Le Makhzen s’en prend au DRS pour discréditer un officier qui dénonce la corruption au Maroc
Un ancien capitaine de l’armée de l’air marocaine, qui a porté plainte en France contre le roi Mohammed VI pour «corruption et faits de torture», est la cible, au Maroc, d’une campagne de dénigrement et d’insultes visant à le discréditer. Pour ce faire, quoi de mieux que de lui inventer des relations suspectes avec les services de renseignement algériens ? La presse marocaine instrumentalisée exploite encore une fois le filon pour détourner l’attention de la corruption du Makhzen. Elle s’efforce ainsi de raviver la haine de l’Algérie en accusant tous ceux qui osent élever une voix contestataire de vouloir nuire au Maroc, sous l’impulsion des services de renseignement de son voisin algérien. Dans l’affaire de l’ex-officier marocain, actuellement citoyen français, un média marocain se demande qui est l’ancien capitaine Mustapha Adib ? Et la réponse est bien sûr toute prête : le journal a appris, écrit-il, «des révélations surprenantes sur les relations de l’intéressé avec l’opposant marocain Moulay Hicham ainsi que ses accointances avec les services algériens». A ce propos, le média marocain écrit que Mustapha Adib est tombé dans le giron des services algériens par le truchement d’une femme dont il cite le nom. Celle-ci serait «un agent des services algériens, spécialement mandatée pour s’occuper d’Adib. Elle vit en Algérie et se déplace plusieurs fois par an à Paris pour rencontrer Adib et lui dispenser les bonnes orientations», relate le journal citant «une source fiable». «Que peut-on attendre d’une personne qui fricote avec les services algériens qui, comme chacun sait, placent la nuisance aux intérêts du Maroc à la tête de leurs actions ? De là à penser que les initiatives de l’ancien capitaine Adib sont sinon téléguidées, du moins orientées, il n’y a qu’un pas», écrit encore le média qui accuse tout simplement les services algériens d’avoir soufflé à Mustapha Adib les actions à mener pour nuire au régime marocain dont une action d’«intrusion dans la chambre du général Bennani» hospitalisé au Val-de-Grâce à Paris. Le général Bennani est un officier que Mustapha Adib poursuit en France pour «des faits de torture et des traitements cruels et dégradants» dont Adib a été victime en guise de représailles après avoir dénoncé la corruption dans l’armée marocaine. Dans sa plainte, l’ex-officier marocain explique, selon l’AFP, que «ses ennuis ont débuté à la fin des années 1990 quand, jeune officier dans une base aérienne, il avait dénoncé des faits de corruption, notamment de détournement de carburant par des officiers». Il explique dans sa plainte dirigée contre le roi et une trentaine de responsables militaires et civils avoir «écrit le 13 novembre 1998 à Mohammed VI, alors prince héritier, pour l’informer. Dès lors, les mesures de rétorsion auraient commencé : placement aux arrêts, reports de congés payés, violences physiques…» Fin 1999, Mustapha Adib est cité dans un article du Monde sur le thème de la corruption dans l’armée marocaine, selon la plainte. Arrêté, il aurait alors été interrogé par des officiers, dont Abdelaziz Bennani, qui lui auraient reproché d’être entré en contact avec un journaliste étranger. Condamné à deux ans et demi de prison en 2000, il avait reçu le soutien de la Fédération internationale des droits de l’Homme ; il est resté incarcéré jusqu’en 2002. Il est lauréat du prix de l’Intégrité 2000 décerné par Transparency International.
Meriem Sassi