Yasmina Khadra : «Les gens comme moi sont tellement rares qu’ils en deviennent suspects»
Dans un échange entre le déjà ex-directeur du Centre culturel algérien à Paris, Yasmina Khadra, et le président du Mouvement des citoyens algériens de France, le MCAF que dirige Omar Aït Mokhtar, l’écrivain de renommée internationale livre le fond de sa pensée sur son passage à la tête de cette institution. «J'ai cru apporter quelque chose à notre culture, écouter des artistes et des intellectuels marginalisés, rassembler des consciences autour d'un idéal et prouver que nous sommes capables de faire corps avec nos aspirations», écrit Yasmina Khadra, en réponse à un appel de trois organisations qui l’ont appelé à s’opposer à la désignation de Khalida Toumi au CCA. L’ex-candidat à la présidentielle d’avril dernier, qui n’a pas pu rassembler le nombre de signatures requises, exprime son regret d’avoir accepté ce poste : «Il est des naïvetés qui nous font espérer être utiles aux autres», écrit-il. Grisé par son aura internationale, l’ancien cadet de la Révolution devenu commandant dans les rangs de l’ANP revient sur sa renommée mondiale et ses revenus conséquents pour démontrer qu’il n’avait nullement besoin de cette fonction, mais que c’est, au contraire, l’Algérie qui avait tout à y gagner : «Sinon, comment expliquer qu'un auteur qui compte ses lecteurs par millions accepte de s'enfermer dans un bureau alors qu'il est réclamé partout dans le monde ?» questionne-t-il, avant d’interroger ses correspondants qu’il prend de haut : «Je suppose que ces détails ne vous interpellent aucunement. Qu'avez-vous à donner à l'Algérie, vous ? Votre colère ? Votre désarroi ? Les deux sont aveugles et déraisonnables. Vous ne pouvez pas me comprendre (…). Les gens comme moi sont tellement rares qu'ils en deviennent suspects.» Yasmina Khadra, aigri, dénonce le «mensonge» et la «démagogie» des dirigeants algériens depuis l’indépendance du pays : «50 années de mensonges nous ont rendus paranos. 50 années de démagogie ont faussé notre libre arbitre. Nous ne savons plus croire dans les bonnes intentions et nous sommes persuadés que tout ce qui ne nous convient pas nous ment puisque la seule vérité repose sur ce qui nous arrange.» L’écrivain se dit «blessé», sans pour autant «chercher de coupable là où je ne trouve pas de sens à mon tourment». «Vous m'avez trouvé ingrat sur les plateaux de télé, moi, j'avais seulement du chagrin», écrit-il au président du MCAF. Yasmina Khadra ne supporte pas qu’on l’accuse de quelque incompétence, lui qui, rappelle-t-il avec emphase, a «commandé des milliers d'hommes dans des situations apocalyptiques». L’ancien directeur du CCA estime, enfin, que le régime algérien «ne doit sa longévité qu'à notre inaptitude à réfléchir deux secondes afin de nous remettre en question».
M. Aït Amara