L’héritage explosif de Bouteflika
A son départ, pour une raison ou une autre, de la scène politique algérienne, dont il aura été une figure emblématique, en en occupant le devant de 1962 à 1979 et de 1999 à ce jour, Abdelaziz Bouteflika laissera à son successeur, choisi ou imposé, un véritable champ de mines. En effet, en raison des décisions et des choix politiques, militaires, diplomatiques et économiques désastreux de Bouteflika, et des maux et fléaux sociaux qui le rongent profondément , notre pays – Etat, nation et société – est devenu très vulnérable sur les plans interne et externe. Les abus de Bouteflika en matière de nomination et de révocation des cadres ont, en outre, aggravé sérieusement la situation et favorisé un flux massif vers l'étranger des cadres marginalisés. Malgré l'aisance financière dont elle jouit, des milliers de cadres ont paradoxalement quitté l'Algérie depuis 1999, pour aller vivre sous des cieux où régneraient une plus grande liberté et la justice. Les causes majeures de cette faiblesse structurelle, qui pourrait provoquer l’effondrement du régime algérien, à la moindre secousse politique ou sociale durable, en dépit du matelas financier confortable dont il dispose grâce au renchérissement appréciable du prix du pétrole et du gaz, hélas ! dilapidé par des dirigeants cupides et obstinés, qui n'ont aucune vision d'avenir et qui sont obnubilés par le pouvoir qu'il détiennent par la force et la fraude massive depuis 1999, pourraient être résumées comme suit :
– népotisme et régionalisme sauvages ;
– corruption généralisée et scandales y afférents dans lesquels sont directement impliqués des membres influents du clan présidentiel ;
– concorde civile et réconciliation nationale unilatérales boiteuses ;
– désindustrialisation du pays et sa dépendance quasi totale des exportations des hydrocarbures ;
– bradage des entreprises publiques économiques ;
– régression des droits de l'Homme et de la liberté de la presse et d'expression entravée pour des considérations sécuritaires et bureaucratiques ;
– dérive autoritaire et recroquevillement de l'Etat de droit ;
– mise en quarantaine interne et externe grandissante du pouvoir algérien, notamment après la mascarade du 17 avril 2014 et des camouflets subis par ce pouvoir concernant ses propositions de formation d'un gouvernement d'union nationale et d'adoption d'une Constitution consensuelle, massivement rejetées par les partis et personnalités politiques et de la société civile, invités à des consultations chargées de préjugés, par M. Ouyahia, au nom du président Abdelaziz Bouteflika.
– régression alarmante des institutions éducatives et universitaires ;
– concessions importantes aux compagnies et institutions étrangères dans de nombreux domaines (commerce, fiscalité, finances, gaz et pétrole de schiste, etc.). Leur contrôle devient quasi impossible.
Ces lacunes et handicaps lourds constituent autant de bombes à retardement qu'Abdelaziz Bouteflika léguera à son successeur qui devra les désamorcer d'urgence pour pouvoir mener à bien sa mission.
Rabah Toubal