La mémoire de Bouteflika
Bouteflika a-t-il une mémoire sélective, capricieuse ou lourdement défaillante ? Sa conscience, longtemps engourdie par l'exercice débridé du pouvoir, est-elle aujourd'hui troublée par des remords tardifs incroyables, essentiellement dus à sa gouvernance désastreuse du pays depuis 1999, dont il semble avoir compris toute la mesure, à la suite de son rejet et de sa mise en quarantaine, pour toutes les raisons objectives que l'on sait, par l'écrasante majorité du peuple algérien, lors de la mascarade du 17 avril 2014 ? En effet, après 15 ans de règne sans partage et de viols répétés de la Constitution et des lois de la République pour rendre possibles les abus, méfaits et forfaits commis en son nom par les membres de son clan de prédateurs cupides et obstinés, depuis 1999, Bouteflika se rappelle soudain que l'Algérie, dont l'image et la crédibilité sont aujourd'hui au plus bas, a une Constitution. Il voudrait la réviser substantiellement et «consensuellement» afin de présenter comme émanant de la société civile et des partis et personnalités politiques, les modifications qu'il envisage d'y apporter pour satisfaire ses derniers caprices d'enfant gâteux d'un système à bout de souffle, dont les frasques et les lubies, politiquement, diplomatiquement, économiquement et socialement coûteuses, ont conduit notre pays à l'impasse dangereuse où il se trouve actuellement. Ces réformettes, dont le rétablissement de la limitation des mandats présidentiels à deux successifs, supprimée par lui-même en novembre 2008 pour pouvoir accomplir la forfaiture du 3e mandat, qui ne lui a, somme toute, pas porté bonheur, et une amnistie générale des crimes terroristes, économiques et financiers seraient les principales, visent en réalité à entraver l'action de son successeur, si jamais il était tenté de rendre public l'état des lieux désastreux du pays, que Bouteflika lui laissera, à son départ. Loin, donc, de permettre aux aventuriers du clan présidentiel de redorer leur blason terni, sur les plans interne et externe et parce qu'elle est mue par des intentions et arrière-pensées malsaines, la prochaine révision constitutionnelle de Bouteflika va aggraver davantage le cas déjà désespéré de ce clan, qui connaît une fin de règne pathétique, voire même tragique. En tout état de cause, la malédiction qui frappe les aventuriers du clan présidentiel ne semble pas épargner notre pays, parce qu'ils réussissent apparemment à l'entraîner dans leur chute infernale en tétanisant les autres institutions de la République par leurs menées maraboutico-cabalistiques.
Rabah Toubal