L’islam politique ou comment détruire l’islam de l’intérieur (I)
86 ans d’intrigues, de complots et de sang versé, tel est le parcours de la «confrérie» des Frères musulmans (FM) qui n’avaient (et n’ont) pour but, dès leur création, que d’arriver au pouvoir afin d’y rester. En 1919, les Egyptiens criaient : «L’Egypte aux Egyptiens, la religion à Dieu et le pays pour tous !» C’était le début du libéralisme en Egypte. En 1924, l’Empire ottoman dit «el-khilafa el-islamiya» tomba (en apparence) entre les mains de Kamel Atatürk. Le résultat de la chute de l’Empire ottoman «qui se couvrait du voile religieux alors qu’il était aux antipodes de l’islam» donna naissance à une grande inquiétude au sein des peuples musulmans, et trois principales figures de l’époque voulaient devenir calife. Le roi Fouad en utilisant Al-Azhar, l’émir des Afghans, et l’émir de la Mecque, ainsi que d’autres. Hassan El-Bana fonda la confrérie des Frères musulmans en 1928 dans la ville d’El-Ismaïlia pour rétablir la «khilafa», et contrer le modernisme ou l’occidentalisation, en essayant de montrer qu’il existe une autre voie pour sortir de la crise en se conformant et en appliquant la charia musulmane. Chose qui ne le fut pas durant ce qu’ils appellent «el-khilafa el-islamiya» des Ottomans, à l’exception de l’Arabie Saoudite, puisque beaucoup de ceux qui la constituaient étaient des francs-maçons, et jouissaient de la vie bien plus que la reine d’Angleterre, pourtant personne ne s’est plaint à cette époque. Etrange, n’est-ce pas ? En 1932, Hassan El-Bana avec sa confrérie se déplaça vers El-Hilmiya pour en faire leur siège, car les membres de cette confrérie augmentaient, et en peu de temps, il fut désigné comme commandeur/guide des musulmans, ensuite imam. Au point que le troisième guide de cette confrérie Omar El-Tlemceni dit : «Soit entre les mains de ton guide tel le mort entre les mains de celui qui le lave», c’est-à-dire, annule ou désactive ton esprit, technique de prélavage de cerveau très répandu dans les sectes de tout poil. Cette confrérie croit dur comme fer que quiconque ne fait pas partie de son organisation ou n’approuve pas sa doctrine est un mécréant. Donc, dès le départ, on peut dire que cette confrérie était déjà extrémiste et takfiriste comme les wahhabites, coïncidence, similitude ou prolongement ? En 1936, après la mort du roi Fouad qui fut remplacé par son fils Farouk, l’anarchie commença à s’installer au sein des Egyptiens à cause de l’accord signé avec les Anglais. Des partis politiques et des organisations ont commencé par constituer des milices armées qui s’attaquaient aux intérêts anglais en Egypte. C’était l’occasion pour Hassan El-Bana de constituer la troupe «pépinière» nommée «el-gawala» (les baladeurs ou les «stalkers») une sorte de scouts, pour contrer le parti Wafd essentiellement. Cette troupe deviendra par la suite El-Nidham essiri ou l’organisation secrète, branche armée de la confrérie FM. Hassan El-Bana n’hésita pas à pondre la théorie appelée «louâbat el-massaleh el-mouchtaraka», ou le jeu des intérêts communs avec «el-taghout» (l’infidèle). En organisant une manifestation contre celle du parti Wafd pour soutenir le roi, et en acceptant des Français un don par le biais de la société Canal de Suez. En d’autres termes, il permit la collaboration avec les uns et les autres pour atteindre ses objectifs. En 1938, à Ismaïlia, Hassan El-Bana s’est retiré des élections sous la pression des Anglais. Certains disent qu’il avait même reçu des dons des Allemands à cette époque, ce qui peut bien être vrai. Car il n’a pas cessé de critiquer les Anglais, et souhaiter la bienvenue aux Allemands et aux Italiens dans ses discours. Au milieu des années 40, Hassan El-Bana avait terminé la formation idéologique et militaire des éléments choisis dans la troupe «el-gawala» qui était une pépinière pour l’organisation secrète à la tête de laquelle il mit un de ses lieutenants, Abdel Rahman El-Senadi. Cette organisation devient l’armée secrète sous le commandement de Hassan El-Bana. Ahmed Adel Kamel, membre de l’organisation secrète, relate dans son livre intitulé Les points sur les «i» (el-nikat âla el-hourouf) comment ils étaient en train de s’entraîner, et comment ils ont été arrêtés avec des armes et des documents. Il a dit qu’ils avaient prévu avec le mufti de la Palestine que si jamais ils étaient arrêtés, ils diront qu’ils faisaient partie des volontaires pour aller combattre en Palestine. Il a même précisé qu’au moment de leur arrestation, des documents attestant de leur appartenance aux volontaires pour la Palestine étaient déjà en train d’être confectionnés, ensuite, le mufti est allé corroborer tout cela. Il récupéra les armes qui leur ont été confisquées, et les rendit à l’organisation secrète. En 1948, l’organisation secrète perpétra plusieurs attentats en Egypte et deux de ses membres qui furent capturés avouèrent qu’ils étaient sous les ordres d’Abdel Rahman El-Senadi, le chef de l’organisation secrète. Ils furent condamnés par le juge El-Khizendar à sept ans de prison ferme. Certains disent que Hassan El-Bana, «après la condamnation des deux zigotos», avait pleuré et dit que ce juge mérite la mort. Alors Abdel Rahman El-Senadi envoya deux de ses hommes pour tuer le juge. Ce qu’ils ont fait, et ils furent arrêtés, l’un d’entre eux, Hassan Abdel Hafed, était le secrétaire personnel de Hassan El-Bana. Ce dernier déclara, suite à cet assassinat qu’il a condamné, qu’ils (les FM) n’avaient rien à avoir avec ce genre de pratique, et qu’«ils étaient même contre» ! Abd El-Rahman El-Senadi fut jugé au sein de l’organisation secrète et le juge fut Hassan El-Bana. L’accusé dit au juge : «Moi, je n’ai fait qu’obéir à tes ordres quand je t’ai entendu dire que ce juge méritait la mort !» Alors on dit que Hassan El-Bana se mit à pleurer, émouvant ! Finalement, une sentence fut prononcée contre les accusés, elle est citée intégralement dans le livre de Mahmoud Abdel Halim, membre fondateur des FM, intitulé Ahdeth sabaghet etarikh (Evénements qui ont coloré l’histoire). La sentence fut la suivante : «Les frères qui ont commis cet acte ont commis un acte sans précédent, mais ils n’avaient pas l’intention de tuer la personne du juge Khizendar, mais tuer l’âme de ce genre d’intellectuel, donc ils sont innocents !» Quand commença la guerre en Palestine, Hassan El-Bana envoya ses troupes en renfort, et il bénéficia de deux choses après leur retour :
1- l’acquisition de l’expérience de combat réel ainsi que l’acquisition d’une grande quantité d’armes qui serviront par la suite ;
2- l’implantation de cellules en Palestine destinées à propager la doctrine des FM dans l’ensemble des pays musulmans pour mettre sur pied l’organisation mondiale des FM.
Cette confrérie utilise la récupération des faits et événements à son avantage depuis sa création.Le ministre de l’Intérieur, Mahmoud El-Noukrachi bacha décréta en 1948 la dissolution de cette confrérie. Des opérations furent menées contre les lieux de rencontre de l’organisation secrète, de nombreux armes et documents furent saisis. Ce qui fut suivi par l’assassinat d’El-Noukrachi par un étudiant en médecine habillé pour l’occasion en officier de police, uniforme qu’il eut par un vrai officier de police en guise de réponse de l’organisation secrète des FM. En 1949, des arrestations massives furent effectuées dans les membres des FM, mais les chefs de cette confrérie partirent en Arabie Saoudite pour revenir en Egypte en l’an 1950 afin de reprendre leurs activités. Ils scellèrent dès leur arrivée une alliance avec leur ancien ennemi, le parti Wafd, pour le soutenir lors des élections, contre la libération des FM emprisonnés, chose qui fut faite effectivement après la victoire écrasante du parti Wafd.
Ils récupérèrent donc tous leurs biens confisqués et revinrent sur la scène sous le commandement du nouveau guide Hassan El-Hodaibi (franc-maçon), mais il n’eut pas l’unanimité au sein de cette confrérie. Ils furent sollicités pour participer à la guerre contre les sionistes, et c’était bien sûr du pain bénit pour El-Hodaibi afin de marquer des points au sein de cette confrérie, qui récupéra cet événement plus tard pour redorer son blason. Entre la fin de l’année 1951 et le début de l’année 1952, des officiers (dont faisait partie Djamel Abdel Nasser) préparaient un coup d’Etat, beaucoup d’entre eux assistaient aux réunions des FM, certains en faisaient même partie, mais ils furent écartés après la révolution. En janvier 1952, il y eut un grand incendie dans le plus grand centre commercial du Caire. Suite à cela, en plus des crises sociales, le pouvoir commençait à s’échapper des mains du roi Farouk, quelques mois plus tard, l’armée se déploya dans les villes, et le coup d’Etat sous le commandement de Djamel Abdel Nasser devint une réalité, certains disent que ce coup d’Etat avait réussi grâce à l’aide des Frères musulmans.
Karim Sansous