Le 5 Juillet bureaucratisé
Par Kamel Moulfi – Le 5 Juillet, une grande date dans l’histoire du pays, passe presque inaperçu dans la population. Ce qui devrait être l’occasion de multiples activités nées des initiatives populaires, et particulièrement des jeunes, est devenue une opération bureaucratique menée par l’Etat et ses collectivités locales, dans une démarche qui ne cache pas sa dimension «récupération» et qui donne aux activités officielles un aspect purement formel, se limitant au strict minimum : des chanteurs qui s’égosillent en plein air devant un public amorphe. Il y a également les émissions télévisées qui sont spécialement dédiées à cette circonstance, mais on ne sait pas si elles sont suivies et par qui. L’une de ces émissions qui est passée hier sur la chaîne de télévision publique a été un révélateur de la faillite des institutions éducatives et d’une façon plus large de toutes celles qui ont en charge la jeunesse algérienne et pour lesquelles, comme d’ailleurs pour tout, il n’y a pas de problème de budget, ne cesse-t-on de répéter. Dans cette émission, sur le plateau, tout est «normal» : des historiens aux côtés de moudjahidine, acteurs de la guerre de Libération et témoins de premier plan de l’accession de l’Algérie, le 5 juillet 1962, à l’indépendance. C’est en arrière-plan, dans la partie du plateau réservée au «public», que ceux qui ont suivi l’émission n’ont pas raté l'image qui choque : à chacune des interventions d’un ancien de la Zone autonome d’Alger, pour évoquer des sujets graves qui requièrent l’attention, deux jeunes filles – des étudiantes certainement – n'arrêtaient pas de rire, se racontant des blagues sans doute. Le moudjahid ne pouvait pas les voir, elles étaient dans son dos, sinon, quelle aurait été sa réaction s’il avait constaté qu’il parlait dans le «vide», alors qu’il semblait convaincu de s’adresser justement à cette catégorie de jeunes ? Cette image contradictoire en dit long sur le peu d'intérêt que les nouvelles générations portent à l'histoire de leur pays, galvaudée par les médias officiels et les discours répétitifs des anciens moudjahidine qui racontent l'épopée de Novembre toujours sous le même angle, celui du triomphe et de l'hommage, avec les mêmes adjectifs, les mêmes mots…
K. M.
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