Les véritables raisons des événements sanglants de Ghardaïa et de l’incapacité de l’Etat à y mettre fin
Les citoyens de Ghardaïa dénoncent l’instrumentalisation des événements tragiques dans cette ville à des fins électoralistes et exigent de «véritables solutions» à la grave crise que vit cette partie du sud du pays depuis plusieurs mois. «L’Etat veut camoufler son échec par des rencontres cycliques avec les notables de la ville et rend publiques des déclarations qui tendent à faire porter la responsabilité de ce qui se passe à Ghardaïa à ses habitants et à faire croire que les autorités n’ont pas manqué à leur devoir», relèvent les citoyens. Ces derniers appellent à un «dialogue sérieux avec les différentes composantes de la région, notamment l’élite intellectuelle et les associations actives et pas seulement les notables, avec tout le respect qui leur est dû». Les citoyens de Ghardaïa donnent aux affrontements intercommunautaires une explication d’ordre économique et reprochent à l’Etat de ne pas avoir lancé «de vrais projets de développement pour sortir la wilaya de la marginalisation» et de ne pas être «suffisamment ferme» avec le phénomène de la criminalité qui se répand dans cette wilaya, en intensifiant la lutte contre le trafic de drogue, en particulier, et en «arrêtant la multiplication des débits de boissons alcoolisées». Les citoyens de Ghardaïa mettent en avant, aussi, le problème du foncier qui est à l’origine de conflits entre Mozabites et Châmbis. Des terres dont les actes sont détenus par un Etat qui «n’impose pas la force de la loi» et qui «laisse la force imposer sa loi». L’autre problème soulevé par les citoyens de cette région en proie à des affrontements qui ont fait plusieurs morts est celui de l’exode de populations étrangères à la wilaya qui peuplent les quartiers pauvres de la ville : «La wilaya n’est plus en mesure d’accueillir de nouveaux arrivants», expliquent ces citoyens qui accusent l’Etat, encore une fois, de «ne pas encourager les investisseurs privés qui ont lancé avec succès des projets immobiliers modernes mais qui souffrent de la bureaucratie hypertrophiée imposée par l’administration». Les citoyens de Ghardaïa appellent les pouvoirs publics à poursuivre les «extrémistes religieux» qui activent en toute liberté et dont la pensée fanatique encourage la haine entre les deux communautés qui cohabitent dans la région et sèment impunément la discorde entre les jeunes sur les réseaux sociaux. «L’Etat doit comprendre que Ghardaïa n’est pas qu’une carte électorale dont il peut se servir pour soutenir un candidat particulier», dénoncent encore les habitants de Ghardaïa, qui mettent en garde, par ailleurs, contre «le chaos qui règne dans certains lycées et certaines écoles (de la wilaya) où se propage un racisme criant, sans que l’administration bouge le petit doigt pour y mettre fin». Les citoyens de Ghardaïa mettent en avant, également, «la partialité de l’Etat» dans les programmes agricoles et la distribution des logements sociaux, «avantageant une catégorie au détriment d’une autre» et créant, ainsi, «un climat délétère et propice à la violence». Les citoyens exigent que des sanctions sévères soient prises à l’encontre des personnes impliquées dans les actes de vandalisme et notent, enfin, que «Ghardaïa a besoin de vrais projets économiques et non pas des festivals et des carnavals» dans une ville «conservatrice» que l’Etat veut transformer en une «destination touristique négative», allusion à la prolifération de la prostitution et du trafic de stupéfiants.
Karim Bouali