Un expert américain évoque l’impact de la crise libyenne sur l’Algérie
L'expert américain sur les questions du terrorisme, Daveed Gartenstein-Ross, a relevé devant le Congrès l'impact de la situation en Libye sur la sécurité en Algérie et dans la région, affirmant que l'intervention de l'Otan a été «une erreur stratégique» des Etats-Unis et de leurs alliés malgré les mises en garde lancées par l’Algérie. S'exprimant devant la Chambre américaine des représentants (chambre basse du Congrès) qui a consacré, vendredi, une audition spéciale sur la Libye, M. Gartenstein-Ross a noté que l'intervention en Libye a laissé un pays «en proie à l'instabilité» où le gouvernement «n'a jamais été en mesure de rétablir le contrôle». En conséquence, a-t-il poursuivi, l'intervention de l'Otan a «un effet potentiellement déstabilisateur» non seulement sur les voisins immédiats de la Libye, en citant l’Algérie, la Tunisie et l'Egypte, mais aussi sur le Mali puisque, selon lui, elle a favorisé, de manière significative, une prise de contrôle des djihadistes au Nord malien entraînant une autre intervention militaire menée par la France. Plus encore, selon lui, l'intervention de l'Otan en Libye «a également accéléré les événements en Syrie» où une guerre civile tragique a fait plus de 150 000 morts. «Lorsqu'on observe les effets de l'intervention de l'Otan en Libye, il semble que cette décision a nui aux intérêts stratégiques des Etats-Unis et a rendu la région plus dangereuse», a-t-il soutenu devant la commission de la supervision relevant de la Chambre des représentants. Par ailleurs, cet expert, qui est également analyste au think tank américain pour les questions de sécurité «The Foundation for Defense of Democracies», a donné un aperçu détaillé sur les différents groupes djihadistes activant en Libye. A ce propos, il a prévenu que la combinaison entre l'installation de camps d’entraînement en Libye par ces groupes, la grande disponibilité des armes et l’établissement de sanctuaires a tendance à transformer la Libye «en base arrière pour des attaques terroristes futures». Pour M. Gartenstein-Ross, cela fut certainement le cas pour la crise des otages à l'installation gazière de Tiguentourine (In Amenas) de janvier 2013 qui avait eu lieu, a-t-il précisé, à un endroit très proche de la frontière libyenne. Plus préoccupant encore, a-t-il poursuivi, outre les frontières poreuses entre la Libye et l'Egypte, il y a «un flux continu» d'armes en provenance de la Libye vers la Tunisie, qui a renforcé les capacités militaires d'Ansar al-Charia dans ce dernier pays. Mettant en évidence certains liens entre des groupes terroristes algériens, libyens et tunisiens, cet expert a souligné que «l'Algérie est préoccupée par l'impact de cette situation en Libye sur sa propre sécurité». «Bien que la crise des otages de Tiguentourine et ses liens avec la Libye ont servi d'avertissement macabre, le gouvernement algérien a, depuis longtemps, exprimé sa préoccupation de l'impact que pouvait avoir l'intervention de l'Otan en Libye sur l’Algérie», a-t-il fait valoir. Sur ce point, cet expert a tenu à faire savoir au Congrès qu'en début de l'intervention de l'Otan en Libye, l’Algérie «a mis en garde» que le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) allait tirer parti de ce nouveau développement et elle avait également prévenu du risque que les armes, notamment les missiles portables sol-air (Manpad), tombent entre les mains des groupes terroristes. En fait, a résumé M. Gartenstein-Ross, l'intervention de l'Otan en Libye a non seulement renforcé les groupes djihadistes dans la région, mais a mis les Etats-Unis dans «une position stratégique plus difficile» dans la région, ajoutant que cette intervention de l'Alliance atlantique a été «une erreur stratégique» qui semble «avoir produit plus de mal que de bien».
R. N.