Quand le climat touche la haute finance
Le patron du groupe d’informations financières Bloomberg, l’ex-patron de la banque d’affaires Goldman Sachs et le dirigeant d’un fonds spéculatif ont publié le 24 juin le rapport Risky Business. Le document de 51 pages analyse les conséquences du réchauffement climatique sur l’économie américaine. C’est la première fois qu’un rapport sur le réchauffement climatique basé sur les connaissances scientifiques actuelles est produit par un groupe de personnes qui se spécialisent dans la haute finance et surtout les fonds spéculatifs. Ce rapport a aussi la particularité de réunir des membres importants des deux partis politiques majeurs du pays. Henry Paulson a été secrétaire du Trésor de Georges W. Bush, un républicain de l’extrême droite et Tom Steyer est l’un des principaux bailleurs de fonds du parti démocrate. En ce qui concerne Mike Bloomberg, il a été maire de New York de 2002 à 2013. D’autres membres de haut niveau de ces partis politiques y sont aussi. Le document inclut donc la vision de la plus grande partie du spectre politique de ce pays. En plus, il est basé sur les projections faites par une société spécialisée dans la modélisation des catastrophes pour de grands assureurs. Ce groupe est une concentration de la crème de la haute finance.
Selon eux, les risques que cause le présent réchauffement climatique sont pires que ceux des crises financières. Au minimum, 40% de la population, des propriétés et des entreprises américaines risquent d’avoir des conséquences négatives de ces changements. Les inondations des côtes et des vagues de chaleur extrêmes iront en s’aggravant, touchant directement l’économie américaine. Une partie des conséquences de ce réchauffement ne peut déjà plus être évitée, puisqu’il résulte de l’accumulation de gaz à effet de serre déjà émis depuis des décennies. Le rapport estime qu’entre 66 et 106 milliards de dollars de destruction sont prévisibles d’ici à 2050. Cette somme augmente pour atteindre de 238 à 507 milliards d’ici à la fin du siècle. Ce réchauffement pourrait causer de 11 000 à 36 000 décès supplémentaires par années aux Etats unis. La chaleur, les sécheresses et les incendies pourraient diminuer les rendements des cultures de 63 % d’ici à la fin du siècle dans certaines parties du pays.
Les preuves de ce réchauffement deviennent de plus en plus irréfutables. L’Agence américaine océanique et atmosphérique a affirmé le 23 juin que le mois de mai a été le plus chaud dans le monde depuis le début des relevés de température en 1880. En fait, 13 des 14 années les plus chaudes jamais observées sur la planète ont été enregistrées après le début de 21e siècle. D’autres grands pays du monde se sentent aussi concernés. Le 25 juin, le centre commun de recherche européenne rendait publique une étude climatique jusqu’à la fin du siècle. Comme aux Etats-Unis, les inondations sont une des principales menaces que les Européens devront affronter. Le volume de leurs récoltes devrait diminuer d'environ 10% d'ici à 2080. L'énergie, les infrastructures de transport, le nombre d’incendies de forêt et la santé de la population seront touchés. Les dommages pourraient dépasser les 100 milliards de dollars par an en fonction du développement économique des prochaines décennies.
Ces conclusions commencent aussi à s’imposer à la grandeur de la planète. Le changement climatique remet en cause la vaste majorité des équilibres des écosystèmes. Le réchauffement de 4°C à 5°C de la température de la Terre est actuellement prévisible si le manque de prise en charge de cette situation par la population mondiale continue. Ce scénario entraînerait des changements cataclysmiques selon la Banque mondiale. D’un autre côté, des représentants de cette Banque ont affirmé à Bruxelles que la transition vers une économie faiblement carbonée pourrait générer une hausse du PIB mondial de 2,2 % par an, d'ici 2030. Un accord mondial contraignant pendant la Conférence des Nations unies à Paris en 2015 semble donc devenir de plus en plus une obligation.
Michel Gourd