Et maintenant, qui pour juger le crime de Ghaza ?
L’humanité tout entière vient d’être témoin d’un crime contre l’humanité commis par l’Etat d’Israël contre la population civile de Ghaza et en particulier contre de très nombreux enfants. Un crime que l’Etat d’Israël lui-même reconnaît en tant que moyen de guerre «approprié», exécuté froidement et méthodiquement, soutenu par la majorité de sa classe politique, ses médias et ses intellectuels, y compris par les Etats alliés, leurs médias et leurs intellectuels dans leur majorité. Les Etats-Unis ont été jusqu’à se rendre complices par leur soutien actif, notamment par la fourniture des munitions nécessaires pour son exécution en toute connaissance de cause, et qu’ils n’ont pas hésité de reconnaître publiquement. Le procédé consistait à bombarder en toute transparence et de manière délibérée des hôpitaux, des écoles, des lieux publics, des quartiers d’habitations civiles à grande concentration humaine, en faisant de très nombreuses victimes civiles parmi lesquelles beaucoup de femmes et d’enfants, dont le nombre s’élève à ce jour à près de 2 000 morts et 10 000 blessés. En plus de ces bombardements aveugles qui s’apparentent à un génocide planifié, les infrastructures vitales n’ont pas été épargnées à leur tour, notamment la production de l’électricité et de l’eau propre à la consommation. De plus, ce crime s’est déroulé à huis clos, dans une ville de deux millions d’habitants, complètement encerclée et dont la population sans défense ne pouvait même pas fuir pour échapper à une mort certaine. Soit par bombardement direct, soit par blessure du fait de la pénurie de médicaments dû à l’embargo, soit tout simplement par défaut de nourriture et de tout ce qui est nécessaire à la vie. Laissant une ville en ruine avec des milliers de personnes sans toit et les infrastructures vitales hors d’usage. Il s’agit en fait d’un véritable génocide, aussi bien dans l’exécution que dans l’intention. Un crime contre l’humanité qui est commis au vu et au su de toute l’humanité.
Et maintenant, qui pour arrêter les coupables de ce crime et les juger ?
Sachant qu’une plainte a été déposée au TPI par l’Etat palestinien contre l’Etat d’Israël pour crime contre l’humanité et une autre a été déposée par des avocats marocains contre le général en chef de l’armée sud d’Israël, responsable de l’exécution de ce crime sur le terrain, en tant que citoyen marocain, étant donné que ce dernier possède la double nationalité israélo-marocaine. L’opinion internationale, choquée par la cruauté de ce crime, l’a reconnu et condamné à l’unanimité. Beaucoup de pays dans le monde l’ont reconnu à leur tour et l’ont condamné solennellement. Certains ont même rappelé leurs ambassadeurs en Israël, d’autres ont rompu leurs relations économiques avec cet Etat et pour les plus déterminés, ils ont été jusqu’à le qualifier d’Etat terroriste. La communauté internationale (ONU) est restée complètement impuissante. Comment le pourrait-elle ? Si autrefois le nazisme a été vaincu, et ses dirigeants jugés et condamnés, c’est parce que les Etats qui le combattaient avaient réussi à renverser le rapport de forces en leur faveur. Alors qu’aujourd’hui, les auteurs de ce crime et leurs alliés, complices passifs ou actifs, détiennent la puissance militaire et financière dont la suprématie de sa machine de guerre est irréversible et qui a atteint la domination absolue du monde en matière de guerre conventionnelle. Qui pour les arrêter et les condamner dans ces conditions ? La dissuasion nucléaire ! A supposer que la Chine et la Russie soient suivies par d’autres puissances nucléaires hostiles à ce crime et qui voudraient bien s’opposer à cette situation d’impunité, cela s’avère inefficace et exacerbe encore plus cette situation d’impuissance du droit international, car la dissuasion nucléaire n’est efficace que dans le cas de l’autodéfense. L’impuissance du TPI et de l’ONU face à cette situation s’inscrit dans la même logique d’impuissance de l’opinion internationale et de la dissuasion nucléaire. Car ces institutions internationales obéissent aux contraintes que leur imposent les auteurs avérés de ce crime. C’est tout le concept des droits de l’Homme qui se trouve dans l’impasse. Qui pour l’appliquer. Qui pour appliquer le principe de l’ingérence humanitaire dans ce cas. Ce crime, commis aux yeux du monde entier et en restant impuni, signe en définitive l’échec de la civilisation des droits de l’Homme et des Nations unies et le triomphe de la loi du plus fort. Par ce crime, l’impérialisme occidental associé au sionisme bascule définitivement dans une dérive fascisante. Car qui pourrait empêcher la poursuite de la conquête coloniale de la Palestine, l’expulsion de sa population hors de son territoire et l’exécution du plan génocidaire qui se poursuit depuis 60 ans en défiant avec arrogance le droit international.
La réponse à toutes ces questions ne peut venir de l’intérieur de ce système dominant lui-même, qui affirme de plus en plus son caractère totalitaire et fascisant. Notamment avec sa perversion de la mondialisation en globalisation économique, dominée par l’industrie de la guerre, qui a pour conséquences l’exclusion d’une majorité écrasante de la population mondiale du partage des richesses et de la pérennisation du statu quo politique dans sa périphérie. Avec comme objectif l’empêchement de toute potentialité d’émergence d’Etats dynamiques et donc concurrents, et l’entretien de foyers de tension à l’image du conflit israélo-palestinien, qui cristallisent en lui tous les enjeux du marché de l’armement dans la région et la mainmise sur ses réserves d’énergie. Un système largement conçu pour maintenir les Etats de la périphérie dans un état de sous-développement durable et appauvrir massivement l’humanité, tout en enrichissant ses gestionnaires et ses clients. Parmi lesquels tous les despotes de la planète, les médias corrompus et les classes dominantes des Etats alliés. La solution au rétablissement de l’autonomie du droit international, et par conséquent à la résolution du conflit israélo-palestinien et à la menace qui pèse sur la disparition de la Palestine en tant qu’Etat et à sa population en tant que peuple souverain, ne pourrait venir que d’une prise de conscience active de l’opinion internationale. En intégrant dans sa lutte la priorité du combat contre la dérive morale de ce système dominant dans sa globalité et sur le danger qu’il fait peser sur la démocratie et sur la souveraineté des Etats et des individus.
Youcef Benzatat