Des jeunes chômeurs payés 1 000 DA l’heure pour renouveler les affiches déchirées de Bouteflika
Dans certaines wilayas du pays, il n’est pas rare de remarquer que les affiches frappées à l’effigie du président-candidat restent étrangement intactes, contrairement à celles, déjà rares et pâles, des autres candidats. Ce n’est pas tant que plus personne ne vient les arracher ou les abîmer – comme tout le monde a pu le constater dès les premiers jours de cette campagne –, mais parce que ces affiches sont de plus en plus visées par ces «mains invisibles» qui, par un tel geste, expriment un rejet viscéral et radical du jeu électoral qui est perçu, par de larges pans de la société, comme une supercherie. Dans notre enquête, nous avons appris que des groupes de jeunes sont payés 1 000 DA l’heure chacun pour renouveler chaque affiche aussitôt déchirée, de telle sorte qu’à tout moment, les passants soient frappés par cette «inviolabilité» de «l’icône sacrée». Un candidat épargné par les actes de vandalisme est toujours, dans l’imaginaire collectif, synonyme de respect et de révérence que lui vouent une majorité de citoyens. L’impact psychologique est garanti. Il restera pour les concernés à fructifier politiquement cette astuce électorale. Ce qui paraît plus difficile. Il va sans dire que cette «ruse de guerre» doit coûter beaucoup d’argent pour assurer une vigilance quasi permanente, en mobilisant des brigades de vigies, souvent des jeunes chômeurs, pour la cause. Une machinerie qui vient aggraver le cas des cinq autres candidats qui se sont déjà plaints de l’accaparement des moyens de l’Etat, logistiques et médiatiques, par le candidat favori de l’administration et du pouvoir. Qui paie donc la facture ? Il est clair que les six milliards de centimes qui sont légalement alloués aux candidats pour mener leur campagne ne suffiraient pas pour couvrir toutes ces dépenses excessives. Selon nos sources, des entrepreneurs familiers au jeu de clientélisme avec le pouvoir, se bousculent devant les permanences locales de la campagne électorale du président-candidat, notamment dans certaines wilayas de l’est du pays, où la popularité de Bouteflika est au plus bas et où l’on redoute un fiasco. C’est cet argent ramené dans de gros sachets noirs qui sert à booster la campagne du Président et, au final, à faire la différence.
Rabah Aït Ali