La France a-t-elle forcé la main à Bouteflika pour exploiter le gaz de schiste en Algérie ?
La décision du Conseil des ministres, réuni hier, de donner son aval à Youcef Yousfi, ministre de l’Energie, pour l’exploitation du gaz de schiste sur notre territoire, confirme les interrogations qui ont entouré ce projet depuis qu’il a été envisagé en Algérie, et met plus en relief la question concernant l’existence d’un accord secret entre Alger et Paris, dont Algeriepatriotique s’est fait l’écho avant l’élection présidentielle du 17 avril dernier (voir articles publiés le 20 décembre 2012 et le 14 mars 2014). L’odeur du gaz de schiste que beaucoup d’observateurs sentaient déjà dans les relations algéro-françaises a finalement empesté l’atmosphère après cette annonce du Conseil des ministres. La question qui se pose maintenant est de savoir si l'Algérie a été «forcée» à prendre cette option, un peu comme elle l’avait été par les Etats-Unis pour la fameuse loi sur les hydrocarbures de Chakib Khelil, votée malgré le tollé général que le projet avait soulevé quasiment dans tous les milieux en Algérie, puis annulée par la suite, sur intervention, dit-on, de l’ancien président vénézuélien, Hugo Chavez. Pour le gaz de schiste, est-ce le même «réalisme» dicté par la mondialisation qui impose au pouvoir algérien de donner aux firmes françaises l’autorisation de faire chez nous ce qui leur est interdit en France ? Ce serait plutôt, estiment nombre d’observateurs, la contrepartie accordée à la France pour son soutien au 4e mandat de Bouteflika. Personne n’a oublié qu’en décembre 2012, en pleine visite du président Hollande à Alger, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait offert un véritable scoop à un petit nombre de journalistes, vite répercuté par le site de l’hebdomadaire Le Point : «La France et l'Algérie vont prochainement signer un accord permettant des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l'exploitation des gaz de schiste.» L’information qui fit des remous en France, où l’opinion et une partie du pouvoir sont opposées à l’exploitation des gaz non conventionnels, «ici ou ailleurs», par les entreprises françaises, n’a pas été démentie côté officiel par l’Algérie. Le Point.fr s’était même permis le luxe de faire dans la provocation : «Les Algériens, eux, ne risquent pas de râler». Entre décembre 2012 et avril 2014, il y a eu la maladie du président Bouteflika qui a créé un contexte plus complexe pour les élections d’avril dernier, avec une forte opposition à la candidature de Bouteflika à un quatrième mandat et, donc, le risque que le projet dont avait fait état Laurent Fabius, subrepticement ou par maladresse, soit compromis. Après la réélection de Bouteflika, l’annonce du Conseil des ministres d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste malgré les réticences des experts et des écologistes n’est donc pas une surprise. Algeriepatriotique avait anticipé il y a une année ou plus sur ce choix. C'est visiblement un gros morceau que les Français ont arraché. Mais pourquoi Bouteflika insiste-t-il sur la protection de l'environnement et la préservation des ressources hydriques, sachant que l’impact négatif est inévitable ?
Kamel Moulfi