Qui a propagé la rumeur sur l’assassinat du rappeur Lotfi Double Kanon et à quelle fin ?
Les réseaux sociaux ont propagé la fausse nouvelle de la mort de la star du rap algérien, Lotfi Double Kanon. Sans même attendre une confirmation ou une infirmation de la diffusion de la vidéo truquée postée à une heure de grande écoute, dans un faux JT de France 24 en arabe, tout le monde était prêt à admettre l’information. C’est dire que, depuis quelques jours, les esprits sont préparés au pire, à une étincelle qui déclenchera la grande pagaille qui a été «promise» aux Algériens à l’occasion de l’élection qui s’annonce. Il est clair que cette rumeur n’est pas innocente, ni ne peut être l’œuvre de simples fantaisistes, mais participe d’une machination prévisible visant à semer la panique dans le pays et à créer un climat de terreur, à moins de quarante-huit heures du vote. Le but recherché par ses auteurs, c’est évidemment de continuer à démotiver les Algériens et à leur faire du chantage par la peur, dans le dessein de leur imposer un choix qui n’est plus le leur. C’est, en d’autres termes, l’expression d’une faillite politique qui commence à se dessiner, à mesure qu’approche le jour du grand verdict. Seuls ceux qui veulent créer la confusion dans le pays, pour empêcher toute option différente, auraient intérêt à propager de telles rumeurs ravageuses. Pourquoi avoir choisi un artiste, et plus spécialement Lotfi Double Kanon ? Parce que ce dernier est un des chanteurs les plus populaires en Algérie et ses chansons, virulentes contre le système politique et ses hommes, le prédestine à une vocation d’artiste engagé qu’il a, en fait, déjà commencé à revendiquer dans ses derniers albums. Donc, sa mort, réelle ou virtuelle, était censée toucher un maximum de jeunes sensibles au discours qu’il véhicule, notamment dans sa ville natale, Annaba, à l’est du pays. On peut le comparer au défunt Matoub Lounès, dont le chanteur rap parle beaucoup dans ses vidéos et dont le kidnapping par les terroristes du GIA, puis son assassinat par les mêmes sanguinaires en juin 1998, auront servi le même objectif : monter toute une population contre ceux que l’artiste avait toujours vilipendés dans ses chansons. C’est ainsi que Matoub reste, seize ans après sa disparition, le symbole de la liberté et de la résistance contre toute forme de dictature. Matoub, de l’avis de nombre de ceux qui l’ont connu, était avant tout victime du machiavélisme de certains aventuriers politiques de l’époque. Sa mort et la colère populaire qui s’en est suivie avaient coïncidé avec la destitution du conseiller du président Zeroual, le général Mohamed Betchine, laquelle destitution montrera la voie de sortie au chef de l’Etat, quelques mois plus tard. Il faut espérer que le machiavélisme des protagonistes actuels ne dépasse pas le seuil des manœuvres politiciennes et de la manipulation de l’opinion par de simples rumeurs.
R. Mahmoudi