Libération des otages algériens : l’opération Serval et «le marché du terrorisme»
Souvenons-nous de l’entrée en scène de la crise malienne, qui avait mis au grand jour les rivalités sino-américaines pour le contrôle des richesses de l’Afrique. Souvenons-nous de la rhétorique guerrière de l’impérialisme occidental : «la lutte contre le terrorisme», inaugurée par Bush en tant que lutte de l’ «axe du bien» contre l’«axe du mal» (représentée par le terrorisme islamiste radical et les Etats prétendus le soutenir). Dans le cas du Mali, c’est avec la collaboration des Saoudiens et des Qataris que cette justification s’est matérialisée et est devenue possible. Notamment par l’appui à l’émergence, à la consolidation et au soutien aux groupes terroristes dans cette région pour servir d’alibi à l’implantation de bases militaires et assurer le contrôle de ses richesses, en particulier l’uranium du Niger, qui est vital pour l’économie française, en assurant l’alimentation des centrales nucléaires pour produire l’énergie nécessaire. Car l’islam radical, globalement confondu par le terme «terrorisme», se prête aisément à conditionner l’opinion pour mieux faire accepter une intervention militaire. L’intérêt partagé des Américains et des Occidentaux généralement, des Saoudiens et des Qataris dans cette collaboration réside naturellement dans leur projet d’islamisation de l’Afrique de l’Ouest, sur le modèle de l’islamisation du Maghreb et de l’Egypte post-«printemps arabe», pour faire barrage à toute possibilité de démocratisation des sociétés africaines et de l’émancipation de leurs peuples. L'hypothèse de la poursuite d'un soutien militaire et financier par le Qatar des groupes terroristes du Mujao, Aqmi et Ansar Eddine dans l’Azawad, dans une stratégie de double jeu, est largement attestée par des témoins présents sur place. Généralement, des ONG humanitaires y compris par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge). Ces humanitaires sont tous d’accord sur le fait que le rôle exact des Qataris depuis qu’ils sont arrivés au Nord-Mali, bien avant l’opération Serval, c’est bien d’aider les groupes terroristes financièrement et logistiquement et que leur action humanitaire, notamment à travers leur ONG Charity Qatarie, n’est qu’une couverture pour un soutien moins avouable à ces groupes terroristes. Tous les «vices cachés» de cette crise sont là pour préparer une intervention militaire occidentale et s’implanter durablement dans la région pour le contrôle de ses richesses et faire barrage aux convoitises chinoises, de plus en plus agressives sur le continent. Toutes ces manœuvres de soutien et de négociations avec les groupes terroristes arrangent en fin de compte toutes les parties en conflit au détriment des populations locales. L’objectif consiste à recycler les groupes terroristes les plus accommodants et à éliminer les récalcitrants. Instaurer des régimes islamistes dans toute l’Afrique de l’Ouest, contrôlés par l’impérialisme occidental, pour faire barrage aux véritables forces démocratiques de ces pays, pour rendre leur inféodation facile. Car les régimes islamistes sont généralement plus maniables et plus perméables à la corruption. C’est la mission qui a été confiée à l’Algérie. Les négociations entamées par le président Abdelaziz Bouteflika avec Ansar Eddine en 2012, sans avoir pu obtenir la libération des otages capturés par ces groupes terroristes la même année, avaient pour objectif de les amener à coopérer pour les associer progressivement, en échange, au nouveau pouvoir qui se dessine au Mali avec cette crise. Car les motivations de l’opération Serval, annoncée en grande pompe par François Hollande comme «la guerre contre le terrorisme», par laquelle il promettait que tout allait être réglé en très peu de temps, se révèlent au grand jour dans toute leur manipulation. Pas seulement aucun projet véritablement politique n’a été envisagé pour l’issue de la crise, mais aussi, tous les groupes terroristes sont toujours présents et leurs réseaux aussi actifs qu’auparavant. De plus, le juge d’Ansar Dine, Ag Alfousseyni Houka Houka, responsable des cruautés commises contre la population de Tombouctou, arrêté le mois de février 2014, vient d’être libéré le 15 août contre la libération de soldats maliens prisonniers de ces mêmes groupes armés. Le juge vient de rejoindre ses réseaux et ne sera jamais jugé. Déjà en juillet, 42 prisonniers, membres de ces groupes, ont étaient libérés en échange de 45 soldats maliens capturés à Kidal lors des affrontements du mois de mai. L’Algérie a de son côté bénéficié à l’occasion de la libération samedi 30 août des deux derniers otages enlevés au Nord-Mali le 5 avril 2012. Certainement inclus dans la clause de ce «marché du terrorisme». La normalisation des relations avec les groupes terroristes est plus que jamais en marche vers de nouvelles aventures pour servir les desseins et les alibis des uns et des autres.
Youcef Benzatat