Construire la deuxième République
Notre pays se trouve, aujourd’hui, à la croisée des chemins, comme ce fut le cas, dans un contexte différent, en 1954 et 1962. En 1954, devant des choix politiques inappropriés et des ambitions personnelles démesurées, un groupe de patriotes eut l'audace d'engager toute la nation dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. Ces hommes d'un courage exceptionnel ont su dépasser les clivages et les divergences pour donner une nouvelle impulsion à la lutte pour l’indépendance. Ce petit groupe de militants, petit par son nombre mais grand par l’idéal qu’il portait, a su, avec de faibles ressources, déployer une vision politique et une stratégie opérationnelle qui ont fait adhérer, progressivement, tout le peuple à cette juste cause. Les membres fondateurs du FLN/ALN, par l’action engagée, visaient l’élimination du système colonial et le recouvrement de la souveraineté nationale. Ils aspiraient aussi à donner au peuple algérien sa dignité et sa liberté, longtemps niées et bafouées. Qu’ils trouvent, ici, notre reconnaissance et notre gratitude pour leur dévouement à la nation et leur sacrifice.
Qu’en est-il aujourd’hui de ces idéaux ?
Le rejet quasi généralisé par la société algérienne des élections présidentielles du 17 avril 2014 montre à quel point le fossé s’est creusé entre le peuple et le pouvoir. La revendication principale exprimée massivement étant le changement pacifique du système et la refondation d’un Etat démocratique et social tel qu’il a été défini par l’acte fondateur de la nation algérienne qui est la déclaration du 1er Novembre et consolidée par la plateforme de la Soummam. En cette année 2014, plus que par le passé, la société cherche une issue à la crise multidimensionnelle et espère en vain un rassemblement des forces patriotiques pour réduire les maux qui l’accablent. Tout le monde s’accorde à dire que le système a failli dans ses missions et trahi les idéaux de Novembre et, pourtant, ce système, devenu la risée de la planète, s’entête et continue de s’accrocher au pouvoir envers et contre tout. Autiste, prédateur il ne veut pas comprendre que l’Algérie a changé et que l’ère de l’autoritarisme est révolue. Sa plus grande faute c’est d’avoir légitimé l’immoralité et l’irrespect des règles. La corruption a gangréné des pans entiers de la société, les libertés fondamentales sont bafouées, la vie politique verrouillée, l’élite marginalisée, l’incompétence et la médiocrité soutenues et promues. Voilà l’héritage que nous lègue ce système. Dans les conditions actuelles, croire que le système peut se réformer de lui-même serait bien naïf.
Que faire aujourd’hui ?
Il est impératif de disqualifier cette élection présidentielle et le plus important n’est pas seulement de revendiquer une période de transition et de définir les mécanismes, mais d’arrêter les principes devant la fonder afin qu’elle aboutisse à terme à un consensus sur la vision de l’avenir de l’Algérie. Cette revendication doit tendre à devenir le point de ralliement des forces qui œuvrent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système pour son changement. L’idée d’une période de transition en prélude à la construction d’un Etat de droit a été lancée par quelques politiques et forces associatives. Cette idée fait son chemin et trouve un écho favorable auprès des citoyens. Pour cela, il faut une opposition forte et organisée. Or, la scène politique est atomisée par une multitude de micro-partis, sans ancrage, sans projet, autoproclamés représentants du peuple et détenteurs de la seule vérité. Dans les faits, ils ont été incapables de produire des idées novatrices, d’implanter un fonctionnement démocratique de leurs instances et agissent pour certains comme des tyrans. Cette atomisation de la vie politique est le meilleur allié du système en ce sens qu’elle lui permet de durer et de perdurer et, si cela continue, alors ce système aura de beaux jours devant lui. Enfin, le jour où les forces patriotiques, qui prétendent aimer leur pays, mettront leur ego surdimensionné au placard pour se fédérer en une force politique crédible par son projet, par l’exemplarité de ses militants, par la mise en œuvre de modes d’action innovants, pacifiques et efficaces, ce jour-là l’espoir du changement naîtra. Ce qu’il faut rechercher, ce sont les méthodologies pour déterminer qu’elles sont les modes opératoires les plus efficaces qu’il faut mettre en œuvre pour arriver aux résultats escomptés. Le regroupement des forces patriotiques autour de cette idée doit être une occasion historique pour dépasser les clivages, les questions fâcheuses de leadership dont la réflexion doit porter sur le comment fédérer toutes ces entités (personnalités et partis politiques, société civile, intellectuels et toutes forces qui aspirent au changement) pour constituer un pôle puissant qui aura une capacité de mobilisation pour arriver au résultat qu’on veut. Des débats se font maintenant sans aucune recherche d’efficacité, tout le monde parle en pensant détenir la vérité et puis il n’y a plus rien. S’il n’y a pas à l’avenir une recherche d’efficacité pour un mode d’action, alors ce n’est pas la peine de perdre notre temps.
Chadly Benguesmia, Civic d’Oran