«Plaintes» de Bouteflika contre Benflis : le président-candidat est-il manipulé par son entourage ?

Le chef de l’Etat est de nouveau monté au créneau pour fustiger sans ménagement, devant ses hôtes reçus au siège de la présidence, son principal rival à la présidentielle. La première fois, avec le chef de la diplomatie espagnole, il a mis en exergue de graves menaces qui auraient été lancées, au cours de la campagne électorale, contre les walis, les fonctionnaires et leurs enfants «en cas de fraude», chose qu’il a bien qualifiée de «terrorisme». Bouteflika sous-entendait que les auteurs de telles menaces n’hésiteraient pas à se venger contre cette catégorie de responsables en charge de l’organisation de l’opération électorale, ainsi que leur progéniture, si les résultats du vote n’étaient pas en faveur de leur champion. Dans son intervention retransmise sciemment à la télévision, le président candidat, dont c’était la première apparition depuis le lancement de la campagne, semblait même y mettre de la conviction. Or, tout était parti d’une interprétation tronquée d’une expression que le candidat Benflis répétait, tel un leitmotiv, dans tous ses meetings électoraux, et formulée à chaque fois différemment : «J’avertis tous ceux qui ont la charge d’organiser l’élection : n’oubliez pas que vous avez des enfants !», ou encore : «Préservez vos enfants et vos familles de vos péchés !». Le péché – haram – pour Benflis, sous-entend la tentation de fraude. Il n’est donc nullement question, dans l’esprit de ce discours, de s’en prendre aux familles de ces fonctionnaires pour leur faire payer d’éventuels dépassements avérés. Il faut reconnaître que Benflis s’est parfois laissé à des raccourcis, lesquels ont fini par être saisis par le cercle proche du président-candidat et la direction de sa campagne, appuyés par des médias acquis et, parfois même, malintentionnés, pour tenter de le clouer au pilori. La campagne de diabolisation a commencé sur une chaîne de télévision, vite relayée par le chargé de communication de la direction de campagne, Abdeslam Bouchouareb, qui, dans un communiqué de guerre, accusait nommément Ali Benflis de velléités extrêmement graves mais, bizarrement, aucune plainte n’a été déposée auprès de la Commission nationale chargée de la supervision de l’élection présidentielle du 17 avril. Qui mieux que le président-candidat lui-même pouvait porter l’estocade à son rival ? Mais nul n’imaginait que Bouteflika, aphone et malade, allait s’y frotter, au risque d’enfreindre au devoir de réserve qui lui interdit de soulever des problèmes internes devant un émissaire étranger. Il reste toutefois à savoir si Bouteflika s’était suffisamment informé du contexte dans lequel ces avertissements avaient été prononcés ou, alors, il n’a fait que mettre en scène, malgré lui, une déclaration de guerre qui lui aurait été dictée. C'est là tout le mystère.
R. Mahmoudi

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