La bombe ethnique
Par R. Mahmoudi – Qui, en dehors des lobbies magouilleurs liés aux plans de reconfiguration du monde arabe, ont intérêt à «ethniciser» les conflits sociaux et politiques en Algérie dans la conjoncture actuelle ? Nul ne pouvait douter que des responsables haut placés de l’Etat algérien puissent s’y hasarder, sciemment ou maladroitement, sachant à quel point le système politique algérien, forgé dans le jacobinisme le plus imperméable, était prompt à jeter de l’opprobre sur la moindre allusion à une préférence régionale ou tribale. Nul ne pouvait admettre qu’un tel système, parce que ses intérêts sont aujourd’hui menacés, puisse passer, avec une telle audace, d’un déni intégral de l’identité plurielle de l’Algérie à une segmentation méthodique de toutes ses composantes. Le discours ethniciste était resté l’apanage de la «multitude», autorisé dans des espaces clos comme les stades. Or, depuis quelque temps, on assiste à un phénomène nouveau : le discours marginal envahit l’espace public, d’habitude réservé aux politiques. On ne se soucie guère, par exemple, de la montée en puissance d’un mouvement autonomiste en Kabylie, non agréé, mais tout de même toléré par les autorités, ni de la résurgence, à Ghardaïa, de vieux démons entre une communauté désignée comme minoritaire, les Mozabites, et une tribu se définissant avant tout comme arabe, les Chaâmba, ni des manifestations autorisées et décrites comme une action citoyenne de citoyens à Batna brandissant des banderoles et des drapeaux affichant leur fierté d’appartenir à une communauté chaouie dite «refoulée», sans parler de la «question targuie» qui pose un vrai problème d’ordre géopolitique à l’Algérie. Une nouvelle terminologie est née, tellement banalisée dans les médias et dans les discours politiques qu’il faut s’attendre, au rythme où vont les choses, à la multiplication des revendications communautaristes. Ce sera, alors, le prélude à la dislocation de l’Etat-nation qui sera la porte ouverte au «printemps arabe».
R. M.
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