A défaut de soulever la population, Barakat veut rassembler les forces du changement
On est loin du 1er mars et les expéditions aventuristes devant la fac centrale, avec des banderoles sanguinaires contre le pouvoir et des mots d’ordre qui appelaient la population algérienne à se soulever via leur page Facebook. C’était le temps de la naïveté, celle de croire que l’on pouvait refaire «le printemps arabe» à l’algérienne. Mais c’était sans compter que le peuple algérien s’est avéré plus mûr que l’on croyait et qu’il n’était pas disposé à cet aventurisme, celui d’ouvrir les portes à la prédation impérialiste tout en rejetant le statu quo, exprimé massivement à l’occasion des présidentielles du 17 avril. On est loin également de l’entêtement chevaleresque à vouloir faire bande à part et tourner le dos aux forces du changement qui militent sur le terrain depuis toujours. En s’entêtant à vouloir défier le pouvoir les mains nues, sans constitution d’un leadership représentatif de l’ensemble du peuple algérien, sans stratégie, sans projet, ni vision en profondeur de la société que l’on désirait reconstruire et pouvant servir de base élargie à la refondation d’une nouvelle république. En somme de la constitution d’un véritable contre-pouvoir pouvant faire pression sur les autorités et les amener à accepter le fait accompli de la nécessité du changement pour l’intérêt suprême de la nation algérienne. A présent, les éléments intègres du mouvement se sont, semble-t-il, ressaisis de leur aveuglement et de leur errance aventuriste en revenant à de bons sentiments, qui les ont amenés à faire le ménage dans leurs rangs en se démarquant des éléments les plus subversifs. Effectivement, ce qui devrait arriver arriva finalement avec fracas. En effet, leur mouvement a implosé sous le poids de ses contradictions. Ce fut le coup de théâtre en ce dernier week-end au sein de la coordination nationale du mouvement, par l’implosion qui s’est produite au sommet de sa hiérarchie, en scindant le mouvement en deux sous-groupes distincts, dont l’un mené par Amira Bouraoui et le second par Idir Tazrourt. En fait, c’est à la suite de la rencontre avec les responsables de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), menée par le groupe d’Amira Bouraoui, que le clash entre les deux parties s’est produit. Le conflit semble porter sur le fait que le groupe d’Idir Tazrourt veut maintenir le cap de l’action solitaire et aventuriste, alors que celui d’Amira Bouraoui paraît plutôt être disposé à jouer un rôle de liant pour pallier la dispersion des forces du changement. C’est du moins ce qui semble motiver les rencontres entreprises par le groupe d’Amira Bouraoui, qui vient de rencontrer les responsables d’un autre parti politique, le Mouvement démocratique et social (MDS), après avoir rencontré la CLTD et en ayant auparavant adhéré au collectif de la société civile. Reste à savoir comment le groupe d’Amira Bouraoui va s’y prendre pour surmonter la contradiction apparente avec la ligne politique annoncée dans le texte fondateur du mouvement, par l’incompatibilité de son aspect moderniste avec l’idéologie islamiste dominante au sein de la CLTD. Notamment dans ces extraits : «… les méthodes d’action sont […] le dialogue avec tous les acteurs politiques […] qui partagent le même projet de société». Sachant que le projet de société des partis islamistes est en nette contradiction avec un quelconque projet moderniste. Au-delà de cette union contre nature, à supposer que le groupe d’Amira Bouraoui ne soit pas empêché d’accomplir son marathon rassembleur des forces du changement, c’est tout le problème de la construction d’un consensus national au sein des forces de l’opposition qui est posé ! A savoir, comment parvenir à faire émerger un contre-pouvoir qui incarnerait un Etat républicain moderniste.
Youcef Benzatat