Transition démocratique : la CLTD face à ses limites
Les membres de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) se réunissent aujourd’hui à Alger pour faire le bilan de la conférence nationale du 10 juin dernier. Les participants à cette rencontre d’évaluation vont s’échiner à définir la prochaine étape et cerner les actions concrètes à mener. Un défi majeur auquel sont confrontés les initiateurs de cette démarche. Après l’euphorie suscitée par le succès médiatique de la conférence nationale, les membres de la Coordination sont, aujourd’hui, face à véritable casse-tête : celui de pouvoir maintenir cette dynamique en arrivant à convaincre ceux qui ont assisté à cette conférence de continuer à appuyer activement ce processus enclenché pour aboutir à un changement démocratique. Une tâche qui semble ardue, d’autant plus que les participants à cette conférence n’avaient pas, tous, la même approche de la crise ni la même marche à suivre pour la résoudre. A titre d’exemple, le Pôle des forces du changement, présidé par Ali Benflis et qui regroupe les partis l’ayant soutenu lors de la dernière élection présidentielle, n’adhère absolument pas au projet de transition démocratique. Si son diagnostic est proche de celui des membres de la CLTD, la solution préconisée diffère totalement. Benflis et ses soutiens veulent plutôt un changement de régime, qui ne touchera pas aux fondements du système, mais qui permettra une alternance, et une amélioration du fonctionnement du système avec plus de libertés et de démocratie et moins d’injustice. Le plus vieux parti de l’opposition, le FFS, est dans une autre logique, plutôt participative. Bien qu’il ait répondu favorablement à l’invitation de la coordination, le FFS n’a pas la même lecture politique des événements ni la même vision de sortie de crise. S’il milite toujours pour un changement démocratique, il tient cependant beaucoup à la stabilité du pays. Sa participation à cette conférence était beaucoup plus symbolique. Mouloud Hamrouche, réputé pour être proche du FFS, est lui aussi dans une approche du changement démocratique qui ne pourra venir que de l’intérieur du système dont l’armée sera un acteur indéniable. Autre handicap, l’emprise islamiste sur cette initiative qui suscite des réticences chez les démocrates qui ont mal pris l’exploitation outrancière de la conférence du 10 juin par d’anciens cadres et fondateurs du FIS dissous. L’intervention d’Ali Djeddi lors de cette conférence a choqué beaucoup de ceux qui étaient confrontés au terrorisme islamiste dans les années de braise. Ainsi, avec la mosaïque politique actuelle, les divergences de fond et la crise de leadership, il est difficile pour la Coordination de rassembler tous les courants et toutes les sensibilités autour de sa démarche. Si le fait d’avoir réuni tous les acteurs de l’opposition, ou presque, lors de cette conférence nationale a été considéré comme un exploit, c’est justement parce que les divergences étaient profondes. Et leur réunion autour d’une même table pour une demi-journée ne veut absolument pas dire qu’ils sont prêts à travailler la main dans la même pour aboutir à leurs fins. Faire durer ce «rassemblement» est une utopie politique. Pour survivre, la CLTD doit impérativement redéfinir son axe de travail et revoir ses ambitions. C’est là où se jouera son avenir.
S. Baker