Les quatre articles qui démontrent l’usage personnel de la Constitution par Bouteflika
Des quelques amendements formels proposés par Abdelaziz Bouteflika dans la Constitution, quatre attirent tout particulièrement l’attention. Tous les autres – ou presque – n’étant qu’une mise à jour sous forme d’additifs à des passages «oubliés» lors de la dernière révision constitutionnelle de 2008. Ces quatre nouveaux articles ou articles bis proposés viennent, en effet, compléter ceux qui avaient été insérés dans la Constitution héritée de l’ère Zeroual. Le premier a trait au nombre de mandats du président de la République qui a, de nouveau, été ramené à deux ; impossibilité – donc – de rempiler au-delà du second. L’article réaménagé est rédigé comme suit : «La durée du mandat présidentiel est de cinq ans. Le président de la République est rééligible une seule fois.» Abdelaziz Bouteflika n’étant plus à même d’assurer la fonction de chef de l’Etat au-delà de ce quatrième mandat, un tel article signifie, tout simplement, que ce dernier entrera dans l’Histoire contemporaine de l’Algérie pour avoir été le Président qui aura duré le plus longtemps à la tête du pays. Avec le temps, les générations futures ne retiendront que sa longévité dans un régime «démocratique». En supprimant la limitation des mandats en 2008, soit une année avant la présidentielle de 2009, et en rétablissant cette règle dans la Constitution de 2014, soit au courant de son dernier mandat, Abdelaziz Bouteflika démontre que l’amendement de la Constitution par deux fois durant son règne est un réaménagement à des fins purement personnelles. Ce postulat est confirmé par un autre changement contenu dans la mouture distribuée par la présidence de la République aux partis politiques. Il s’agit de l’article 81 auquel a été ajouté un article 81 bis et qui est rédigé comme suit : «Le Premier ministre peut recevoir du président de la République, dans les limites fixées par la Constitution, une délégation du pouvoir réglementaire.» Cet ajout n’est, en vérité, qu’une mise en conformité du travail effectué par Abdelmalek Sellal avant et pendant la campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril dernier. Le Premier ministre avait, faut-il le rappeler, sillonné le pays pour faire l’apologie des trois mandats précédents en prévision de l’annonce officielle de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième. Acte II de cette mise en scène : Abdelmalek Sellal «prête» son bureau au Palais du gouvernement à un ministre de son gouvernement, le temps, pour lui, d’effectuer une seconde virée qui devait le conduire dans les mêmes wilayas, dans l’habit de directeur de campagne cette fois-ci. Une fois le candidat à sa propre succession réélu, Sellal a repris ses fonctions, mais sans recevoir «une délégation de pouvoir réglementaire» quelconque, le président de la République étant encore capable d’assumer ses fonctions dans son état actuel. Cette disposition semble avoir été prévue dans le cas où ce dernier serait empêché d’assumer ses fonctions. L’article 81 bis infirme donc de facto l’article 88 qui dispose que le chef de l’Etat doit quitter son poste en cas d’incapacité. D’ailleurs, l’article suivant (art. 89), proposé dans la nouvelle mouture, est venu en appui à cette approche égocentrique, puisque l’alinéa en question stipule que «lorsqu’un candidat dépose son dossier de candidature à l’élection présidentielle, au Conseil constitutionnel, son retrait ne peut intervenir qu’en cas de décès ou d’empêchement légal dûment constaté par le Conseil constitutionnel.» Ce paragraphe, à l’effet rétroactif, sert à annihiler toute dimension critique face au procédé employé par le Président sortant pour valider sa candidature auprès de cette institution au rôle mitigé sous la conduite de Mourad Medelci. Enfin, l’article 100 bis, contenu dans la nouvelle Constitution à débattre, atteste de l’usage circonstanciel de ce texte fondamental par Abdelaziz Bouteflika depuis son avènement au pouvoir. Après avoir profité lui-même des pratiques politiques immorales de candidats aux législatives qui, sans scrupule ni remords, sautaient d’un parti à un autre pour offrir leurs services intéressés aux tenants du pouvoir en place, Bouteflika, qui n’a plus besoin de ces députés trapézistes, a décidé de s’en passer en les déchoyant de leur mandat électif si, durant leur mandat, ils auront changé l’appartenance sous l’égide de laquelle ils auront été élus. Par cet addendum, le président Bouteflika moralise la pratique politique tout en épargnant ses jalonneurs qui ne sont pas concernés par cette restriction punitive future, après qu’ils lui eurent balisé le chemin trois fois.
M. Aït Amara