Un statu quo confortable
Par Kamel Moulfi – C’est visiblement un gouvernement de statu quo qui a été formé hier après le refus, constaté par tous, des partis de l’opposition, du moins ceux qui ont été sollicités, de faire partie de l’Exécutif «pour appliquer le programme du Président». La solution a été trouvée du côté de personnalités moins marquées pour leur appartenance partisane et même pour certaines, inconnues au plan médiatique, par contre avec une notoriété établie dans leur milieu professionnel. L'échec de faire entrer l'opposition dans le gouvernement a visiblement maintenu et renforcé le blocage qui s’est installé dans les institutions depuis la maladie du Président. La question est de savoir si le nouveau gouvernement sera en mesure de gérer les grosses échéances habituelles : le bac, pour la nouvelle ministre, le Ramadhan, un changement de ministre au Commerce aussi, et la rentrée sociale. Les membres du gouvernement, quasiment totalement remanié depuis deux ans, n’ont pas l’expérience de ceux qui ont battu les records de longévité à leurs postes de ministres, et ne bénéficieront pas du même climat consensuel au sommet, parmi les «décideurs», qu’avant. Par contre, le gouvernement aura l’avantage du semblant de «paix sociale» conclue entre le pouvoir et une grande partie de la population qui se contente de ce qu’elle a (la sécurité par rapport à la période du terrorisme, des revenus pour ceux qui ont un emploi, une certaine liberté de faire des entorses à la loi dans la vie de tous les jours) et de ce qu'elle espère avoir (plus de revenus, le logement avec les promesses…). Beaucoup de gens – les couches moyennes, comme on les appelle, qui se sont reconstituées – ont peur de perdre ce peu qu'ils ont, et donc ne veulent pas bouger, bloquant ainsi le mouvement, d’autant plus que les exemples donnés par le contexte régional et international découragent la prise de risque. Le pouvoir donne l’impression d’agir pour conforter cette position des couches moyennes dans l'immobilisme. D’autre part, «en haut», au sommet, ceux qui comptent ne veulent pas aller vers la rupture totale, tant qu'il y a l'argent du pétrole ; ils auraient trop à perdre et beaucoup d' «affaires» diverses les ont rendus «solidaires». D’où ce sentiment que les forces potentielles du changement (en haut et dans la population) veulent le statu quo, et on les comprend, elles en profitent. Jusqu'à quand ? La question ne semble pas les intéresser. Cet état d'esprit se retrouve chez la masse des jeunes qui considèrent que c'est le moment pour eux de commencer à tirer profit de la situation, comme leurs aînés, avant eux. Combien de temps durera le statu quo ? Vers quoi va déboucher le blocage actuel ? Comment s’en sortir ? La composition du gouvernement ne contient pas encore les réponses à ces questions angoissantes.
K. M.
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