Mouloud Hamrouche : «Le pouvoir actuel a disqualifié l’armée pour se maintenir durablement»
Mouloud Hamrouche parle à nouveau. Dans un double entretien paru ce lundi dans les quotidiens arabophone El-Khabar et francophone El-Watan (dans leur version papier), l’ancien chef du gouvernement assure que l’armée n’a pas choisi de candidat à la présidentielle du 17 avril prochain. Cet ancien colonel de l'ANP considère que l’institution militaire a été mise devant le fait accompli et qu’elle n’a pas eu de choix que de maintenir le statu quo dans lequel patauge le pays depuis de longues années. Avec beaucoup de nuance et de retenue, Hamrouche, qui s’est exprimé à deux reprises sur la présidentielle le 17 février dernier par communiqué et le 27 dans une conférence de presse sans dire grand-chose, aborde une nouvelle fois le rôle de l’armée dans la survie du système. Mouloud Hamrouche, qui appelle l’armée à la discipline républicaine, ne cache pas ses craintes pour l’avenir. Selon lui, l’armée connaît des divergences en son sein sur les choix possibles pour la présidentielle. Des divergences qui auraient fragilisé sa position. D’où, selon lui, l’urgence de l’éloigner des «guéguerres politiciennes» pour «ne pas altérer son rapport à la société». Hamrouche insiste également sur le fait que l’armée ne doit pas faire allégeance à une candidature, ce que veut obtenir actuellement, selon lui, le clan présidentiel. Interrogé sur la candidature de Bouteflika malgré sa santé détériorée, Hamrouche refuse de porter un regard sur l’homme, préférant se concentrer sur le système dans son ensemble. Car, estime-t-il, aujourd’hui, il ne s’agit pas uniquement de se positionner pour ou contre le quatrième mandat, mais de se pencher sur les problèmes qui se posent actuellement et qui se poseront au lendemain du vote. Le plus grand danger, selon lui, vient du fait que le pouvoir actuel représenté par le clan présidentiel disqualifie l’armée du jeu politique pour s’emparer durablement du pouvoir. Ce même «pouvoir» qui a été légitimé par l’institution militaire depuis 1999. Il met en garde, dans ce sillage, contre des groupes qui gravitent autour du pouvoir formel, qui cherchent à «exercer le pouvoir sans la surveillance de l’armée et sans partage». Hamrouche partage entièrement le diagnostic fait par l’ancien président de la République Liamine Zeroual, qui a relevé les dangers de l’absence de l’alternance au pouvoir. Pour Hamrouche, le système qui veut se maintenir par tous les moyens est à bout de souffle. Cela, notamment, en raison du fait qu’il n’est plus possible de construire un consensus au sein de l’armée sur tel ou tel candidat. Il estime que, pour traverser cette crise à laquelle peuvent se greffer rapidement d’autres, il faut impérativement «réunir toutes les bonnes volontés, associer tout le monde et accueillir toutes les contributions». Il dit être prêt à apporter sa contribution. En plus du travail de réflexion, Hamrouche dit être volontaire pour aller au charbon, sortir à la rencontre du peuple pour le convaincre de la nécessité du changement politique. Au regard de la conjoncture politique actuelle, il n’exclut pas un affrontement violent entre différents protagonistes.
Sonia B.