L’ex-président Liamine Zeroual appelle les Algériens à voter massivement contre le quatrième mandat
La substance du message de l’ex-président de la République, Liamine Zeroual, se trouve dans ses propos concernant l’enjeu du scrutin du 17 avril : la magistrature suprême est, dit-il, «une lourde et délicate charge, autant morale que physique». L’allusion à la santé du président-candidat Bouteflika est directe. Plus loin dans son message, Liamine Zeroual se prononce pour l’alternance au pouvoir et appelle, donc, implicitement à ne pas voter pour Bouteflika. Il faut se rappeler que Zeroual avait justifié son départ anticipé de la présidence de la République par le souci de permettre l’alternance au sommet de l’Etat. Pouvait-il imaginer que ce serait le contraire qui se produirait et que les Algériens en seraient à se prononcer sur un quatrième mandat brigué par le président qui l’a remplacé il y a quinze ans ? Liamine Zeroual s’en prend à «la révision de la Constitution algérienne en 2008, notamment l’amendement de son article 74, relatif à la limitation des mandats présidentiels à deux». Cette révision a barré la voie à l’alternance. Or, l’alternance, explique-t-il, a «pour vocation de consolider la solidarité intergénérationnelle, de conforter la cohésion nationale et d’instituer les bases structurantes d’une stabilité durable». Liamine Zeroual se prononce pour un «mandat-transition (qui) constituera la première étape sérieuse d’un saut qualitatif vers un renouveau algérien, plus conforme aux aspirations légitimes des générations postindépendance et en harmonie avec les grandes mutations que connaît le monde». Rien à voir avec un mandat destiné à poursuivre et achever un programme présidentiel commencé il y a quinze ans, comme le proclament les partisans de Bouteflika. Pour Liamine Zeroual, «il est temps d’offrir à l’Algérie la République qu’elle est en droit d’exiger de son peuple et de son élite éclairée». Il appelle, «indépendamment de ce qui va résulter du scrutin du 17 avril prochain», dit-il, à engager l’Algérie sur la voie de la transition véritable. Liamine Zeroual a détruit un argument fort de la campagne électorale des pro-Bouteflika, en soulignant que c’est grâce, non pas à un homme providentiel, mais à l’Armée nationale populaire avec le concours des services de sécurité et le soutien décisif des forces patriotiques que le pays a consolidé sa stabilité et sa sécurité. Il rend un hommage appuyé à l’ANP et aux services de sécurité qui, dans la lutte contre le terrorisme, «ont su et pu déjouer toutes les tentatives de déstabilisation du pays et ont réussi le pari inespéré de mettre l’Algérie à l’abri du grand péril qui la menaçait dans ses fondements mêmes». Il évoque, sans citer nommément Saïdani, la «regrettable diatribe» contre le DRS, mais est convaincu que l’armée est «parfaitement compétente pour faire face à de tels dangers, compte tenu de la qualité des hommes qui y exercent et qui disposent des capacités patriotiques leur permettant de remplir leur mission et d’accomplir leur devoir au service exclusif de la nation». Il rappelle que l’ANP, avec toutes ses composantes, reste avant tout au service de la patrie. Elle représente «le bouclier armé en mesure de s’opposer à toutes les tentatives cherchant à porter atteinte à l’Algérie, ressuscitée par la glorieuse Armée de Libération nationale, à sa souveraineté et à l’intégrité de son territoire national». Si Liamine Zeroual a décidé d’intervenir en ce moment même, c’est parce que «ce qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale ne peut laisser indifférent et interpelle la conscience de tout citoyen algérien jaloux de l’indépendance de son pays et mesurant à sa juste valeur le coût exorbitant des sacrifices consentis pour la recouvrer». Il met en garde contre la sous-estimation de la situation actuelle et contre l’idée que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d’une crise de confiance structurelle qui trouve son expression dans l’«effervescence citoyenne» dont il fait ressortir la dimension patriotique. Liamine Zeroual désavoue l’appel au boycott du scrutin du 17 avril. Le taux de participation est un facteur important, il traduit, selon lui, «le degré d’enracinement social de l’Etat», c’est la participation populaire aux élections qui détermine «l’immunité la plus élaborée dont pourra se prévaloir l’Algérie pour relever les grands défis d’édification et affronter la menace des enjeux qui la guettent».
Kamel Moulfi