Rachid Boudjedra tacle de nouveau Yasmina Khadra à l’Aurassi : la guerre des plumes
Les échos parvenus de l’hôtel El-Aurassi où Rachid Boudjedra présentait, samedi dernier, son dernier ouvrage, Printemps, ont certainement fait regretter aux absents de n’être pas allés à ce rendez-vous littéraire organisé à la salle Qum Tara par les éditions Barzakh. Tous ceux qui suivent les activités de Rachid Boudjedra connaissent son sens de la provocation et les termes crus qu’il n’hésite pas à utiliser pour dire son opinion, surtout quand il parle d’autres écrivains ou des personnalités qui s’occupent de la culture. Yasmina Khadra en prend systématiquement pour son grade. Cette fois, il ne s’agissait pas des qualités d’écrivain que Rachid Boudjedra, en tant que lecteur, tient-il parfois à souligner, refuse de reconnaître à Yasmina Khadra, mais des ambitions politiques de ce dernier. Quelqu’un qui prétend être écrivain, peut-il se lancer dans la course au fauteuil de président de la République ? La question posée par Sid-Ali Sakhri, libraire, ressemblait, comme dans un match de football, à un centre qui n’attendait que la reprise de volée acrobatique, celle qui donne les buts les plus spectaculaires. Evidemment, Rachid Boudjedra n’a pas manqué cette reprise qui lui a offert l’occasion de franchir un nouveau palier dans sa critique de Yasmina Khadra. Un enregistrement audio reçu à Algeriepatriotique restitue la réponse de Rachid Boudjedra sur fond de rires audibles qui en disent long sur l’ambiance dans la salle à ce moment. On apprend ainsi, en l’écoutant – «cela s’est passé il y a 7 ou 8 ans», précise Boudjedra –, qu’au cours d’un dîner organisé par un éditeur, le sommelier a fait goûter le vin à Rachid Boudjedra qui servit ensuite un verre à Yasmina Khadra, «pour lui faire honneur», mais celui-ci refusa, au motif qu’il faisait la prière. «C’est ça ! J’avais bien vu ce qu’il avait fait à l’hôtel. J’étais vexé et déçu. La "salat" hallal et "ezina" haram !» Rachid Boudjedra qui refuse à Yasmina Khadra, auteur de Morituri, dans lequel il a créé le commissaire Llob, mais aussi de L'attentat, Les hirondelles de Kaboul ou Les sirènes de Baghdad, l’entrée dans le gotha des écrivains algériens – «il fait un travail de journaliste, pas une production littéraire» – met en doute également sa fidélité à ses convictions religieuses en l’accusant de trahir sa femme, ce qui est haram. Avant de raconter cette anecdote, succulente pour le public présent, mais qui ne sera sans doute pas du goût de l’intéressé, Rachid Boudjedra a confirmé ce qu’il pense de l’œuvre de Yasmina Khadra, même si, reconnaît-il, il a vendu à 200 000 exemplaires : «il écrit des romans policiers», ce n’est pas, au sens noble, de la littérature, insiste-t-il. Il rappelle toutefois qu’il a eu à prendre sa défense parce que le public ne l’aime pas, dit-il. Mais avec cette dernière sortie de Rachid Boudjedra, la polémique est relancée non seulement dans sa dimension littéraire, mais surtout sur le plan de l’éthique et de la morale. A suivre…
Kamel Moulfi