La fille d’Ahmed Ben Bella rend hommage à son père
Cela fait deux ans que mon cher père Ahmed Ben Bella nous quittait. Le temps n’a pas atténué mon chagrin. C’était un être doux et un père de famille attentif. Sa vie durant, il fut un homme simple, généreux, proche des gens et sensible aux drames humains. Il préférait la proximité du peuple, dont il partageait le quotidien, aux ors des palais. Tout président qu’il fut, il habitait un modeste appartement au cœur d’Alger et se joignait souvent à la foule en ce temps où les occasions n’étaient pas rares de ces communions fraternelles et bon enfant entre la population et les dirigeants de notre toute jeune République révolutionnaire.
Il fut l’un des dirigeants du Parti du peuple algérien (PPA) et du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) de Messali Hadj, membre de la direction nationale de l’Organisation spéciale en charge de l’Oranie, puis premier dirigeant de cette structure politico-militaire qui comptait dans ses rangs les noms les plus prestigieux du mouvement indépendantiste (Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed, ses prédécesseurs à la direction nationale, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad, Larbi Ben M’hidi et Mohamed Boudiaf, entre autres), enfin l’un des neuf chefs historiques de la Révolution du 1er Novembre 1954.
Il eut l’insigne honneur d’annoncer au monde, à la Radio du Caire, le début de l’insurrection qui allait vaincre le colonialisme français, après une guerre de libération qui fit l’admiration du monde entier.
Ministre d’Etat et premier vice-Président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) jusqu’à l’indépendance (alors qu’il était détenu dans les geôles françaises depuis le rapt de l’avion qui le transportait en compagnie de Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf, à l’automne 1956), il était devenu le premier chef du gouvernement algérien de l’Algérie indépendante en septembre 1962, avant d’être élu, en septembre 1963, à la présidence de la République.
Le 19 juin 1965, un coup d’Etat militaire le renversa. Il fut détenu dans le secret, arbitrairement, durant plus de 14 années. En comptant les huit années de détention dans les prisons françaises (il fut arrêté une première fois en 1950, à la suite du démantèlement de l’OS), il passa donc plus de vingt-deux années en prison pour des idées que personne n’est obligé de partager, mais qui toutes scellèrent une conscience aigüe de l’idée nationale et du combat pour la libération des êtres humains de tous les jougs.
L’idée qu’un homme pût s’agenouiller devant un autre homme le révulsait. L’idée qu’un homme pût abdiquer sa part de dignité pour de dérisoires avantages matériels ou de préséance lui était étrangère, de même qu’elle fut étrangère à tous ceux, innombrables, qui choisirent l’honneur de mourir debout plutôt que la honte de vivre dans la reptation.
Avec la préservation de l’unité nationale, c’est là le legs le plus précieux qu’Ahmed Ben Bella et tous ses compagnons nous ont laissé. Dire «non !» à chaque fois que notre conscience est mise en porte-à-faux. C’est notre dette à l’égard de nos aînés.
Je prie Dieu pour le repos de ton âme, mon cher et regretté père.
Gloire à nos martyrs. Vive l’Algérie, une et indivisible dans le respect de toutes ses composantes.
Mahdia Ben Bella
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