Le sujet qui fâche

A la veille de l’élection présidentielle, la scène politique s'emballe sans aborder, il me semble, la question cruciale. Nous savons que le système politique actuel se caractérise aussi par son utilisation de la religion jusqu'au point d'avoir été amené en 1989 à légitimer un parti anticonstitutionnel. Nous n'en sommes toujours pas revenus de cet acte hors la loi, car il a comme trace les cadavres de dizaines de milliers d'Algériens, victimes des terroristes islamistes ; beaucoup de ces terroristes n’ont jamais été jugés et, en sus, ils ont bénéficié de la clémence et d’autres largesses de l’Etat. Le cumul de ces injustices porte un tort incommensurable à la citoyenneté qui ne peut pas admettre une injustice aussi flagrante, mais qui ne sait toujours pas comment s’en prémunir. Cette injustice n’est pas tombée du ciel, son prélude a été le Code de la famille, cet autre acte anticonstitutionnel, imposé au président Chadli par les islamistes et autres terroristes de Bouyali. Cette discrimination, adossée à l’islamisme, qui minore la femme et qui tente sans cesse de faire d’elle un complément de l’homme et non son égal, a semé une division au sein de la société jusqu’à l’appauvrir. Cette discrimination n’est-elle pas le mal qui a rongé la société jusqu’au point de la rendre perméable à l’innommable des années 90 ?
On peut rappeler la discrimination pour la nationalité envers une minorité d’Algériens, entamée dès 1963 ; on peut aussi rappeler que la Constitution dans son préambule parle du royaume numide sans autre effet. La dernière des infamies est cet amendement introduit en 2008 dans la Constitution qui dans son article 74 met fin à la limite de deux mandats : «… Le président de la République est rééligible», où il supprime «une seule fois» mentionnée dans la loi précédente introduite par le président Zeroual en 1996. Ces infamies conjuguées ont accouché d'un candidat aux présidentielles comme on ne pouvait jamais l’imaginer. Un «tab djnanou» est le contraire d’un prématuré. Il a été longuement mûri par des triturations de la Constitution et du code de la famille de 1984, de la légalisation du FIS en 1989 et de l'amendement de la Constitution de 2008. Aujourd’hui, le 4e mandat du 17 avril 2014 n’a pas d’antidote, il est aussi le résultat de l’accès des importateurs et autres rentiers à la gestion du pays, de son administration. Plusieurs ministères sont aux mains des islamistes et personne ne sait qui est réellement le donneur d'ordre à la Présidence. On a la preuve de l’assèchement de la scène politique quand le RCD se rapproche des islamistes et le FFS du pouvoir. Avec cette dépendance, les deux partis ont signé le glas de la scène politique démocratique algérienne. Si, hier, la vie du pays battait au rythme des émeutes sociales, aujourd’hui, elle bat aux cris de jeunes démocrates, qui renouent pacifiquement avec les émeutiers d’octobre 1988, et à leur image, ils sont porteurs d’espoir. C’est un début. Néanmoins, on est loin d’une possible rupture avec le système politique actuel, ce système antidémocratique qui fait des urnes un leurre.
Saâdeddine Kouidri
N. B. : L’article 24 de la Constitution algérienne : «Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale.»
L’article 8 du Code de la famille : «Il est permis de contracter mariage avec plus d’une épouse…»
L’article 9 du code dit «Le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial …» Dans le texte en arabe (la langue officielle), il est précisé que le tuteur matrimonial concerne exclusivement la mariée.
 

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