Le Président élu avec une faible participation est-il habilité à ordonner la révision de la Constitution ?
Après s’être adjugé un quatrième mandat par le biais d’un passage en force à la présidentielle d’avril dernier, Abdelaziz Bouteflika s’apprête à léguer aux Algériens une Constitution non consensuelle. Quels que soient les amendements qui seront apportés à ce texte fondamental de la République, son contenu n’intéressera que ses commanditaires et ses auteurs. Une Constitution est, par essence, une loi établie ensemble qui précise l’articulation et le fonctionnement des différentes institutions qui composent l’Etat. Or, on se trouve, dans le cas qui nous est imposé, face à une révision dictée par un Président élu par une minorité de citoyens. La Constitution, qui se situe au sommet du système juridique et dont elle est le principe suprême, a perdu cette vertu dès lors que le président Bouteflika l’a réajustée à sa taille, en 2008, pour s’offrir une présidence à vie. Une nouvelle Constitution sous-entend la mise en place d’une Assemble représentative qui ouvre la voie à un pouvoir constituant. Mais ces conditions ne sont pas réunies et la nouvelle mouture qui vient d’être adressée aux partenaires dans les discussions initiées par Bouteflika et conduites par son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, ne sera qu’un pas de plus dans le reniement des engagements pris par le président de la République de se retirer, en même temps que toute sa génération, de la gestion des affaires publiques. L’organisation et le fonctionnement de la République ne peuvent être rabaissés à des calculs politiciens étroits et des velléités de pouvoir. Ils dépassent cette vision réduite car la Constitution est un texte supérieur à la loi, en ce sens qu’il fonde et encadre juridiquement l’Etat. La Constitution est une conscience nationale fondée sur un principe de constitutionnalité qui ordonne son inviolabilité. «Quand il est nécessaire de toucher à la Loi suprême, le peuple, suffisamment averti, donne un mandat spécial à une Assemblée constituante, à une Convention, chargée expressément, et à l'exclusion de tout autre corps, de réviser la Constitution», écrivait Edouard de Laboulaye, au XIXe siècle. Une moralité que deux cents ans d’Histoire n’ont pas pu nous faire parvenir.
M. Aït Amara