Bassam Tahhan à Algeriepatriotique : «20 000 commandos formés pour envahir Damas»

Algeriepatriotique : Que pensez-vous de l’interdiction faite par la France et l’Allemagne à la représentation consulaire syrienne d’organiser l’élection présidentielle prévue le 28 mai pour les ressortissants syriens ?

Algeriepatriotique : Que pensez-vous de l’interdiction faite par la France et l’Allemagne à la représentation consulaire syrienne d’organiser l’élection présidentielle prévue le 28 mai pour les ressortissants syriens ?
Bassam Tahhan :
M. Fabius s’entête. Il me fait penser à un chien de chasse qui tient absolument à son os et ne veut pas en démordre. Ça montre toute la complexité du dossier et des contradictions de M. Fabius, parce qu’il déclare qu’il fallait raser la Syrie et puis, en même temps, il parle d’une solution politique et démocratique. Interdire aux ressortissants syriens de voter en France, c’est avouer, un peu, son échec sur le territoire syrien. Comme il n’a pas pu gagner avec ses alliés islamistes ou outre-atlantistes la guerre sur le territoire syrien, il veut la gagner sur le territoire français. C’est un problème de territoire, dirais-je. Dans cette attitude, il fait un grand tort à la France et à sa réputation dans le monde comme pays des droits de l’Homme, parce que je ne vois pas en quoi cela gênerait le gouvernement français qu’il y ait des élections pour les résidents syriens en France, même s’il les déclare illégitimes. On me dira que c’est plus logique, si on considère cela comme illégitime, que d’interdire, mais je répondrais par non ! Ils peuvent considérer ces élections illégitimes, mais qu’ils respectent au moins les droits de l’Homme. Lorsqu’on se réfère à l’accord de Vienne de 1963, qui gère les relations consulaires et dont la Syrie est l’un des signataires depuis 1978, je ne suis pas convaincu qu’il y est quoi que ce soit dans ce traité qui puisse autoriser un Etat à interdire la tenue d’élection pour les résidents d’un pays qui jouit de ses droits diplomatiques. Ce qui arrive est pour moi un échec de la démocratie en France, et cela ne peut que causer du tort au rayonnement de la France hors et à l’intérieur de ses frontières. La France pousse les électeurs syriens à aller voter dans d’autres pays de la communauté européenne mis à part l’Allemagne. Cette dernière, par sympathie ou par affinité avec la France, a, elle aussi, interdit la tenue de l’élection. L’Allemagne nous a habitués à une politique un peu plus intelligente et indépendante, et là je vois que tout le monde fait du suivisme. Ils suivent le président américain Obama qui, après le fait qu’il n’ait pu intervenir en Syrie, a interdit à l’ambassadeur de la Syrie aux Nations unies, M. Bachar Jaâfari, de circuler sur le territoire américain, mais à ce moment-là, il faudrait peut-être que le siège des Nations unies aille ailleurs.
Que se passera-t-il le 28 mai ?
Nous allons voter, mais pas à l’ambassade, puisque c’est interdit. Nous n’allons pas donner un argument au gouvernement français pour fermer carrément l’ambassade. Nous sommes beaucoup plus respectueux des droits que M. Fabius et compagnie. Il y a un projet sur la place Joffre à Paris, dimanche prochain. Nous allons voter là-bas, munis de nos cartes d’identité. Il y aura une urne en bonne et due forme, et nous procéderons au dépouillement nous-mêmes, sous surveillance, de manière honnête. Evidemment, je crois que Damas ne va pas tenir compte de nos voix parce que c’est problématique. Néanmoins, nous aurons symboliquement damé le pion au gouvernement français, en lui montrant qu’on est autant respectueux de la France que de notre pays d’origine, la Syrie. Ce qu’il (gouvernement français) craint et appréhende le plus, c’est que les résultats du vote, ici à Paris, contredisent toute la politique française. Je suis sûr que s’il y a vote, ce ne sont pas les farfelus du Conseil national syrien de Paris qui vont avoir le plus grand nombre de voix. En France, les ressortissants sont pour la légitimité, par conséquent, pour le président légitime Assad. Surtout qu’il est devenu, aujourd’hui, le héros du panarabisme et de l’islam modéré. Je suis très fier de mon président malgré toutes les erreurs qu’il a pu commettre. Quand nous pesons le pour et le contre, nous constatons que le pour est plus important dans la politique du gouvernement syrien, qui j’espère va gagner haut la main. Tous les sondages le donnent gagnant.
Le porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal, avait déclaré, implicitement, que ce n’était pas aux Syriens de choisir, mais plutôt aux grandes puissances de nommer un gouvernement de transition. Que répondez-vous à cela ?
Des déclarations aussi stupides et irresponsables ne peuvent que nous renseigner sur la décadence totale de la diplomatie française. On affirme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le respect du droit international, le droit à la non-ingérence et après on fait des déclarations pareilles ? Ce bonhomme se croit à l’époque coloniale. Il croit encore que l’Algérie est française et que la Syrie est sous mandat, et qu’il peut mobiliser des navires de guerre. Aujourd’hui, toutes les études militaires montrent que si la France s’attaquait à la Syrie même dans l’état actuel où elle se trouve, elle serait incapable de remporter une victoire militaire. Depuis trois ans, les défenses aériennes de la Syrie et la combativité de son armée se sont aguerries. Cette déclaration ne m’étonne pas, car depuis que M. Fabius est au Quai d’Orsay, nous n’entendons que des stupidités. D’ailleurs, l’histoire de la diplomatie française avec le monde arabomusulman est au niveau zéro quand nous les écoutons parler. Une question a été posée à M. Fabius à l’université de Science-Po : savoir s’il était prêt à s’excuser parce qu’il s’est trompé sur la responsabilité de l’utilisation des armes chimiques en Syrie. Il a répondu non et qu’il croyait toujours que la Syrie est responsable, alors qu’il n’a aucune preuve. C’est la mauvaise foi d’une partie du Parti socialiste. Ils se font plus ridiculiser sur la scène internationale que d’en marquer des points. Les puissances étrangères n’ont rien à voir avec la Syrie. Elles ont essayé d’envoyer des djihadistes, de détruire le pays, mais elles n’ont pas, pour autant, gagné la guerre. Leurs alliés du golfe Arabo-Persique sont sous la menace d’un embrasement qui risquerait d’éclater chez eux. C’est le retour de bâton.
Selon vous, les Etats-Unis et la France ont-ils remis au goût du jour l’option d’attaquer la Syrie ?
Je ne le pense pas. Par contre, ils vont continuer une guerre d’usure. C’est-à-dire continuer à armer les djihadistes et à détruire le pays. On parle de vingt mille commandos formés en Jordanie, armés par l’Arabie Saoudite, qui vont lancer un assaut contre Damas, là où ils se cassent la gueule tous les jours. La frontière libanaise est hermétiquement fermée. Il reste le grand front de la Turquie et de ce côté-là, je pense que l’Iran a mis en garde ce pays contre une aventure guerrière en Syrie. Leur politique est une cascade d’échecs. Ils ont commencé par vouloir raser l’Iran, ensuite la guerre en Syrie et puis l’Ukraine où l’Occident s’avilit en s’alliant avec des groupes néonazis. D’un autre côté, il y a de nouvelles déclarations de différents groupes djihadistes qui menacent les pays du Golfe dans des vidéos publiées sur leurs sites. Notamment après le scandale du sang chrétien vendu en flacon pour cent mille dollars aux richissimes princes du pétrole pour faire acte de repentance en se lavant les mains avec ce sang. C’est le témoignage d’une religieuse allemande qui a révélé l’affaire et une enquête a été menée auprès d’une centaine de femmes syriennes, enlevées. Au début, on pensait que le sang était destiné aux djihadistes blessés, mais il s’est avéré qu’il a été récolté dans un but mercantiliste. Chose qui avilit l’islam, une religion de tolérance. Je vois mal comment justifier cela devant une jurisprudence musulmane. Les dessous de cette guerre de Syrie ne sont pas encore étalés dans les médias, mais cela ne saurait tarder, et les Américains et les Français vont être jugés pour des crimes de guerre.
La bataille de Syrie n’est plus syrienne, elle est celle de tous les musulmans modérés et tolérants. C’est la bataille des Arabes et des panarabes qui ne sont pas racistes et qui n’excluent pas toutes les communautés minoritaires religieuses, ethniques et linguistiques.
Entretien réalisé par Mohamed El-Ghazi
 

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