Jeune Afrique fait-il la promotion du chef terroriste Droukdel ?
Le magazine Jeune Afrique propose à ses lecteurs, à l’occasion de sa dernière livraison, une sélection des «50 personnalités africaines les plus influentes dans le monde». On y trouve des opérateurs économiques, des personnalités religieuses, des acteurs du monde médiatique, des écrivains des sportifs, des artistes, des comédiens, des managers… en somme de toutes les catégories d’individus qui font la société en général. «Ils sont riches ou pas ; célèbres ou méconnus ; subsahariens ou maghrébins ; hommes ou femmes. Leur point commun ? Avoir le pouvoir d'influer sur le cours des choses, dans leur domaine, sur le continent, mais aussi au-delà», explique à ce sujet Jeune Afrique qui, visiblement, a fait le choix d’écarter les hommes politiques de cette sélection. Jusque-là, rien d’anormal, bien que d’aucuns ne manqueraient pas de s’interroger sur ce choix à l’évidence subjectif d’évincer les politiques de ce classement, eux qui ont souvent plus d’influence dans leur environnement. Mais là où le célèbre magazine commet un impair, c’est lorsqu’il intègre dans cette sélection un terroriste, notoirement connu pour ses agissements sanguinaires, qui continue de semer le désordre et la mort dans toute la région d’Afrique du Nord et du Sahel. Il s’agit d’Abdelmalek Droukdel, le chef du réseau d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui, selon toute vraisemblance, est devenu quelqu’un qui compte pour Jeune Afrique. Le magazine nous a, pourtant, habitués à mieux. «Qui sont donc ces Africains qui sont devenus des références ?» s’interroge le magazine dans la présentation qu’il fait de la sélection. Droukdel est donc devenu «une référence» pour Jeune Afrique. N’est-ce pas là faire l’apologie du terrorisme que de présenter un criminel qui ne cesse d’endeuiller des milliers de familles à travers toute la région d’Afrique du Nord et du Sahel comme quelqu’un d’«influent» ? L’on s’interroge d’ailleurs sur les critères sur lesquels se sont basés les rédacteurs du magazine pour aboutir à la conclusion qu’un chef terroriste est une «personnalité influente». Peut-on, à ce propos, être si aveugle pour considérer que tuer des gens et semer la terreur seraient une tâche noble à même de hisser son auteur à un rang de «personnalité influente» ? Pourtant, par ailleurs, le magazine paraît plus lucide lorsqu’il choisit dans sa sélection des hommes d’affaires, des intellectuels, des comédiens bien connus sur le continent africain et qui représentent qui un symbole d’une réussite, qui une icône dans son domaine, qui d’autre encore un exemple à suivre. En effet, pour le cas de l’Algérie, le choix qui est fait des personnalités les plus influentes pourrait ne pas souffrir une quelconque contestation. Voyons de près. En dehors de Droukdel, cinq Algériens figurent dans le classement de Jeune Afrique. Il s’agit de Lakhdar Brahimi, le diplomate mondialement connu et, notamment envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Issad Rebrab, le patron du groupe Cevital, le chercheur installé aux Etats-Unis Elias Zerhouni, le journaliste, philosophe et anthropologue spécialiste du monde arabe Malek Chebel et l’écrivain Yasmina Khadra. Au vu de ces noms de personnalités dont la réputation est bien établie, chacune dans son domaine de prédilection et qui apportent une plus-value à leurs sociétés respectives et parfois même au-delà, comment un personnage aussi sinistre comme Droukdel peut figurer dans cette sélection ? Pourtant, même Jeune Afrique l’admet à demi-mot en écrivant dans la présentation : «Personne ne remettra en cause le poids du milliardaire sud-africain Johann Ruppert, numéro deux du luxe dans le monde, mais les lecteurs ne s’attendront pas moins à trouver dans ce classement l'Algérien Abdelmalek Droukdel, l’émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).» Pourquoi donc avoir fait le choix d’intégrer le nom de ce terroriste islamiste dans la liste des personnalités africaines les plus influentes du monde ? Seul Jeune Afrique doit avoir finalement la réponse.
Amine Sadek