Rebrab veut écarter son associé américain de la reprise d’Ascométal
Après avoir été contraint de s’associer au fonds américain Anchorage, qui s’est, lui, allié aux banques Morgan Stanley et Bank of America, pour la reprise du leader européen de la production de métaux spéciaux, Ascométal, le patron de Cevital, Issad Rebrab, ne cache désormais plus son désir de se débarrasser de son associé, affirmant sa capacité financière à racheter seul le groupe français. Dans un entretien accordé au site spécialisé dans le monde de l’entreprise Challenges.fr, Rebrab s’est montré loquace sur ses projets dans l’Hexagone, livrant des chiffres qui, faut-il le dire, donnent le tournis, notamment lorsqu’il évoque avec un grand optimisme ses prévisions de production d’acier par le biais d’Ascométal, une société qui est, pourtant, placée en redressement judiciaire. «Je souhaiterais en un an faire passer la production de 135 000 tonnes d’aciers spéciaux à 1 million de tonnes d’aciers spéciaux et courants. J’en exporterai 90% vers l’Afrique. Dans une deuxième phase, je porterai la production à 2 millions de tonnes en trois ans», soutient-il, visiblement sûr de lui. C’est, sans aucun doute, cette vision singulière des affaires qui l’a amené à vouloir racheter la société sans son allié dans le dossier pour le moment, Anchorage. «J’ai encore l’espoir que le tribunal de commerce de Nanterre nous écoute et accepte de rouvrir le dossier des offres pour que je puisse déposer une offre globale.» Le patron de Cevital ne désespère donc pas de voir la justice française réexaminer les offres afin de lui permettre de présenter, cette fois-ci seul, une proposition de reprise. Tout reste en tout cas suspendu à la décision du tribunal de commerce de Nanterre qui doit tomber soit lundi 19 mai, soit le 22 du même mois. Mais pourquoi Rebrab a-t-il été contraint de se faire accompagner par le fonds d’investissement américain Anchorage dans la proposition de reprise d’Ascométal ? «Je n’ai pas pu déposer d’offre de reprise seul car il fallait déposer les offres avant le 7 avril. Or, à ce moment-là je n’avais pas encore bouclé l’affaire de la reprise des marques de FagorBrandt auprès du tribunal espagnol. Je ne voulais pas inquiéter les autorités françaises, le tribunal espagnol et les ouvriers du groupe qui auraient pu penser que je me retirerais de FagorBrandt si je déposais une offre de reprise d’Ascométal», explique-t-il, révélant avoir proposé à l’administrateur judiciaire de déposer une offre qui «serait gardée secrète plusieurs jours». Chose que son vis-à-vis lui a déconseillé, lui expliquant que cela «n’était pas légal» et l’a conseillé d’accompagner un des repreneurs. Une offre d’accompagnement a ainsi été déposée, ouvrant la voie à des négociations qui ont abouti avec Anchorage. Rebrab s’est montré séduit par les sites d’Ascométal à Fos-sur-Mer et d’Allevard (Isère), considérant qu’«on peut y faire des choses extraordinaires». Et pour cause. Le patron de Cevital a de grands projets autour de ce site sidérurgique. «J’aimerais créer un port privé et un complexe industriel avec une usine de trituration de graines oléagineuses pour faire de l’huile végétale et des tourteaux de soja et un site de production d’éthanol. Je prévois d’investir 550 millions d’euros à Fos et 620 millions au total. Et je garde 1 800 emplois sur les 1 900 salariés des six sites, en doublant les effectifs à Fos, avec 500 emplois en plus», révèle-t-il à ce propos. Rebrab affirme même qu’il n’a pas demandé de prêt au gouvernement français pour la présente transaction, comme il l’avait fait avec la reprise de FagorBrandt où l’Etat a prêté à Cevital 47,5 millions d’euros, via le Fonds de résistance économique. «Nous avons fait appel à un consortium de banques, dont la Société Générale et le Crédit agricole. Et 85% de nos investissements seraient assurés par un crédit fournisseur», indique Rebrab. Interrogé sur les blocages dus à la réglementation appliquée par la Banque d’Algérie sur la circulation des capitaux, le patron de Cevital a déploré le fait que son groupe soit en surliquidités sans être capable de les investir, ni en Algérie ni à l’étranger.
Amine Sadek