Les fausses conquêtes africaines du Maroc : entre fla-fla et vulgaire sous-traitance pour les Français
Grâce à un réseau d’hommes d’affaires et à un lobbying politique soutenu, les opérateurs économiques marocains ont réussi à conquérir des marchés dans de nombreux pays africains, avec un intérêt particulier pour les créneaux spéculatifs, tels que les télécommunications, l’immobilier et les finances. Toute une stratégie de propagande accompagne ces «conquêtes africaines», enrobée d’un discours mettant en valeur l’identité africaine du Maroc et la coopération sud-sud, pourtant étranger à la littérature officielle de la monarchie. Cet intérêt pour l’Afrique s’explique par deux facteurs : la rivalité économique avec l’Algérie et la sous-traitance pour les firmes internationales, notamment françaises en quête de débouchés. Conscients de leur position par rapport à l’Algérie, dont les rentes engrangées par l’exploitation des hydrocarbures lui assurent un avantage durable, les Marocains rêvent de pallier ce déficit par ces «incursions» en Afrique. Faisant d’une pierre deux coups, les dirigeants marocains sous-traitent pour leurs protecteurs français, dont les multinationales cherchent des ouvertures en Afrique, par l’entremise de ses filiales déjà existantes au Maroc, tout en faisant du business. Un compte-rendu du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADT), rendu public cette semaine, dévoile cette tromperie et explique les dessous de l’intrusion marocaine en Afrique au service de la France. Tout commence par un rapport commandé par l’ex-ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, et présenté en décembre 2013, qui précise les termes de cette sous-traitance. Ce document, intitulé «Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France», incite l’UE à multiplier les accords de partenariat économiques avec l’Afrique et suggère de faire du Maroc un sous-traitant, en partie, de la politique commerciale de la France en Afrique subsaharienne. Pour booster les investissements français et reprendre sa part de marché au sud du Sahara, qui a décliné de 10,1 à 4,7%, le gouvernement propose de «s’associer à des pays tiers désireux de co-investir sur le continent», et suggère que «l’Afrique du Nord est devenue un partenaire important de l’Afrique subsaharienne», estimant que des acteurs africains de taille continentale sont apparus». L’idée était d’accélérer la transformation de quelques entreprises marocaines en firmes multinationales pour leur assigner cette tâche. Ainsi naquit au Maroc le concept de «hub». Dans son rapport, Védrine a loué les success story marocaines sur le continent. En effet, les investissements marocains les plus importants sont ceux des grandes entreprises ou filiales de multinationales présentes au Maroc, bénéficiant des réseaux politico-affairistes entre la monarchie et les régimes d’Afrique subsaharienne. Ainsi, Maroc-Afric, une ex-filiale du français Vivendi, aujourd’hui détenue par l’émirati Etissalat, est devenue un des géants des télécoms en Afrique. Elle contrôle 12 entreprises de télécommunications. Ajoutons également Saham Finances, spécialiste des assurances, présent dans 19 pays, Cema-Bois de l’Atlas présente au Gabon et détenue par le groupe de Karim Lamrani, ex-Premier ministre sous Hassan II. Malgré cette forte présence dans certains secteurs, le Maroc importe plus qu’il n’exporte. Le pays importe notamment des combustibles (51%), des minerais et métaux (14%) et des produits alimentaires (10%). Autre contradiction encore plus grave : le Maroc, dont les banques empruntent aujourd’hui de l’argent à des pays comme le Sénégal, ploie sous une dette extérieure asphyxiante.
R. Mahmoudi