger les droits des citoyens européens. Elle rappelle dans ses conclusions que «l'habeas corpus est reconnu comme étant un instrument juridique fondamental pour protéger la liberté d'un individu contre l'action arbitraire de l'Etat». Elle demande qu’il soit étendu au domaine numérique. La commission fait remarquer que les risques d’atteintes à la vie privée et à l'intégrité et la dignité des personnes «peuvent provenir des services de répression et de renseignement de pays démocratiques, qui placent les citoyens européens et les entreprises au cœur de conflits de droit entraînant une insécurité juridique, avec d'éventuelles violations de leurs droits, sans possibilité de faire appel à des mécanismes de recours adéquats».
Kamel Moulfi
Lire le rapport de la commission LIBE