Quelques réflexions à l’adresse de l’association «A nous les écrans»
Je tiens à féliciter l’association «A nous les écrans» et l’encourager pour, entre autres, l'initiative de l'organisation d'un concours. J'ai quelques propositions à formuler :
Je tiens à féliciter l’association «A nous les écrans» et l’encourager pour, entre autres, l'initiative de l'organisation d'un concours. J'ai quelques propositions à formuler :
1- La date du 20 septembre pour les envois est trop rapprochée. L'appel à concourir a paru (je crois vers le 20 août). En un mois, il est difficile de réfléchir sur un sujet, l'écrire, le corriger, le recorriger, etc. (à moins que pour quelques candidats, leur scénario est déjà prêt). Je ne doute pas que les organisateurs ont pensé à cela.
2- A mon sens, il serait utile à l'avenir de fixer un thème sur lequel on s'appuie comme orientation.
a) Pour le film court métrage : social, social policier, policier, identitaire, historique, politique, film de guerre, film événementiel adapté, etc.
b) Pour le documentaire : historique, urbanistique/architectural, patrimoine, environnemental, scientifique, biographique, etc.
3- Que veut dire court métrage pour «A nous les écrans» en dehors de la norme universelle qui est variable ? A l’ère du numérique, un film dit de court métrage peut-être compris de diverses façons. Il n'existe pas de règle particulière et souvent cela dépend du sujet, du producteur et du budget. Aussi, quelle serait le durée du film, le nombre de pages du scénario à envoyer ? Dans le nombre de pages, il faut séparer les scènes qui sont effectivement filmées (d'où la durée du film) et celles qui accompagnent et expliquent des situations et qui ne sont pas filmées.
4- Dans certains films, qu'ils soient de court métrage ou documentaire, comme l’exige le règlement du concours, il existe une large palette de tout type et de toute forme de présentation.
– Exemple : on peut avoir un scénario de 20 pages et qui ne produisent que 2 à 5 minutes de film. Selon que le film soit de série, d'action démonstrative, argumentative, narrative ou descriptive. Avec ou sans dialogues. Sans retourner jusqu’à Méliès ou aux films de Charlot, on peut imaginer qu'un film soit muet et qui a du sens aujourd'hui.
– Exemple : décrire ou assister à une journée d'un peintre ou d'un cordonnier. Aucun dialogue, aucun autre personnage. On les voit travailler, c'est tout. Bien sûr, avec quelques bruitages et des scènes annexes. Mais on ne voit que le peintre ou le cordonnier comme seul et unique personnage durant tout le film. On aura alors des scènes à travailler sur les gestes ou un regard ou encore le mouvement des mains, d’où l’utilisation des «plans serrés» ou en «gros plan» pour le détail, des «plans rapprochés» ou des «plans américains» par intermittence. Rarement des «plans d’ensemble» ou des «plans moyens» sauf pour situer le récit ou l’action. Cela complique le scénario qui doit alors être minutieux, compréhensif. Il y aura donc nécessité dans le scénario ou la suite scénarisée d’écrire et de décrire, et de penser déjà au rôle de la caméra en même temps que l’écriture de la suite scénarisée. Par exemple, comme l'a noté Roland Barthes, à propos de fonctionnalité d'un récit, «ce qui est donné sur le mode descriptif maintenant, peut participer du narratif ultérieurement» et inversement. On décrit, on montre, on narre, on parle peu, mais on anticipe également comme si le film a déjà été fait (vision devancière). On peut créer des histoires sans «héros» ou «héroïnes». On s’inspirera dès lors de la société pour produire des schémas réels ou fictionnels sans bousculer le public qui s’y retrouverait (Le charbonnier de Bouamari est un exemple, Le moulin de monsieur Fabre aussi, ainsi que certains films de Youcef Sahraoui (Yarhamouhoum Allah). Ce genre de film à petit budget qu’on ne voit ni dans les salles de cinéma ni à la télévision ne pourrait-il pas être encouragé par «A nous les écrans» ?
4- Comme il n'y aura pas que des scénaristes professionnels qui concourent (existent-ils d’ailleurs ?), il est donc intéressant d'atteindre un large public intéressé, surtout les jeunes, par une bonne communication et de larges informations afin que le concours soit compris par tous et ouvert à tous. On ne pourra que s'enrichir et nous améliorer par l'expérience.
Quelques impressions tirées de mon expérience
J’ai écrit cinq scénarios de longue durée. J’ai envoyé à «A nous les écrans» trois scénarios pendant trois années où ont été lancés les concours. Je n’ai reçu aucune nouvelle. Je me sens frustré. Il serait utile et enrichissant de faire écho aux candidats des résultats du concours, à tous les candidats. A mon avis, ça donnera de la crédibilité au concours, ça encouragera les candidats pour les prochaines années et ça permettra la clarté. Par ailleurs, il serait également utile de connaître les membres du jury ainsi que leur curriculum vitae. Etre réalisateur ne veut pas dire qu’on ait des compétences pour juger d’un scénario. Il est fait pour exécuter le scénario que lui propose un producteur et le travail d’un réalisateur n’est pas aisé s’agissant de diriger jusqu’à 40 personnes. Egalement, à chaque appel à concourir lancé par «A nous les écrans», nous ne savons pas – ou après coup – les résultats du concours dans l’immédiat. Il faut donc une large diffusion, avant, pendant et après. D’où la nécessité d’une bonne communication. Le décret n°12-91 du 28.2.2012 qui fixe les modalités d’attribution de l’aide publique, dans son article 16, ne parle que du producteur et du contenu du dossier à déposer. Se pose alors la question : que doit faire un scénariste, un écrivain qui a un scénario à proposer et qui ne trouve pas le canal nécessaire pour déposer son œuvre ? Faut-il aller soi-même au FDATIC, au CNC, à l’ENTV ? Qui vous recevra si vous n’êtes pas producteur ou si vous êtes sans relation, car le milieu du cinéma est fermé, opaque et sans communication pour le large public. A cet effet, un magasine comme Les écrans d’il y a 30 ans est nécessaire et contribuerait à intéresser le public et à remplir les salles de cinéma.
Je pense que l’association «A nous les écrans» a un rôle à jouer, des initiatives à prendre et un champ vierge à occuper. Bonne chance !
Pour conclure : mon problème qui est le problème de tous se rattache à la critique. Je considère qu’il n’existe aucune compétence sérieuse qui puisse juger de la qualité soit d’un scénario soit d’un film. Mon souhait depuis 30 ans est de trouver quelqu'un qui lise mes travaux et ceux des autres et qui dise ce qu’il en pense, par écrit. Je répète par écrit (analyse critique). C’est ce qui manque chez nous en Algérie et c’est ce qui fait que tout un chacun fait n’importe quoi et notre cinéma stagne quand il n’est pas dans une agonie avancée. Une rencontre élargie à ce sujet serait la bienvenue où seraient présentes des personnes avisées comme Cheniki, Hadj Meliani, Kaddour M’hamsadji, Abdelali Merdaci, Youcef Sayah ou encore Mme Nadia Labidi (spécialiste dans le cinéma), Amina Bekkat pour son avis sur les thèmes et la construction du scénario. Il en existe beaucoup d’autres qu’il convient de réunir selon leur compétence prouvée. Les diplômes sont nécessaires bien sûr, mais pas suffisants dans le domaine des différentes spécialités dans le cinéma. Avoir fait Sorbonne, Harvard, Oxford ou la Zitouna ne prédispose pas à écrire un scénario ou réaliser un film. Pour réaliser un film, il faut être un battant, un enragé, quelqu’un qui sait mener et les programmes et les budgets, et surtout mener des hommes et des femmes. Quelqu’un qui produit ou réalise un film doit être intellectuellement honnête et animé par la passion. L’expérience, le talent, la passion, le «vouloir réussir» sont des moteurs pour la réalisation d’une bonne œuvre. Réunir, donc, d’une part, un panel de littéraires connaissant le cinéma et, d’autre part, des scénaristes reconnus. Un réalisateur n’est pas un scénariste comme un scénariste ne peut être réalisateur.
Aujourd'hui, en Algérie, pour ce qui concerne le cinéma, nous sommes tous des tâcherons. Ces maçons qui font des murs par expérience sans conception de la maison. Ni goût ni esthétique. Si quelqu’un de qualifié ne contrôle pas le mur, ne mesure pas et ne dit pas par écrit son analyse sur la qualité de ce mur on ne peut que construire des murs tordus. Comme c’est le cas pour notre cinéma. Comme dans le bâtiment, tout le monde est entrepreneur, tout le monde est tâcheron. Dans le cinéma, tout le monde est scénariste, tout le monde est réalisateur. Alors, on éteint la télé ou on va se promener ailleurs, sur la 2, la 3 ou Arte. Ou bien on va au lit. J’espère et je souhaite qu’«A nous les écrans» servira de lieu d’animation pour la culture en général et le cinéma en particulier, et que beaucoup de jeunes scénaristes surgiront dans le champ de l’écriture cinématographique et aussi dans la réalisation, en plus des autres spécialités. A condition de fermer les fenêtres à l'envol de l'argent et d'ouvrir les portes aux jeunes et aux compétences dûment prouvées.
Abderrahmane Zakad, urbaniste et scénariste