Emouvant hommage d’un citoyen algérien au joueur de la JSK : lettre posthume au regretté Albert Ebossé
Cher regretté Albert Ebossé, cher compatriote africain,
Cher regretté Albert Ebossé, cher compatriote africain,
Je t’écris cette missive posthume, car j’ai appris que tu as été assassiné en cette journée du 23 août par l’un de tes supporters, qui était mécontent du résultat du match de football auquel tu as pris part, comptant pour le championnat de la Ligue professionnelle algérienne, qui a opposé ton équipe d’adoption, la JS Kabylie, à l’équipe ôte, l’USMA d’Alger, et qui s’est soldé par la défaite de ton équipe. Si j’ai pris la peine de t’écrire à cette occasion, c’est surtout à cause du sentiment profond de honte et de tristesse dans lequel cette terrible nouvelle m’a plongé et que je ne parviens ni à transcender ni à m’en détacher. J’aurais souhaité que la terre s’ouvre sous mes pieds et m’engloutisse que de continuer à souffrir de cette immense humiliation, pour moi et pour les miens, dont je ressens l’égale affection de tout côté vers lequel je me retourne, du fait de cette incompréhensible tragédie devenue nationale. Au-delà de la mort violente et injustifiée dont tu as fait l’objet, source d’un inconsolable chagrin pour ton épouse bien aimée que tu venais à peine de quitter à la maternité, quelques heures seulement avant l’irréparable, et qui venait d’accoucher du fruit de votre amour : un merveilleux enfant que tu ne verras plus jamais. Au-delà du chagrin insupportable que tu infliges à tes proches, tes amis et tes fans par ton départ prématuré. Au-delà du deuil avec lequel tu accables ton peuple camerounais à la grande réputation pacifique et hospitalière. Au-delà du rêve brisé du jeune prodige sur les terrains que tu étais, à la moralité irréprochable dans le jeu comme dans la vie, et dont le talon prédisait un avenir des plus glorieux. C’est l’espoir de tout un continent qui est anéanti en suivant l’ombre de ta dernière foulée. L’espoir pour lequel nos aînés se sont sacrifiés pour nous libérer et nous léguer un continent à bâtir dans l’entraide et l’amitié, et à œuvrer pour le rapprochement de nos peuples, afin de lutter ensemble pour nous émanciper. Cher compatriote africain, ta tragique disparition par cet assassinat dans des conditions si absurdes, aussi bien par sa motivation que par la manière dont il a été commis, vient rajouter de la tragédie à la tragédie et nous rappeler que le chemin pour notre émancipation, en tant que peuples qui ont tant souffert dans leur histoire, et qui ont été autant soustraits à la contemporanéité du monde, est semé de beaucoup plus d’embûches que l’on croyait. A considérer seulement le lieu de ce crime absurde, celui de notre lumineuse cité de Tizi Ouzou, ville symbole des poètes et des militants pour la justice et les libertés de conscience, cela a de quoi vous plonger dans un profond désespoir. Cher compatriote, avant de te quitter et te laisser reposer en paix pour l’éternité, je tenais à te rassurer que l’infamie qui t’a frappé à la fleur de l’âge ne pourrait être vaine et se perdre dans les abysses du temps. Car la tragédie dans laquelle tu as plongé tout un continent vient s’inscrire dans la continuité des tragédies qui ont endeuillé nos peuples tout le long des siècles écoulés, pour aboutir à notre émancipation de l’emprise coloniale. A présent, place à la lutte pour notre émancipation de l’obscurantisme, du despotisme et de toutes les autres régressions qui affectent notre vivre ensemble. Je suis convaincu que la tragédie qui t’a affecté, qui nous a affectés tous, marquera définitivement une rupture significative dans ce processus tant souhaité, et comme pour nos aînés, ton empreinte restera gravée à jamais sur les frontons de nos structures sportives, pour constituer un référent incontournable pour les générations à venir.
Youcef Benzatat