Le Pr Finkelstein réagit de nouveau à l’agression israélienne : «Cessez-le-feu ou reddition à Gaza ?»
Certaines personnes ont suggéré qu'au lieu d'écrire mes analyses dans des articles, je le fasse dans des vidéos pour faire savoir ce qui se passe avec le massacre israélien actuel à Gaza. Chaque fois que je m'exprimerai sur Internet, j'essaierai de me concentrer sur une question particulière. Ce sera donc ma première tentative, et on verra si cela a du succès. Aujourd'hui, je vais me consacrer à la proposition faite par le secrétaire d'Etat, John Kerry, pour mettre fin au cycle actuel de violences – ce ne sont pas vraiment des violences, c'est un massacre israélien. Il y a plusieurs versions de cette proposition de Kerry qui circulent sur Internet. Il est impossible pour un observateur extérieur de déterminer quelle est la véritable version proposée par Kerry au cabinet israélien. Mais ce n'est pas vraiment important, car la substance de toutes les versions de la proposition est la même, à savoir le quiproquo : afin qu'Israël lève le blocus de Gaza, on demande aux Palestiniens de «répondre à toutes les préoccupations sécuritaires israéliennes», ce qui n'est qu'un euphémisme pour dire que les Palestiniens doivent procéder à un désarmement. Je vais donc d'abord évoquer la question du blocus, et voir ensuite si les Palestiniens doivent effectivement procéder à un désarmement. La question du blocus est assez claire : au regard du droit international, le blocus de Gaza constitue une forme de punition collective, et il est donc illégal d'après le droit international. C'est là le consensus légal – à l'exception d'Israël et de ses apologistes –, à savoir que le blocus est illégal. Il ne peut donc y avoir aucun qualificatif, aucun caveat (arguties), aucun «si», «et» ou «mais» : le blocus étant une forme de punition collective, il doit être levé. Il est important de garder à l'esprit que dans les accords précédents – l'accord de cessez-le-feu de juin 2008, l'accord de cessez-le-feu de novembre 2012 –, dans les deux accords de cessez-le-feu précédents, il n'avait jamais été stipulé ni demandé aux Palestiniens de procéder à un désarmement en échange de la levée du blocus. Chacun des deux accords stipulait clairement que le blocus de Gaza devait prendre fin progressivement, et ce qui s'est produit dans les deux cas, c'est qu'Israël a renié ses engagements sur cette question, mais aucun de ces accords de cessez-le-feu, que ce soit en juin 2008 ou en novembre 2012, n'appelait les Palestiniens au désarmement en tant que condition pour mettre fin au blocus. Donc, cette nouvelle clause a été ajoutée, «répondre à toutes les préoccupations sécuritaires israéliennes», ce qui est distinct d'un cessez-le-feu : «répondre à toutes les préoccupations sécuritaires israéliennes» – ce qui en réalité signifie que les Palestiniens doivent procéder à un désarmement –, c'est sans précédent et, bien évidemment, cela n'a aucun fondement dans le droit international, car le blocus est illégal et doit être levé sans considération pour les préoccupations sécuritaires d'Israël. Considérons maintenant cette question des préoccupations sécuritaires israéliennes. Est-ce qu'Israël a le droit d'exiger des Palestiniens du Hamas et des (autres) groupes militants palestiniens qu'ils procèdent à un désarmement ? Le droit international est parfaitement clair sur ce point : d'après le droit international, un peuple engagé dans une lutte pour l'autodétermination n'a pas l'obligation légale de ne pas recourir à la force. Au sujet des peuples luttant pour leur autodétermination, le droit international dit ou bien que la loi soit neutre sur ce point, ou bien que ces peuples doivent recourir à la force. Ce qui est clair, c'est que d'après le droit international, le recours à la force n'est pas illégal pour ceux qui luttent pour leur autodétermination. D'un autre côté, d'après le droit international, un Etat qui essaye d'écraser un mouvement pour l'autodétermination – Israël dans ce cas – n'a pas le droit de recourir à la force. Par conséquent, ce que nous avons ici est exactement et précisément une inversion du droit international : ceux qui combattent pour leur autodétermination se voient ainsi dire que la condition de la levée du blocus est qu'ils renoncent à l'usage de la force, mais une telle exigence n'est nullement imposée à la puissance qui écrase la lutte pour l'autodétermination. En réalité, l'euphémisme «répondre à toutes les préoccupations sécuritaires israéliennes» dit en substance qu'Israël a le droit de sécuriser l'occupation. Et c'est une contradiction dans les termes, littéralement, car d'après le droit international, la caractéristique, la spécificité la plus fondamentale d'une occupation – si vous consultez n'importe quel texte de loi de droit international – la première chose qui est stipulée est qu'une occupation est censée être temporaire. En un mot, une occupation est censée prendre fin. Si une occupation ne prend pas fin, ce n'est pas une occupation, c'est une annexion. Dans le droit international, une annexion est illégale. Donc, lorsqu’Israël parle de son droit de voir toutes ses préoccupations sécuritaires assurées, il ne parle pas de son droit à protéger son pays, mais il invoque le droit de sécuriser (perpétuer impunément) son occupation. Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ? Considérons le stade auquel étaient parvenues les négociations (israélo-palestiniennes) avant le déclenchement des hostilités actuelles, avant qu'Israël ne lance son dernier massacre. Jetons un œil sur les négociations. Les événements ne sont pas absolument transparents, mais ils sont assez clairs. Le côté palestinien, l'Autorité palestinienne, était d'accord pour concéder à Israël toutes ses exigences principales : ils étaient d'accord pour concéder les blocs de colonies israéliennes, ils étaient d'accord pour concéder à Israël le droit de retour des Palestiniens (= l'annuler). Donc, en fait, les Palestiniens offraient à Israël non pas une résolution (du conflit) sur la base du droit international, les Palestiniens offraient à Israël une reddition. Et les Israéliens ont refusé une reddition palestinienne, déterminés à maintenir l'occupation éternellement. C'était évident même dans la déclaration de John Kerry, lorsqu'il s'est exprimé devant le Comité du Congrès, il a dit : «Pfff… Ce sont les Israéliens qui, de fait, ont mis fin aux négociations et ont rendu une résolution du conflit impossible.» Donc, une chose peut être établie avec ce qu'on pourrait appeler une «certitude scientifique» : quelles que soient les circonstances, Israël ne mettra jamais fin à l'occupation. Ainsi, lorsqu’Israël exige que toutes ses préoccupations sécuritaires soient assurées, cela signifie qu'Israël exige le droit de maintenir éternellement son occupation, et il exige simultanément que les Palestiniens se désarment, que les Palestiniens cessent de résister à l'occupation et qu'ils mettent fin à leur combat pour l'autodétermination. Voilà ce que signifie véritablement l'exigence d'Israël de voir ses préoccupations sécuritaires assurées, car Israël conçoit toute expression du combat des Palestiniens pour l'autodétermination comme menaçant sa sécurité, ou ses «préoccupations sécuritaires». Ainsi, ce qui est véritablement dit à présent, c'est qu'Israël lèvera le blocus à Gaza si et lorsque les Palestiniens cesseront de lutter pour leur autodétermination, cessent de lutter pour leur indépendance, cessent de lutter pour avoir un Etat, et que les Palestiniens acceptent que l'occupation se perpétue éternellement. Sans même parler du point de vue moral, tout cela n'a aucun sens du point de vue légal. Si Israël exige que toutes ses préoccupations sécuritaires soient assurées, si «toutes ses préoccupations sécuritaires» incluent toute manifestation palestinienne de leur lutte pour l'autodétermination, et si cela signifie que l'occupation va se perpétuer éternellement, alors ce n'est pas une occupation : c'est une annexion. Et une annexion est – de manière flagrante, évidente, sans controverse possible – illégale d'après le droit international. C'est le principe le plus élémentaire de la Charte des Nations unies, et il a été exprimé dans la résolution 242 de l'ONU, adoptée unanimement en 1967, après la guerre des Six Jours, déclarant l'occupation des territoires palestiniens, égyptiens et syriens par Israël illégale : «Il est inadmissible pour un pays de faire l'acquisition de territoires par la guerre.» Israël a acquis la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est par la guerre, et n'a donc aucun droit à ces territoires. S'ils exigent – et c'est bien le cas – un droit à annexer ces territoires, alors c'est clairement, manifestement et de manière flagrante une violation du droit international.
Norman Finkelstein