Rengainez votre sabre !
Par M. Aït-Amara – Dans une interview au quotidien arabophone Echorouk, le ministre des Sports, Mohamed Tahmi, brandit son sabre, enfourche son cheval et s'en va-t-en guerre contre la violence dans les stades. Que compte-t-il donc faire ? Demander à la DGSN de multiplier ses effectifs par dix ? Supplier les supporters de ne plus jeter de pierres sur les joueurs ? Combattre les voyous qui peuplent les tribunes un à un, corps à corps ? Mais, M. le ministre, n’avez-vous donc pas compris qu’au stade actuel de déliquescence de la société qui a atteint un point de non retour, il ne faut plus sévir mais civiliser ? La violence serait-elle donc confinée à l’intérieur des stades ? Vous, dont le ministère se trouve au cœur d’un quartier populaire et populeux d’Alger, oseriez-vous y traîner vos guêtres sans vos gardes du corps et sortir votre téléphone portable dernier cri de votre poche pour répondre à un appel en pleine rue ? La violence, M. le ministre, n’est pas un astéroïde qui nous est tombé sur la tête. Les germes de la violence ont longtemps été entretenus dans notre société, encouragée qu’elle est par la fuite en avant des gouvernements successifs. Et, au lieu de pousser la jeunesse à se retrousser les manches pour «apprivoiser» le travail devenu pour eux une source de peine et de honte – oui, M. le ministre, aujourd’hui, travailler est devenu honteux ! –, le pouvoir, que vous représentez, a fait sien ce slogan : «Mangez, buvez et éclatez-vous, vous ne manquerez de rien !» Voilà donc ce que vous inculquez à cette jeunesse-Ansej gâtée, gâchée par vos cadeaux en contrepartie desquels elle peut casser, voler, agresser, semer la terreur, dicter sa loi, à condition qu’elle s’éloigne de la chose politique, pour vous laisser tranquilles, vous, les politiciens, qui vous plaisez à cet endroit surélevé d’une République qui coule. Avant que la violence n’escalade les murs des stades, M. le ministre, elle avait déjà pris racine dans l’enceinte censée être inviolable des écoles ; elle avait déjà trouvé refuge dans les paroles de chansons à succès protégées par l’Office national des droits d’auteur, appelant au meurtre et à la haine ; elle est, en ce qui concerne le football, alimentée chaque jour que Dieu fait par des journaux (anti)sportifs qui, la veille d’un match entre le MCA et la JSK, publiaient deux manchettes différentes, l’une destinée au lectorat algérois et l’autre aux supporters de Kabylie. La première comportant cet appel au meurtre : «El youm matefrach» (qu’on pourrait traduire «Aujourd’hui, ça va être la guerre !»), et la seconde le fameux slogan né des événements de Kabylie au début des années 2000 : «Oulach smah oulach !» (Il n’y aura pas de pardon !). Or, M. le ministre, cette école-là est de plus en plus sinistrée et cette presse-là, que vos collaborateurs déposent sur votre bureau tous les matins, continue de paraître. Alors, rengainez votre sabre et remettez plutôt ces jeunes égarés au travail ! Réapprenez-leur à trimer au lieu de frimer, à peiner au lieu de se la péter !
M. A.-A.
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