Le torchon brûle entre le Maroc et l’Egypte : conflit larvé sur fond d’accusations et d’insultes mutuelles
Le torchon brûle entre le Maroc et l'Egypte depuis la diffusion, il y a une semaine, du treizième épisode d’un feuilleton de télévision égyptien, intitulé Tuffâhet Adem (Pomme d’Adam), où le Maroc est décrit comme un pays de «charlatans et d’ignorants». Cette évocation a soulevé un tollé général dans les médias marocains. Au cours de la même semaine, une journaliste égyptienne de la chaîne ON TV a estimé que l’économie du Maroc reposait sur le marché de la prostitution et que le pays connaissait un des taux de prévalence du sida les plus élevés. Elle accuse le roi Mohammed VI d’avoir fait le lit des islamistes «afin que son trône ne soit pas emporté par les révoltes du Printemps arabe». Ses excuses, présentées deux jours plus tard à l’antenne, n’ont pas réussi à calmer un public marocain déjà préparé, en sourdine, à cette escalade contre l’Egypte par le Makhzen depuis quelque temps. Pourquoi le Maroc se trouve-t-il tout d’un coup projeté au milieu des conflits qui ravagent le Moyen-Orient ? Peu d’explications sont données par les commentateurs marocains. Alors qu’elle évoquait l’escalade de violence israélienne contre Ghaza, la journaliste égyptienne de la chaîne ON TV commentait une vidéo dans laquelle Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, appelait les Marocains à se mobiliser pour la libération de la Palestine. Cette scène révèle des liens privilégiés jamais avoués entre la monarchie marocaine et cette filiale palestinienne des Frères musulmans inféodée au Qatar. On reproche à la journaliste d’avoir mis le doigt sur la plaie : «Le Maroc, a-t-elle dit, a vu que les révolutions du Printemps arabe avaient donné lieu à des gouvernements islamistes. Il a donc, lui aussi, mis en place des islamistes et leur a donné le pouvoir», explique-t-elle. Le Maroc joue-t-il au feu en acceptant de se faire le relais du Qatar et l’allié malgré lui des Frères musulmans ? Il est clair que l’émirat du Qatar ne veut pas rater cette nouvelle guerre contre Ghaza pour se redéployer sur l’échiquier arabe, après ses multiples débâcles, notamment en Egypte où Doha a perdu, peut-être à jamais, ses pions les plus actifs. Voulant se venger contre le nouveau pouvoir égyptien, le Qatar ne cesse depuis le déclenchement de l’agression israélienne de monter ses relais politiques et médiatiques contre l’Egypte. D’où le refus viscéral du Hamas de l’initiative de trêve présentée par Le Caire et d’où, aussi, cette synchronisation des attaques concentrées sur l’armée égyptienne à travers les médias. Soudoyé par le Qatar, certainement par des aides financières substantielles, le Maroc n’a plus le choix que de s’en faire le relais. Ce qui explique cette lune de miel entre Rabat et le Hamas qu’illustre un message du porte-parole du mouvement islamiste, transmettant par téléphone les remerciements de l'organisation et au nom du peuple palestinien au royaume et à son peuple, présentés comme une «exception dans un monde arabe qui (les) abandonne». Fidèles à leur ligne, les médias marocains veulent y mêler l’Algérie, en l’accusant de mener une campagne hostile contre le Maroc en Egypte. Ils voient dans la visite effectuée par des journalistes égyptiens dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf «une autre initiative qui prouve que l'Algérie est impliquée dans le dossier du Sahara».
R. Mahmoudi