Un reportage du Monde diplomatique : le tabou des pratiques sexuelles des Algériens avant le mariage
A partir de témoignages directs racontés par de jeunes Algériens, garçons et filles, sur leurs pratiques sexuelles et amoureuses avant le mariage, le journaliste français Pierre Daum publie dans l’édition d’août 2014 du Monde diplomatique un reportage qui montre à quel point cette problématique constitue un tabou solidement ancré dans la société, et combien son impact reste complètement inconnu du fait de l’absence d’études sérieuses à ce sujet. Des dizaines d’ouvrages écrits généralement par des chercheurs en sociologie ou en démographie, qui ont traité du problème du mariage en Algérie, ont rarement abordé, aussi ouvertement que Pierre Daum, la situation des jeunes célibataires face à la sexualité, c'est-à-dire la question que pose le journaliste français à propos de la gestion de la sexualité «pendant ces longues années, entre les premières pulsions et le moment si lointain du mariage». Or, comme le note Pierre Daum, sans doute sur la base des données démographiques établies par des chercheurs algériens, «en une vingtaine d’années, l’âge moyen du mariage a considérablement reculé à cause de la difficulté de trouver un travail et un logement. Il atteint aujourd’hui 30 ans pour les femmes, et 34 ans pour les hommes. Chez les étudiants – dont le nombre, en progression exponentielle, atteint aujourd’hui un million et demi –, l’âge recule encore». Cela, dans un contexte, faut-il le préciser, où la régulation de la sexualité est assurée par un ensemble d’interdits religieux dont la transgression entraîne des sanctions parfois publiques. Certes, les faits rapportés dans le Monde diplomatique, sous des formes anecdotiques, sont connus aussi bien des spécialistes que du commun des Algériens, mais, comme le souligne le journaliste à l’attention du lectorat français, le problème n’est nulle part évoqué, «on ne parle de sexualité ni avec ses parents, ni avec ses frères et sœurs, ni même avec ses meilleurs amis». Il constate le poids de la religion : «L’islam, visible dans l’espace public sans être ostentatoire, envahit en revanche les discussions, en particulier dès que l’on parle de sexualité.» Il rappelle que l’islam «interdit rigoureusement toute pratique sexuelle avant le mariage». On sait que l’islam reconnaît à l’homme des besoins sexuels, mais ne conçoit leur satisfaction que dans le cadre du mariage. Pour des raisons sociales et économiques, dont la crise du logement est celle qui domine largement, le célibat, celui des femmes notamment, a tendance à se prolonger dans la population algérienne, conduisant parfois à une véritable impasse pour les familles concernées et une «bombe à retardement» pour toute la société. La revendication des jeunes au logement, la seule qui, actuellement, provoque les émeutes un peu partout dans le pays, doit être appréhendée par le pouvoir non pas comme un caprice ou un luxe, mais comme la volonté de tous ces jeunes non mariés de sortir de la promiscuité familiale pour réaliser l’aspiration légitime au mariage et à fonder une famille, ce qui est d’une importance capitale dans un pays où la famille est considérée comme la cellule de base de la société.
Houari Achour