Benflis à Béjaïa : «On veut encore violer la souveraineté populaire»
Plus de cinq mille personnes ont assisté au meeting électoral d’Ali Benflis, aujourd’hui jeudi à Béjaïa. Tout s’est passé dans le calme, à l’intérieur et à l’extérieur de la salle omnisports qui abrité ce premier grand rendez-vous du candidat Benflis, grâce à une forte mobilisation des forces de l’ordre autour du site. Avant son entrée sur scène, l’hôte de la capitale des Hammadides a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du journaliste Saïd Mekbel, assassiné par les terroristes. Drapé d’un burnous, il a entamé son discours en disant que «ce jour est le plus beau jour de sa campagne», et en faisant l’éloge de Béjaïa, «citadelle de la démocratie, mais malheureusement, dira-t-il, abandonnée par les gouvernants». Très à l’aise dans les trois langues : l’arabe, le français et le berbère, l’invité a exprimé tout son talent de tribun pour tenter de charmer la population de Béjaïa et de la Kabylie, en caressant à fond son ego, sous les acclamations nourries d’une assistance totalement acquise : «J’ai toujours considéré que cette région était avancée dans le débat démocratique et les libertés.» Il ira même jusqu’à estimer que «le blocus contre cette région a commencé en 1962». «Tout cela, explique-t-il, parce que vous avez refusé de plier.» Sur sa lancée, il a évoqué l’apport de la Kabylie pour le la libération et la grandeur du pays, en rendant hommage aux martyrs de 1963, et ceux du «printemps noir». Abordant la question identitaire, il s’est engagé à officialiser tamazight s’il était élu président de la République. Sur cette question, l’ancien chef de gouvernement n’hésitera pas à emprunter tout le lexique des anciens militants berbéristes pour clamer que «le reniement de l’identité, il n’y a pas péché plus criminel que celui-là !». Par ailleurs, Benflis s’en est de nouveau pris à ses adversaires, en déclarant d’entrée : «La gestion des affaires de l’Etat ne se fait pas par la plaisanterie, par l’insulte ou le mépris», en allusion aux multiples sorties des représentants de Bouteflika, Abdelmalek Sellal et Amara Benyounès. Abordant son programme électoral, Benflis est revenu sur sa proposition d’«une Constitution consensuelle», qui sera, selon lui, «l’aboutissement d’un dialogue ouvert qui ne devrait exclure aucun courant politique», et d’un gouvernement d’union nationale. «Je veux rassembler tous les mécontents de ce système», martèlera-t-il. Il propose aussi de revoir le statut de la magistrature pour la soustraire des injonctions de l’Exécutif, et promet de renforcer les instruments de contrôle et d’actionner notamment la Cour des comptes «pour combattre la dilapidation des deniers publics qui ronge le pays». Il prône une régionalisation «positive» qui sera calquée sur les modèles espagnol ou allemand. Plus sceptique, Ali Benflis met en garde contre les velléités de fraude en disant : «On veut encore une fois violer la souveraineté populaire le 17 avril, mais le peuple n’acceptera pas que sa conscience soit violée». «Je lance un appel solennel aux fonctionnaires et aux responsables chargés de l’organisation de cette élection : éloignez-vous de la fraude !» Le meeting s’est achevé sans aucun incident.
De Béjaïa, Rabah Aït Ali