Ali Haroun à Bouteflika : «Elever la réconciliation au stade de constante est contraire au concept d’unité»
Comme annoncé par Algeriepatriotique hier, l’ancien membre du Haut Comité d’Etat, Me Ali Haroun, a rendu publique une déclaration au lendemain de sa rencontre avec le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, dans le cadre des consultations sur la révision de la Constitution. D’emblée, Ali Haroun note, dans sa lettre à Ouyahia, que «la plupart des observations formulées dans [le] texte du 14 juin 2011, toujours d’actualité, n’ont retenu aucune attention». Me Haroun parle des propositions qu’il avait présentées à la commission Bensalah. «Nos propositions ont toujours été méconnues», regrette l’ancien membre de l’Assemblée constituante qui remonte jusqu’à 1963 pour expliquer comment l’avis de l’opposition a toujours été considéré avec dédain par les pouvoirs successifs : «Je m’interroge sur la manière de procéder retenue pour ces consultations et la suite qui leur sera donnée», note, sceptique, Me Ali Haroun, pour qui «il eût été plus crédible et plus conforme aux principes d’une démocratie de base, qu’une instance aussi représentative que possible, incluant les représentants de l’opposition, fût chargée de dégager, synthétiser et formuler les propositions d’amendement en vue de la révision constitutionnelle projetée». Selon lui, «si la Constitution et les textes subséquents avaient été librement débattus, régulièrement votés et loyalement appliqués, les réformes à répétition ne s’imposaient guère». Abordant l’amendement de la Constitution du 12 novembre 2008, Ali Haroun considère que cela «a constitué une violation grave du principe de l’alternance au pouvoir, en permettant la réélection indéfinie du Président en exercice, aboutissant en fait à la présidence à vie». Dans le même contexte, l’ancien membre du HCE estime que «la modification de l’article 74 (…) constitue une régression très préjudiciable à l’évolution démocratique de l’Algérie» car, estime Ali Haroun, «l’Histoire n’y verra qu’un viol de la Constitution». Le nouvel amendement et le retour à la limitation des mandats ne règle pas le problème, selon Ali Haroun, en ce sens que «ceux-là mêmes qui étaient les promoteurs du mandat permanent renient ce à quoi, hier, ils avaient applaudi». «Dès lors, se demande-t-il, quelle crédibilité accorder aux nouveaux amendements ?» Pour Ali Haroun, ces amendements intempestifs et répétitifs de la Loi fondamentale expliquent «pourquoi beaucoup de personnalités nationales hésitent à participer aux discussions dont on sait que l’autorité qui les inspire et anime est susceptible en si peu de temps de passer d’une option à son contraire». Il en va de même pour l’amendement de l’article 81, relatif à la délégation du pouvoir : «En droit constitutionnel, ce serait un viol de la volonté nationale», note Ali Haroun. Quant à la réconciliation nationale, «l’élever au stade de valeur et constante de notre Etat au même titre que l’islam, l’arabité et l’amazighité est tout d’abord contraire au concept d’unité admis par l’ensemble du peuple algérien, car elle laisserait supposer que cette unité serait fragile, menacée en permanence», objecte Me Ali Haroun, ajoutant que «si cette réconciliation est constitutionnalisée, ce serait pour assurer davantage les bénéficiaires de grâce et d’amnistie». A propos de l’article 2 de la Constitution, qui stipule que l’islam est la religion de l’Etat, Ali Haroun rappelle à juste titre que «certains, par une interprétation dogmatique, littérale et sectaire du texte, ont pu exploiter notre religion commune à des fins politiques exclusives dans le but avoué d’accéder au pouvoir». «Aussi, relève-t-il, une interprétation claire de l’article 2 et sa traduction incontournable par la Loi fondamentale doivent-elles affirmer le caractère intangible de l’Etat républicain et de la démocratie mettant le pays à l’abri de toute résurgence d’un extrémisme destructeur.» Enfin, Me Ali Haroun, qui dit ignorer quel sera le sort de ses observations mais qui garde cependant l’espoir que cette fois-ci il en sera quelque peu tenu compte, suggère que l’appellation «République algérienne démocratique et populaire» soit changée car «cette affirmation n’est plus d’actualité», et que la dénomination actuelle du Parlement (Assemblée populaire nationale) soit reconsidérée «après examen critique».
Karim Bouali