Un bureau d’études turc viole délibérément les lois algériennes
Un bureau d’études turc, qui a raflé de nombreux marchés publics, est au cœur de ce qui s’apparente à un nouveau scandale de corruption dans le secteur des travaux publics et celui des transports. Ce bureau d’études turc, Yüksel Proje, est ouvertement accusé d’avoir violé le code des marchés et les dispositions réglementaires relatives au permis de travail délivré pour les étrangers. Dans deux rapports exhaustifs adressés à toutes les autorités concernées, en premier lieu les ministères des Travaux publics et des Transports – deux secteurs où il détient plusieurs marchés –, mais aussi aux médias, des cadres algériens, soucieux des intérêts de leur pays, livrent tous les détails des «fraudes et des violations des lois de la République» comme ils ont sérié «les activités illégales et les délits commis par ce bureau d’études qui fait fi des lois algériennes». Preuves accablantes et témoignages sur les délits dont s’est rendu coupable ce bureau d’études qui a pignon sur rue et qui a bénéficié de gros marchés liés à l’autoroute Est-Ouest. Le premier grief retenu contre Yüksel Proje, c’est son recours à la sous-traitance en dépit du fait qu’elle soit interdite. En violation des lois, il sous-traite dans le projet de la liaison autoroutière Annaba-Tébessa et dans celui de la liaison à l’autoroute Est-Ouest. Et sur pratiquement tout : le trafic, la topographie, la géotechnique, l’impact sur l’environnement…
Pratiques répréhensibles
Ainsi, pour la réalisation de l’étude préliminaire de la liaison autoroutière Annaba-Tébessa, ce bureau d’études signe un contrat de consultant avec un certain Zemmouri afin de payer la sous-traitance par ICA, un bureau d’études algérien, de l’étude de l’impact sur l’environnement. Autrement dit, c’est Zemmouri qui aurait mis en contact Yüksel Proje et ICA. C’est aussi la même personne qui a servi de trait d’union entre le bureau d’études turc et d’autres sous-traitants nationaux. Le paiement de frais de sous-traitance se fait sous le couvert d’un contrat de consultant. Car la DTP de Souk Ahras, maître d’ouvrage, a émis un avis défavorable quant à la sous-traitance de l’étude d’environnement. Mais cela n’a pas empêché Yüksel Proje de sous-traiter cette partie. Le pire est que cette étude a été réalisée par un ingénieur en sciences de la mer travaillant pour le compte d’ICA, lequel dispose à peine de 4 années d’expérience, comme le montrent les documents adressés aux pouvoirs publics. Ce même ingénieur n’aurait jamais participé à une étude majeure et ne présenterait pas les compétences requises pour ce genre d’études. Le projet de Batna a été géré de la même manière : sous-traitance déguisée et violation de la loi. Comme il est mentionné dans le rapport transmis aux hauts responsables du secteur, l’étude est dans sa quasi-totalité sous-traitée : trafic, géotechnique, économique, impact sur l’environnement, ouvrages d’art, analyse multicritères et topographie. La question s’impose d’elle-même : pourquoi faire appel à un bureau d’études étranger si toute l’étude est effectuée par des Algériens ? Le plus grave est que les tracés présentés jusque-là ne répondent ni aux normes en vigueur en Algérie ni aux normes internationales de qualité. Il est noté dans les mêmes documents que grâce à la sous-traitance, le bureau d’études turc a réalisé une économie de 46 millions de dinars par rapport à ce qui est mentionné dans son offre financière. Ce bureau d’études turc ne se limite pas à la violation du code des marchés. Il transgresse également la loi n°81-10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions d’emploi des travailleurs étrangers notamment ses articles 5 et 14.
Payer… l’incompétence
En effet, il fait venir des cadres turcs aux compétences très discutables à travers des permis de travail obtenus grâce à de fausses déclarations. Des noms et des documents relatifs à ces travailleurs ont été mentionnés dans le rapport qui devrait provoquer une enquête du ministère du Travail. «Yüksel Proje, est-il souligné, n’hésite pas à corrompre des agents de l’administration pour faire passer des études et se remplir les poches des deniers publics qui ne profitent pas, en terme de formation et d’encadrement, au personnel algérien. Bien au contraire, il démontre une volonté manifeste à marginaliser ce personnel et à s’en débarrasser en violation des engagements contractuels.» Une affaire qui devra faire réagir les autorités compétentes pour y mettre un terme. Car une étude mal faite, c’est aussi une infrastructure truffée de malfaçons et beaucoup d’argent perdu pour rien. Le cas des graves malfaçons constatées dans l’autoroute Est-Ouest doit servir de leçon pour éviter toute arnaque sur marchandise et faire cesser ces pratiques frauduleuses de plus en plus réputées.
Rafik Meddour
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