La sagesse et l’amour du pays doivent l’emporter sur nos propres intérêts

La violence physique est une méthode primitive servant à imposer sa volonté, nuire à autrui. D’autres moyens arrivent au même but : le verbe (par la parole ou l’écrit), le pouvoir politique, l’argent. Ces derniers temps, on assiste à un déferlement de la violence dans notre pays qui prend des proportions jamais connues. En effet, pour le moindre problème, on procède à la fermeture des routes en pénalisant les usagers ; des conflits dans nos cités se transforment en batailles rangées opposant les jeunes des quartiers ; des communautés vivant ensemble durant des siècles commencent à s’entre-déchirer en faisant d’innocentes victimes ; des rassemblements politiques se transforment en bataille rangée entre émeutiers et policiers. Quelles sont les raisons de ce vent de folie qui s’est emparé de l’Algérie ? Dans notre société, l’agressivité est omniprésente (au sein de la famille, à l’école, dans la rue, etc.). L’Etat algérien, lui-même, est né en 1962 de la violence faite au GPRA par le «clan d’Oujda» : ce fut l’oppression de la majorité de la population par une minorité. En 1988, la révolte populaire mit fin à cette dictature de la pensée unique par l’ouverture du champ politique (liberté d’expression, de réunion, d’organisation). Mais des «illuminés», qui prétendaient représenter Dieu sur Terre, détournèrent cet acquis à leur profit en affirmant que la démocratie est impie (kofr). Ce fut l’interruption du processus électoral et le début d’une violence jamais connue. Grâce aux patriotes (femmes et hommes, civils ou militaires), la folie intégriste fut dissipée, l’Etat républicain sauvé. Le président Liamine Zeroual, ayant rétabli l’ordre en dotant le pays d’institutions viables, abandonna le pouvoir afin de céder la place à un «civil» qui mènerait le pays à bon port : une société démocratique, régie par le droit. Les militaires firent appel à M. Bouteflika afin de concrétiser ce vœu. Le nouveau président s’attela à approfondir la loi sur la «rahma» en la transformant en «réconciliation nationale» qui obtint un succès certain. Néanmoins, cette démarche s’était faite dans une opacité totale : nous n’avons pas entendu des terroristes repentis reconnaître et regretter leurs méfaits en demandant pardon à la société ; idem pour les membres des services de sécurité, auteurs de «dépassements» avérés. Au lieu d’exorciser par le dialogue cette tragique période de notre vécu (à l’exemple de l’Afrique du Sud), nous l’avons occultée en espérant la faire tomber dans l’oubli. Ce fut une erreur capitale, car tous les psychologues nous diront qu’un évènement refoulé pourrait revenir à tout moment sous une forme amplifiée. Nous pouvons déjà constater un sentiment d’impunité qui s’est enraciné dans la société en favorisant l’agressivité. D’autres évènements des quinze années de règne de M. Bouteflika sont responsables de la croissance de la violence dans notre pays : on constate le passage de la corruption à l’échelle industrielle, l’abus de pouvoir, l’irresponsabilité de certains responsables, l’intrusion dans la politique de l’argent sale. Tout un chacun est au courant des détournements, en toute impunité, de l’argent du peuple par des gens censés le représenter : les cas de l’autoroute Est-Ouest et de Chakib Khelil étant les plus médiatisés. L’abus de pouvoir flagrant débuta par le viol de la Constitution, en 2008, ouvrant la voie à la présidence à vie. Le 4e mandant est une ultime offense ayant validé le dossier de candidature d’un président otage du clan, incapable de s’adresser à la population depuis près de deux ans. L’utilisation des moyens de l’Etat au profit de ce candidat se fait sans aucune retenue. L’arrogance de certains hauts responsables qui insultent les institutions (l’armée) ou le peuple (les pères de ceux qui ne les aiment pas, les Chaouis, etc.) finit par exaspérer les plus sages d’entre nous. Enfin, l’argent sale des «bouchkara» entre en scène afin de polluer l’atmosphère par l'achat des consciences, l'affichage sauvage, la création de chaînes de télévision et la transformation éhontée de celles qui existent en outils de propagande au profit du candidat absent.
Tous ces dépassements irritent nos convictions et réveillent l’agressivité qui sommeille au fond du plus paisible d’entre nous. Si cette situation persiste, notre pays s’éloignera de l’Etat civilisé pour entrer dans une période d’anarchie, préjudiciable à tous les membres de la société. Les escarmouches actuelles n’opposent que les abstentionnistes au clan présidentiel. Ce dernier risque d’être confronté aux partisans des autres candidats si l’on s’amuse à jouer avec le résultat du scrutin de jeudi prochain…
Pour combattre la violence dans notre société, il faut remplacer la «voyoucratie» (la loi du plus fort) par la démocratie : un Etat de droit régi par l’équité (le rêve de nos martyrs). Pour cela, la sagesse, l’amour du pays doivent l’emporter sur nos propres intérêts. Cette évolution est incontournable, car elle fait partie des acquis de l’humanité. Il ne reste que le choix de la méthode pour y arriver : la violence ou les moyens apaisés. Les élections honnêtes servent à concrétiser cet Etat de droit tant rêvé : celle du 17 avril semble fermée…
Boudjema Tirchi
(Boudjema Tirchi DZ blog)

 

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