Judaïsme, sionisme et antisémitisme

Jamais les esprits, de par le monde et surtout dans le monde arabo-musulman, n’ont été autant ébranlés suite à l’agression militaire perpétrée par l’Etat d’Israël contre la population de Ghaza. Plusieurs interrogations se posent sur l’opportunité de cet acte guerrier, dont sont victimes les enfants, les femmes et les vieillards ; même les ambulanciers et les journalistes n’y sont pas épargnés. L’infrastructure de base (maisons, mosquées, écoles, hôpitaux, cimetières, centrale électrique, etc.) est aussi soumise à un pilonnage ininterrompu par un arsenal militaire des plus sophistiqués au monde. Les habitants de Ghaza sont soumis depuis des années à un blocus pur et dur, ils survivent, tant bien que mal, aux multiples privations (manque ou absence totale d’eau, d’électricité, d’essence, de médicaments et de nourriture). Actuellement, les membres de la communauté vivant dans la bande de Ghaza n’ont aucun lieu sûr pour se réfugier. Ils subissent l’un des pires génocides, dont l’Histoire ne peut retenir que ceux endurés par les Amérindiens, les aborigènes d’Australie, les juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et d’autres peuples d’Afrique et d’Asie ayant pâti des affres des guerres coloniales. Où fuir ? Telle est l’obsession qui taraude l’esprit de chaque Palestinien. Même les ténors du «printemps arabe» et «chouyoukhs» cathodiques qui vilipendaient, hier, Kadhafi et Bachar El-Assad se sont, comme par enchantement, tus. S’interroger sur cette énième guerre faite aux Palestiniens, c’est donc invoquer les systèmes de représentations qui alimentent le débat : il s’agit en l’occurrence du judaïsme, du sionisme et de l’antisémitisme.
Le judaïsme, une religion à part
Le judaïsme est comme le christianisme et l’islam une religion monothéiste. Il a pour livre sacré la Torah (qui donnera plus tard le Talmud en tant qu’exégèse réalisée par des rabbins) pour le prophète Moussa (que la paix lui soit accordée) pour les musulmans ou Moïse pour les autres cultures et religions. Mais contrairement aux deux autres religions, le judaïsme n’est pas une religion universelle, elle est liée à un peuple qui s’y reconnaît dans des croyances, des récits d’origine, des rites, des institutions, des objets de culte, des interdits, des prescriptions et des complaisances. Le judaïsme, de par les rituels collectifs, donne à la communauté des croyants une représentation de soi et raffermit les liens entre ses membres. «Une communauté de destin» pourrait-on dire, renforcée par le sentiment de persécution éprouvé au fil de l’Histoire et par les souvenirs exacerbés du génocide nazi. Présumés comme «le peuple élu» par la divinité, les juifs considèrent que seuls les actes pourraient identifier le juif, non la foi et c’est pour cela que les non-croyants sont admis dans la communauté. Le judaïsme, à l’instar des autres religions, se distingue par une pluralité de visions (orthodoxie, conservatisme, réformisme, humanisme). Et comme vient de le démontrer l’universitaire israélien Shlomo Sand dans son précieux ouvrage Comment le peuple juif fut inventé, 2010, les origines ethniques du «peuple juif» sont nombreuses et les mythes sur lesquels est fondé le sionisme sont sujets à un grand débat et risquent de mettre en danger l’existence de même l’Etat national (d’Israël). Encore plus, le mythe de la propriété historique de la «terre d’Israël» l’a embourbé dans une situation coloniale et a transformé son système politique en une «ethnocratie» inégalitaire. Et contrairement aux fantasmagories occidentales de «l’Etat démocratique» assiégé par des Etats arabes barbares incultes et tyranniques, l’auteur de cet ouvrage réfute, arguments à l’appui, la nature démocratique du régime. D’ailleurs, les juifs en Israël vivent leur identité dans une tension permanente, au vu des différences culturelles de personnes venues d’horizons divers, et même la religion n’arrive pas à trouver des équilibres entre les membres de la collectivité. Tout d’abord, il y a les ashkénazes (européens non méditerranéens) et sépharades (qui viennent du pourtour méditerranéen) qui se disputent les privilèges liés aux statuts politiques et militaires. Il y a également ceux qui sont venus d’Asie ou d’Afrique et du monde arabe. En plus, il y a la dimension religieuse qui divise ces groupes entre pratiquants et non pratiquants, les différences sociales et économiques feront le reste. Les Arabes qui y vivent depuis 1948 font face à plusieurs discriminations. La peur de l’Autre et le repli sur soi comme moyen de défense, soixante ans après la Shoah, font partie intégrante de l’imaginaire sioniste. Et plus la peur de l’Autre augmente et s’intensifie, plus elle se transforme en haine de l’Autre, ici c’est le Palestinien qui en fait les frais. Il faut dire que depuis les temps anciens, les populations juives se sont répandues dans les pays moyen-orientaux et méditerranéens, puis en Europe. Elles ont connu la dispersion, l’errance et l’exil. Leur attachement à Jérusalem est inaltérable, pour eux : c’est une requête religieuse. Mais au-delà des diverses interprétations et des différentes pratiques, intrinsèques à toute religion d’ailleurs, le juifs n’ont pas connu des conflits internes, surtout des conflits violents, comme les autres religions monothéistes.
Le sionisme, l’envers du nazisme
Le sionisme est un mouvement politique qui utilise le judaïsme et la manipulation de la mémoire juive dans un esprit de victimisation éternelle. La finalité de cette idéologie est «d’inventer un peuple et constituer une nation» sur un même territoire, la Palestine en l’occurrence. Son théoricien Theodor Herzl (1860-1904), juif hongrois, témoin des exactions subies par les juifs d’Europe en Russie et en France (l’affaire Dreyfus), publia un livre, L’Etat des juifs, en 1896. Cet acte fondateur sera suivi, une année après, d’une réunion à Bâle. Mais le projet sioniste n’a vu le jour qu’après les tragédies de la Seconde Guerre mondiale. Les sionistes qui avaient pour objectif la création d’un «foyer national juif» et les nazis tentés par l’anéantissement de toute présence juive sur leur terre vont faire le lit de l’émigration massive des juifs en Palestine. Les pays occidents comme les Etats-Unis, l’Angleterre et la France, vont soutenir le projet qui se concrétisera par la création de l’Etat d’Israël en 1948. Les Occidentaux ont entériné ce projet pour se donner bonne conscience et tout en montrant une certaine réticence envers l’accueil des juifs dans leurs pays, prétextant des difficultés économiques. Mais bien avant, il y avait la déclaration du Lord Arthur James Balfour (1848-1930) qui s’est prononcé en 1917 sur la création de ce «foyer juif» en Palestine. Ces actions étaient faites pour garantir la sécurité aux juifs persécutés, mais paradoxalement, c’est en Palestine que les juifs vivent continuellement dans l’insécurité, à cause des pratiques arrogantes des extrémistes sionistes. Ce sentiment d’insécurité, dont l’effet psychologique est profond, amène les juifs installés en Israël à élire leurs représentants parmi les plus extrémistes et les plus farouches à l’utilisation de la violence contre les Palestiniens. Les idéologues du sionisme ont su formater les consciences en utilisant la Shoah comme prétexte afin de fabriquer une identité collective. Les mémoriaux dédiés à cette tragédie humaine existent partout en Europe et en Israël. Considérés comme une race «inférieure et fortement nuisible» par l’idéologie nazie et ses adeptes, les juifs de tout bord ont été tyrannisés en Europe, durant la guerre de 38-45. Ces faits ont eu pour résultat qu’aujourd’hui encore, et malgré le temps qui nous sépare de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de juifs, toutes tendances politiques et idéologiques confondues, se sentent concernés par tout ce qui touche à l’existence de la communauté juive qui vit en Israël ou ailleurs. Les traumatismes causés par l’holocauste nazi demeurent un lien fondamental entre les membres de cette communauté. Cependant, le sionisme fait sienne la «pureté des races», théorie nazie par excellence. Pour les sionistes, les autres, tous les autres et en particulier les Palestiniens sont des «moins que rien», ce qui justifie, à leurs yeux, les continuels massacres contre cette population autochtone. On peut affirmer que le conflit «israélo-palestinien» a précédé bien avant l’avènement de l’hitlérisme en 1933, même si le sionisme en tant qu’idéologie et praxis n’a vu le jour que par réaction à la vague d’antisémitisme dont le théâtre a été l’Europe du XIXe siècle. En effet, le Vieux Continent a été secoué par des mouvements xénophobes dus à la montée en puissance des nationalismes chauvins, l’hégémonie d’Hitler sur les pays d’Europe donnera plus de sens au racisme antijuif. Les Allemands alors décidèrent, en accord avec l’Agence juive créée en 1929, d’implanter à partir de 1933 près de 35 000 juifs en Palestine. Depuis la proclamation de l’Etat d’Israël en 1948, les sionistes n’ont pas lésiné sur les moyens pour détruire la présence des Palestiniens sur cette terre. Ils ont inlassablement pratiqué des massacres collectifs, des guerres cycliques, l’assassinat des civils, les arrestations arbitraires, les emprisonnements administratifs, les attaques «ciblées», les bombardements, la confiscation des terres, la destruction des habitations, les bouclages et les couvre-feux, etc. Ces agissements funestes sont le lot quotidien des Palestiniens à Ghaza et en Cisjordanie, et quelle que soit la situation, en temps de «paix» ou en temps de guerre. De toutes les manières, les Palestiniens, quoi qu’ils fassent, n’ont jamais connu de répit. Les supplices endurés par les prisonniers, qui se chiffrent en milliers, sont la preuve que les sionistes feront tout pour pousser les Palestiniens à abandonner leur droit à la liberté et à l’indépendance. Les sionistes rêvent de réaliser le «Grand Israël» qui va du Nil à l’Euphrate, et beaucoup d’Israéliens adhèrent à ce projet, notamment les sionistes religieux.
L’antisémitisme, l’accusation comme arme redoutable
S’opposer au mouvement sioniste, critiquer l’Etat d’Israël, les méthodes expéditives de son armée contre les Palestiniens, s’assimilent inéluctablement à de l’antisémitisme. Critiquer la religion juive ou afficher son antijudaïsme peut être considéré, également, comme une posture antisémite. Il est reproché aux opposants du projet sioniste de prétendre, à l’instar des Arabes et des musulmans, «jeter les juifs à la mer et d’anéantir leur Etat». Même des juifs antisionistes (ça existe) sont considérés comme tels. Ils sont calomniés et même excommuniés. Beaucoup d’intellectuels français et américains en ont fait les frais, on peut citer à titre d’exemple Roger Garaudy, Noam Chomsky, Pascal Boniface et bien d’autres. Le mot «antisémitisme» est polysémique, puisqu’il englobe l’opposition à tous les peuples sémites, les Hébreux et les Arabes, mais son instrumentalisation par les acteurs politiques et médiatiques occidentaux acquis au projet sioniste ne concerne que les adversaires des juifs, et uniquement. Du même coup, les Arabes et les musulmans qui s’opposent au projet sioniste et critiquent Israël sont désignés comme antisémites, ce qui est absurde. Mais ce terme est récent, il n’est connu qu’à la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire en 1860, utilisé par un juif autrichien Moritz Steinschneider en réponse à l’historien français Ernest Renan attribuant aux peuples sémites de tares intellectuelles et spirituelles. Toutefois, c’est l’allemand Wilhelm Marr qui invente ce mot pour qualifier les actes hostiles aux juifs. Ainsi, l’utilisation du qualificatif antisémite implique toutes les oppressions qu’ont connues les juifs au cours de l’Histoire, ce qui est aberrant. Si on essaie de comptabiliser les persécutions qu’ont subies les juifs en Europe (et elles sont nombreuses), on peut citer à titre d’exemple celles durant l’Antiquité : en Egypte pharaonique, les Romains qui les harcelèrent pendant longtemps pour des raisons religieuses, en 1096 durant la première Croisade, leur expulsion de l’Angleterre en 1290, en Espagne en 1391, suivie par l’Inquisition et leur expulsion vers les pays du Maghreb en 1492, les massacres en Ukraine entre 1648 et 1657, en Russie entre 1821 et 1906, la Shoah durant la Seconde Guerre mondiale. Autant dire que l’antisémitisme est d’origine occidentale. Cela dit, l’antisémitisme pour les musulmans n’a pas lieu d’être du moment où ils croient à l’origine du judaïsme et à ses prophètes, et partagent beaucoup de croyances et de pratiques culturelles avec les juifs. Le Saint Coran cite à plusieurs reprises les juifs dans de contextes différents, comme il relate l’histoire des Israélites et de leurs prophètes (que la paix leur soit accordée). L’islam estime que le judaïsme a été perverti, et de ce fait, il considère que certains juifs sont critiquables, par contre, d’autres juifs sont respectables et avec lesquels il faut dialoguer avec une certaine convenance. De toute manière, les juifs sont «les gens du Livre» comme les chrétiens, donc admis, tolérés et protégés en société musulmane. Mis à part quelques conflits entre juifs et musulmans durant les premiers moments de la naissance de la religion musulmane, durant la longue histoire de la civilisation arabo-musulmane, les juifs vivaient en harmonie avec les musulmans, mais la situation a changé au XIXe siècle, au temps des colonisations. En Algérie, le décret Crémieux mènera à la rupture entre indigènes musulmans et juifs, en offrant à ces deniers la nationalité française. Le conflit israélo-palestinien donnera plus de consistance au «rejet» du juif dans tous les pays arabes et musulmans. L’antisémitisme ne sert l’islam ni les musulmans et encore moins la cause palestinienne. Nier l’Holocauste (fait historique avéré) et adopter des orientations anti- judaïques ne résout pas les problèmes du monde arabe. La haine et la violence contre les juifs font le jeu des sionistes (voir les excellents articles de Mourad Benachenhou publiés dans le quotidien d’Oran, juillet-août 2014). La destruction d’Israël n’est pas à l’ordre du jour pour tous les mouvements politiques palestiniens, alors que certains courants juifs religieux rejettent l’idée même d’un Etat juif, le jugeant hérétique, c’est-à-dire contraire à la Torah. L’exil est au cœur du judaïsme, certains juifs établis en Palestine le vivent intérieurement et accepteront volontiers de vivre avec les Palestiniens sous un même drapeau, bien sûr en attendant le Messie qui leur apportera le salut éternel. Mais beaucoup d’entre les juifs craignent beaucoup plus «l’assimilation» avec d’autres cultures par peur de perdre l’identité juive. Ce qui fait croire que le retour des Palestiniens en Palestine pourrait changer, d’une manière inévitable, la donne démographique, politique et culturelle. Et c’est pour ces raisons qu’il faut garder, du point des juifs, cet «Etat refuge» intact où dominent politiquement les juifs (antisionisme et antisémitisme ne sont pas synonymes, Michel Staszewski, 22 mars 2008). Le mur de séparation construit par Sharon relève de cette mentalité de préserver le territoire de toute incursion militaire ou civile des Palestiniens, créant par ainsi un apartheid honni. Le 10 novembre 1975, l’Assemblée générale de l’ONU a condamné le sionisme par une résolution qui le qualifie dans sa conclusion «comme forme de racisme et de discrimination raciale». L’annulation de cette conclusion sera effective le 16 décembre 1991, considérée alors comme antisémite, l’ONU était présidée à cette époque par Kofi Annan. Il est clair que le terme «antisémitisme» est exploité à fond et sans vergogne pour les ténors du sionisme belliqueux et leurs fidèles soutiens pour faire taire toute contestation de la politique d’Israël et de ses alliés, les Etats-Unis en tête.
Le complot international juif ?
Il est clairement admis par les anti-judaïques que le complot international juif pour dominer le monde existe bel et bien, il est consigné, selon eux, dans un document très célèbre : Les protocoles de Sion. D’après un certain nombre d’analyses, le document est un faux, un plagiat du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu de Maurice Joly. Une reproduction presque littérale effectuée par Mathieu Golovinski en 1901, un informateur de la police secrète russe. M. Joly s’attaque à Napoléon III qui veut dominer le monde, il lui attribue un plan diabolique fictif. M. Golovinski a retravaillé ce document pour lutter contre les révolutionnaires anti-tsaristes. Dans son livre Mein Kampf, Adolph Hitler s’en inspire abondamment pour justifier ses attaques contre les juifs. Goebbels en a fait un instrument de propagande antisémite. Contrairement à ce que pense Bernard Lewis, un historien américain, la traduction de l’ouvrage est accomplie non par un musulman, mais par un chrétien maronite, le curé Antoun Yammin, et fut publiée au Caire en 1925, puis à Al-Qods en 1926 (Gilbert Achcar : Les Arabes et la Shoah, Actes Sud 2009). Mais le document a peu circulé, n’était-ce l’utilisation de ses thèses par Rachid Rida pour fustiger les juifs, Mohamed Amin El-Husseini, le mufti d’Al-Qods en fit de même, à la suite des émeutes de 1929 en Palestine. Ce n’est qu’après 1948, année où les sionistes imposent leur diktat aux autochtones palestiniens que le texte connut un grand succès. Par contre, l’auteur du Les Arabes et la Shoah estime que chez les Arabes, il n’y avait jamais eu d’unanimité sur ces questions, des intellectuels comme Taha Hussein et Ahmad Amin et Al-Aqqad critiquaient sans cesse le nazisme. En Syrie et en Algérie, il n’y a eu jamais de confusion entre judaïsme et sionisme chez les élites intellectuelles et politiques. George Antonius, un intellectuel palestinien, s’est positionné dès 1938, clairement contre le sort réservé aux juifs par les nazis. Les marxistes et les nationalistes arabes ont rejeté le sionisme, sans pour autant l’identifier au judaïsme. Même si quelques nationalistes ont exprimé leur haine aux juifs, suite à l’occupation de la Palestine, ce sont les intellectuels de l’Islam politique qui, sous l’influence de Rachid Rida, qui ont le plus utilisé dans leurs références Les protocoles. Le niveau de régression intellectuelle et culturelle jamais atteint dans les pays arabes a trouvé un terrain fertile à l’amalgame et la confusion, entre religion judaïque et projet colonialiste sioniste. Toujours selon G. Achcar, la charte du Hamas palestinien serait amendée incessamment où il serait question d’invalider les références à ce document, car nuisant à l’image de la cause palestinienne. (Voir également Les Arabes, Hitler et la Shoah réalisé par Ruth Grosrichard : Zamane, octobre 2011). Bien sûr que le conflit trouve ses sources idéologiques dans l’interprétation des textes religieux à des fins d’instrumentalisation. Pourtant, le conflit est fondamentalement d’ordre politique, il s’agit d’une occupation coloniale soutenue par les partisans de la domination impériale, les Etats-Unis en tête. Cette puissance impériale, en soutenant Israël, et en activant la dislocation des pays arabes par l’utilisation des mouvements terroristes qui lui sont inféodés, fait de la mainmise sur cette zone du Moyen-Orient, si riche en ressources et si importante stratégiquement, l’une de ses grandes priorités. (Noam Chomsky : Dominer le monde ou sauver la planète, 2003). Tomber dans l’exclusion, sous couvert d’idéologie religieuse, c’est s’aliéner une partie importante de l’opinion occidentale anticolonialiste, antisioniste et anti-domination impériale. Plusieurs intellectuels, militants politiques, simples citoyens, partisans de la défense des droits humains et humanistes, vivant en Europe et aux deux Amériques, en Asie et en Afrique (même les personnes d’origine juive, Brahim Senouci en donne une liste non exhaustive : Quotidien d’Oran du 9 août 2014), contestent la violence faite aux Palestiniens et aspirent à une paix durable dans ces contrées éprouvées par des tensions meurtrières.
Et la Palestine dans tout ça
Citée par Hérodote (historien grec), la Palestine désigne géographiquement une région située entre la Méditerranée et le désert à l’est du Jourdain et au nord du Sinaï. Religieusement, elle est considérée comme terre promise pour les juifs et terre sainte pour les chrétiens et sacrée pour les musulmans. Historiquement, elle connut dans l’Antiquité plusieurs dominations et mélanges de cultures, celle des Cananéens, Hébreux, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Byzantins, Arabes, Croisés, Ottomans et Britanniques. On peut expliquer le conflit judéo-arabe par le contexte des années 1930-1940, où il était question du début des conflits régionaux, la création de l’URSS, la montée des fascismes, la crise économique de 1929, le morcellement de l’Empire ottoman et le partage des pays jadis sous autorité ottomane entre la France, l’Angleterre, et le début des luttes anticoloniales. La responsabilité des Occidentaux est parfaitement claire dans ce qui arrive aux Palestiniens. Bien que le projet politique du Fatah palestinien et d’autres mouvements laïcs ou de gauche comme le FDLP de Nayef Hawatmeh reconnaissaient, dès la fin des années 1960, l’identité juive et prônaient un Etat palestinien démocratique où vivront juifs et Arabes sans aucune ségrégation, rien de cela n’a vu le jour, ou pu être reconnu comme tel. L’idéologie des mouvements islamistes, dont les adeptes aspirent à l’édification d’un Etat islamique sur toute la Palestine, ne reconnaissent pas l’Etat d’Israël ni les accords d’Oslo, qui sont en fait «mort-nés», suite aux agressions successives de l’Etat hébreu. On peut croire que ces mouvements ont beaucoup mûri et s’activent à établir les contacts et engager des négociations, c’est-à-dire accepter de faire des concessions. C’est vrai que le regard porté à la tragédie juive, la Shoah, est caractérisé par une ambiguïté dans le monde arabe et musulman, du fait de son instrumentalisation à outrance par les acteurs de la vie politique et médiatique en Occident, et en France, surtout. La tragédie du peuple palestinien depuis la Nakba jusqu’à l’heure actuelle ne milite pas pour une sérénité dans l’appréhension de l’histoire récente des juifs. L’arrogance de l’Etat d’Israël y est pour beaucoup. Plus on avance dans le temps, plus le conflit connaît des évolutions profondes. D’un conflit israélo-arabe à un conflit israélo-palestinien, il peut devenir un conflit israélo-hamassien. Les desseins de l’administration israélienne sont clairs là-dessus : diviser, toujours diviser, pour s’accaparer les terres et pousser ce qui sont restés à Ghaza et en Cisjordanie à l’exil. Les Palestiniens, à l’instar des peuples jadis colonisés, sont devenus «les damnés de la terre» pour reprendre un titre du célèbre ouvrage de l’anticolonialiste Frantz Fanon. Contrairement à ce que rapportent les médias qui soutiennent Israël, les roquettes lancées par les combattants palestiniens font plus de peur que de mal (aucun bilan exhaustif n’a été communiqué officiellement par les Israéliens. Pourquoi ?). Bien sûr, la vie économique est perturbée, les Israéliens sont appelés à se réfugier à chaque lancement de roquettes, à chaque alerte, ils sont obligés de rester chez eux pour se protéger. Les cibles des combattants palestiniens sont dans leur majorité des cibles militaires, par contre, l’armée israélienne tue les civils, dans des opérations de représailles. La focalisation sur le Hamas, classé «organisation terroriste» par les USA depuis les «événements du 11 septembre 2001» fait l’affaire des médias occidentaux et du cabinet de Netanyahu qui a opté pour la destruction totale du Hamas. Par contre, toutes les organisations palestiniennes (Hamas, Djihad islamique, Front populaire, Fatah, etc.), sont impliquées dans la résistance à l’agression israélienne. En voulant isoler Hamas, les Israéliens ont réussi à renforcer l’audience du Hamas et son autorité. Ils ont, à leur insu, unifié les rangs des leaders palestiniens et remis la cause palestinienne à la une des médias internationaux. Une cause juste et noble, presque «oubliée» et «détournée», revient en force dans les débats politiques et médiatiques. Ces «damnés de la terre» n’ont, en fait, jamais cessé de résister à l’oppression israélienne, et par tous les moyens. Ils ont choisi de mourir brutalement et dans la dignité, que de mourir à petit feu dans la médiocrité et la servilité. Il est aisé de dire que l’establishment sioniste a perdu la guerre sur le plan politique en renforçant le Hamas, et sur le plan moral, en tuant des enfants et des bébés. L’image d’Israël est altérée en ce moment, par tant de crimes humains. Les «remparts protecteurs» de cet Etat commencent à connaître des fissures, ses soutiens indéfectibles doutent et hésitent à lui donner raison davantage.
Seule une paix négociée pourrait…
Les Israéliens soutenus par la communauté internationale ont pu acquérir le principe le plan de partage décidé par l’ONU en 1947, mais ils ne se sont pas satisfaits de ce partage, ils voulaient plus, ils ont développé depuis une colonisation de peuplement et occupé des territoires par l’utilisation de la violence. Ils ne sont pas à leur première agression contre la population ghazaouie, déjà en 2009 et en 2012, ils ont commis plusieurs crimes, tués des centaines de civils et fait des milliers de blessés comme en ce moment. Le Conseil national palestinien a reconnu l’Etat d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967, depuis 1988. Les membres de la Ligue arabe ont approuvé cette orientation politique. Feu Yasser Arafat a procédé à des concessions pénibles pour son aura, pour qu’enfin ses compatriotes goûtent à la stabilité et à la vie paisible. Il est même allé jusqu’à signer les accords de Camp David et serré la main aux responsables de l’Etat d’Israël. Seul le respect du droit international et des multiples résolutions de l’ONU peut aboutir à un règlement définitif de la question palestinienne, le recouvrement des droits du peuple palestinien et le jugement des criminels de guerre par les instances juridiques internationales. Seule une paix négociée respectant le droit du peuple à l’autodétermination et à l’indépendance, au retour des réfugiés, à la restitution des terres spoliées et la libération des prisonniers pourra permettre cela. En somme, un Etat palestinien avec Al-Qods comme capitale.
Mohamed Daoud, enseignant-chercheur à l’université d’Oran/UCCLLA-CRASC
 

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