Benatallah à propos des déclarations de Bouteflika : «C’est une invitation claire à l’ingérence étrangère»
Suite aux déclarations pour le moins inattendues du président-candidat devant les caméras à l’adresse du ministre des Affaires étrangères espagnol et l’émissaire de l’ONU, Lakhdar Brahimi, accusant le candidat à la présidentielle du 17 avril Ali Benflis d’appeler à la «fitna» et à la «violence», l’ancien secrétaire d’Etat Halim Benattallah, dans une déclaration à Algeriepatriotique, qualifie cette démarche d’«invitation claire à l’ingérence étrangère». Cependant, Benatallah affirme qu’il n’est pas étonné par ces sorties, car, selon lui, Bouteflika avait déjà l’habitude de «se plaindre» de ses collaborateurs auprès d’interlocuteurs étrangers. «Ces sorties du président-candidat ne m’étonnent pas. Et là, je voudrais apporter un témoignage, parce que ses dernières déclarations m’autorisent, en quelque sorte, à dire ce que je n’aurais pas pu dire et m’astreignent à un devoir d’honnêteté qui me permet de libérer ma parole. En vertu de mes précédentes fonctions, il m’est souvent arrivé d’entendre le Président se plaindre de ses collaborateurs ou même de certains de ses assistants auprès d’interlocuteurs étrangers», révèle-t-il. M. Benatallah explique que cela se passait à «huis clos», chose «hautement surprenante», mais de là à le faire «devant les caméras auprès d’un ministre des Affaires étrangères qui a été lui-même interloqué, eh bien ! cela me semble un précédent unique depuis l’indépendance», s’insurge-t-il. L’ancien ambassadeur d’Algérie à Bruxelles a tenu à rappeler une sortie semblable qu’il qualifie d’«humiliante», selon ses dires, pour les membres de la délégation algérienne qui étaient présents. «La réponse de Bouteflika, lors de la signature de l’accord d’association à Bruxelles, à une question qui lui avait été posée à l’époque sur les raisons qui ont poussé l’Algérie à prendre du retard dans les négociations, fut que l’Algérie n’a pas négocié en retard parce que, déjà, elle était une partie intégrante de la France». «La vidéo est sur Internet pour celui qui voudrait s’en assurer», révèle encore Benatallah. Pour lui, même si cette déclaration faite publiquement en décembre 2001 est passée inaperçue, il n’en demeure pas moins qu’elle est «grave». Notre interlocuteur ne s’arrête pas là. Il relate un fait d’une teneur encore plus grave et qui, selon lui, donne une idée du mode de gouvernance de Bouteflika sur le plan diplomatique et même sur un plan interne. L’ancien secrétaire d’Etat dit avoir été le «témoin direct» lorsque le président de la République a souhaité que le chef d’état-major ne puisse plus se déplacer à Bruxelles pour assister aux réunions de l’Otan. «Il m’avait demandé de produire une circulaire qui devait faire l’objet de consultations par la suite. Et la finalité de la circulaire était d’empêcher le chef d’état-major actuel de l’ANP de se rendre aux réunions de l’Otan pour qu’il n’ait plus de contacts avec ses partenaires de l’Alliance atlantique», a encore révélé Benatallah, qui ajoute que, suite à cela, la participation de l’Algérie «a été rétrogradée à un niveau inférieur et, ainsi, le chef d’état-major de notre armée n’a plus participé aux réunions avec ses homologues de l’Otan». Benatallah croit savoir que le président Bouteflika ne voulait pas, par cette interdiction, qu’Ahmed Gaïd-Salah «ait une relation de proximité» avec les responsables militaires occidentaux et qu’il y avait une volonté d’avoir «l’exclusivité» de cette relation, ce qui a conduit à «interrompre le chemin vers Bruxelles».
Mohamed El-Ghazi