Bernard Lewis, le «printemps arabe» et les nouveaux assassins
Les événements se succèdent à une vitesse vertigineuse dans le monde arabe. Il ne se passe pas un jour sans que les médias nous gavent d’informations sur des tueries, des égorgements, des explosions, des expatriations et des bombardements sauvages de civils innocents, enfants, femmes et vieux, et ainsi que de militaires et éléments des forces de l’ordre. La dernière attaque contre les habitants de Ghaza a engendré des centaines de morts et des milliers de blessés, les conséquences des guerres internes en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen… n’annoncent pas des lendemains qui chantent. Les peuples arabes qui se sont manifestés dans un élan admirable pour revendiquer la liberté et la démocratie au cours d’un «printemps arabe» prometteur, font face à de groupes armés – sans foi ni loi – et aux tentatives de partition de leurs pays. Les derniers développements dans le monde arabe révèlent un profond désir des Etats-Unis pour redessiner les frontières politiques actuelles. Ce plan a ses concepteurs et ses théoriciens, dont Bernard Lewis est l’un des premiers. Né en 1916, Bernard Lewis, américain d’origine anglaise, est un éminent spécialiste du monde arabe musulman de la Turquie, des rapports entre l’occident et l’islam, du Moyen-Orient, du sémitisme et de l’antisémitisme. Il est «le Grand Mufti de l’occident» selon Mohamed Arkoun. En plus de ses activités de recherche à l’Université américaine de Princeton, il a fait office de conseiller sur les questions qui se rapportent au Moyen-Orient. Il a été expert des services secrets britanniques durant la Seconde Guerre mondiale, du Conseil américain de sécurité nationale et conseiller de «Benyamin Netanyahu» dans les années 1980, lorsque ce dernier représentait Israël à l’ONU. En somme, un adepte du néo-conservatisme.
Les anachronismes d’un orientalisme débridé
Bernard Lewis, ainsi que Ernest Renan, Claude Kohen, Roger Arnaldez, Vincent Monteil, et bien d’autres écrivains et romanciers occidentaux qui ont donné une image exotique de l’Orient, appartiennent à un grand et très influent courant orientaliste. Ce courant tire sa «force» de son appui sur des préjugés et de stéréotypes construits sur les peuples arabes et musulmans. Ces représentations ne s’adossent pas sur une analyse scientifique profonde des composantes historiques, politiques et économiques de ces peuples. Elles portent un regard essentialiste sur les différentes pratiques de ces populations. Ainsi, ces peuples ne peuvent connaître la civilisation, la modernité et la démocratie, car appartenant à une «catégorie spéciale» parmi les humains, donc incapables de progrès.
Ce genre d’orientalisme, et Bernard Lewis compte parmi ses éminents théoriciens, affirme que les Arabes ne sont pas porteurs d’une pensée rationnelle et mentionne leur passivité sur plusieurs questions. Concernant la révolution et la modernisation, l’arabe pour lui, ne peut accéder à ce type de pratiques, car, il se relève comme un chameau, et donc n’est capable que de discorde. L’Arabe est impotent et répugne la révolte contre l’injustice et les pouvoirs corrompus, et refuse également le débat des idées. Cet ensemble de représentations racistes construites autour de l’Arabe et du musulman a pour finalité le mépris et le dénigrement haineux et ethnocentriste. Ce qui est paradoxal au fond, c’est que ces idées reçues trouvent dans le monde arabe, parmi les acteurs, ceux qui les propagent, et surtout dans les pays considérés comme des satellites des États-Unis sur le plan intellectuel, politique et économique, comme le confirme Edward Saïd dans la conclusion de son ouvrage l’orientalisme . Ce qui est curieux, selon Saïd, c’est que la majorité des experts consultés sur les questions du Moyen-Orient où les Etats-Unis ont une forte présence adoptent les thèses de l’orientalisme traditionnel et raciste, ce qui entraîne des malentendus et des conflits. Bernard Lewis affirme que «les Arabes et les musulmans sont des gens vicieux, corrupteurs et anarchistes, ils ne peuvent accéder à la civilisation, si on les abandonne à leur sort, ils vont surprendre le monde civilisé par des vagues de terroristes qui vont détruire les civilisations, et démanteler les sociétés, la meilleure solution pour eux, c’est qu’on doit les envahir et les recoloniser et détruire leur culture religieuse et ses pratiques sociales» . Cet historien affirme que l’antisémitisme est apparu dans le monde arabe et musulman au XIXe siècle sous l’influence des Occidentaux, et des chrétiens du Moyen-Orient, mais il s’est enraciné après l’apparition du conflit israélo-arabe. Certains observateurs affirment que Bernard Lewis est le premier à avoir utilisé le terme du «choc des civilisations» en 1957 au lendemain de l’attaque du canal de Suez. Son adjoint au Conseil national de sécurité, «Samuel Huntington», a adopté ce concept et l’a mis en circulation dans les années 1990. B. Lewis croit que l’hostilité actuelle de l’islam envers les Autres ne réside pas dans son hostilité à la civilisation occidentale, mais dans l’animosité de cette religion envers le système démocratique. L’islam a cependant combattu la démocratie occidentale en s’alliant aux pays de l’Axe contre les Alliés et aux pays communistes contre les Etats-Unis. Il est certain que le conflit palestino-israélien a polarisé son attention depuis la guerre des Six Jours. Il considère que la solution du conflit doit passer par la négociation pour la mise en place de deux Etats, mais cette solution ne peut aboutir en raison de l’antisémitisme enraciné chez les Arabes et les musulmans.
Lewis, théoricien de la partition du monde arabe et musulman
Bernard Lewis a conçu son plan de partition du temps du président américain «Jimmy Carter»1977-1981. L’objet de ce projet est de mettre en œuvre la déflagration des composantes sociales et ethniques du monde arabe et musulman, en poussant ces populations à s’entretuer sur des bases confessionnelles et doctrinaires. L’aboutissement de ce projet serait la transformation de ces Etats en mini-Etats contrôlés par les tendances ethniques, confessionnelles et tribales, en rupture avec les dimensions nationales. Tous les pays Arabes et musulmans dans l’Extrême-Orient (Iran, Pakistan et Afghanistan), dans le Moyen-Orient (Egypte, la péninsule Arabique, l’Irak, la Syrie, le Liban, le Soudan) et dans le Maghreb (l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Lybie) sont concernés par cette partition, c’est-à-dire la création plus de 30 entités politiques nouvelles et la transformation du monde musulman en 88 Etats en remplacement du nombre actuel : 56 Etats. Le Congrès américain a adopté ce projet présenté par le conseiller à la Sécurité nationale «Zbigniew Brezinski» en 1983. Ce projet est devenu un des importants piliers de la politique extérieure des Etats-Unis. Cela a conduit à la Seconde guerre du Golfe, suivie par d’autres interventions politiques et militaires dans la région soit directement ou par procuration. Ce qui est certain, c’est que l’ambition des Etats-Unis de dominer cette grande partie du globe est venue pour parachever les accords de «Sykes-Picot» en 1916, c'est-à-dire partager le Moyen-Orient en zones d’influence entre l’Angleterre et la France à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Se considérant comme les héritiers légitimes du traditionnel colonialisme anglais, les Etats-Unis ont réactivé plusieurs anciens projets afin de dominer cette région riche en matières premières et de sources d’énergie. Il était évident, dès le départ, que cette région pourvue de richesses a été et demeure une grande priorité dans la stratégie américaine, tant que les sources d’énergie n’ont connu d’autres changements favorables aux puissances occidentales. Cela a été accompagné par des concepts comme la «mondialisation», le «chaos créateur», la «fin de l’Histoire», etc. C’est-à-dire tout qui a trait à la domination du marché, des institutions commerciales, à l’intégration économique et à la coopération régionale. Ce qui va conduire, l’Etat, en tant qu’institutions politiques et administratives de régulation sociale et économique, à revoir son rôle à la baisse et céder sa place à d’autres organismes internationaux actifs dans le domaine économique comme FMI ,l’OMC et la Banque mondiale , etc. En effet cette région représente un maillon important dans la stratégie américaine, du point de vue géographique et stratégique, du fait de sa proximité avec l’Iran, la Russie, et la Chine, principaux rivaux politiques aux Etats-Unis. Il est important de signaler, également, que cette partie du monde a joué un rôle important pour contenir l’URSS et réduire l’influence du communisme pendant la guerre froide. L’URSS et le Pacte de Varsovie ayant disparu, les Etats-Unis ont cherché «un nouvel ennemi». Ils ont trouvé dans les mouvements islamistes djihadistes et takfiristes leur dessein. C’est ainsi qu’a débuté le cycle de la «lutte contre le terrorisme international». L’instrumentalisation de ces mouvements dans la guerre contre l’URSS et ses alliés dans la région ayant fait son temps, ces groupes sont devenus, comme par enchantement «l’ennemi à abattre». Les événements du 11 septembre 2001 et l’apparition ce qu’on appelle désormais «Al-Qaïda» à sa tête Oussama Ben Laden, a donné lieu à la conception d’un plan mondial pour réaliser cet objectif de «salubrité publique». Les Etats-Unis ont trouvé dans l’Irak et dans Saddam Hussein (accusé de détenir les armes de destruction massive, d’avoir des liens avec Al-Qaïda et d’être impliqué dans les attentats des tours jumelles à New York), un bouc émissaire exemplaire pour mettre en œuvre ce plan. La chute de ce «tyran» et le «développement de la démocratie» en Irak, devraient avoir dans l’optique des Américains «l’effet domino», et ramèneront toute la région à adopter le système démocratique dans la gestion des problèmes de société. Il est évident que ce genre de propos n’a aucun effet dans la réalité, du moment où l’Irak vit, depuis l’invasion américaine, des crises politiques et sécuritaires persistantes. Ce qui conforte ce constat, c’est que le plan «du développement de la démocratie en Irak», n’avait d’autres objectifs que de détruire toutes les potentialités de puissance économique et militaire de ce pays pour contrôler ses richesses. Sur ce point convergent les intérêts économiques et géostratégiques des Etats-Unis et l’Etat sioniste. Le parrainage d’Israël par les Etats-Unis ne trouve pas son origine dans le sentiment de culpabilité des crimes envers les juifs européens ou parce que soumis à la pression du» lobby sioniste» en Amérique, mais il trouve ses raisons dans le Moyen-Orient en tant que pièce maîtresse dans le projet américain. Ce projet consiste dans la création d’un «marché commun du Moyen-Orient», les pays du Golfe fourniront les moyens financiers, les autres pays arabes la main d’œuvre et Israël s’occuper de l’ingénierie industrielle, économique et commerciale. Ce projet a été accepté par les pays du Golfe et l’Egypte, l’Irak et la Syrie n’ont pas soutenu ce projet . Ce qui implique que ces deux pays doivent payer cher leurs prises de position. Les autres pays arabes ont justifié leur participation à ce projet par la nécessité d’assurer la stabilité politique intérieure et régionale. Ces pays arabes ont accepté l’installation des bases américaines et des forces de l’Otan sur leurs terres afin d’avoir le soutien des Etats-Unis. L’idée du «GMO» a pour finalité, selon ses promoteurs, l’établissement de «la démocratie», «les droits de l’homme» et «l’émancipation de femme de la domination masculine» dans ces pays. Mais ces propos n’ont aucun fondement, car l’Irak n’a pas connu la démocratie, les droits de l’homme n’ont pas été respectés et la femme arabe ne s’est pas émancipée. La crise s’est exacerbée, l’Irak et d’autres pays arabes ont connu et connaissent les pires moments de leur Histoire contemporaine.
Le projet sioniste et la domination américaine
Le soutien absolu aux projets de partition du Moyen-Orient formulé par Israël trouve son écho dans la perspective politique tracée par le théoricien du sionisme «Theodor Herzl». Cette théorie avait pour finalité l’enracinement de «l’Etat juif» dans cette région arabe qui sera démembrée et affaiblie, et par conséquent ne pouvant faire face à l’existence de l’Etat d’Israël. Cependant, la réédition de la thèse de la partition développée par Bernard Lewis par le département américain de la Défense en juin 2003 trouve ses éléments de justification dans le projet sioniste. Il garantit la sécurité d’Israël pendant une cinquantaine d’années, le sous-développement du monde arabe, son affaiblissement et son instabilité, ce qui permet à l’entité sioniste de jouer un grand rôle sur le plan économique, politique et culturel. Ainsi une multitude de séminaires et de colloques «scientifiques» ont été organisés dans des universités et des Centres de Recherche israéliens afin d’accélérer la mise en œuvre de ces projets. La «sécurité absolue d’Israël» passe inéluctablement par la destruction du tissu social, culturel et civilisation de la nation arabe, et sa partition en plusieurs entités religieuses qui s’entretuent indéfiniment.
Le «printemps arabe», une opportunité pour la domination impériale
Il est évident, pour ceux qui croient aux idéaux démocratiques, que les systèmes politiques édifiés à partir de mouvements de libération nationale ou issus de coups d’État militaires dans les années 1950 se sont distingués par l’arbitraire, la gabegie, le monopole de toutes sphères politiques et économiques, comme par la tentation de la succession héréditaire du pouvoir, et d’autres questions conflictuelles… Il était incontestable que les peuples de ces pays «républicains» ont eu toujours l’ambition du «changement» et à l’attachement à la liberté et à la démocratie. Ces soulèvements populaires inattendus et violents trouvent, peut-être, leurs justifications dans l’émergence d’une classe moyenne instruite dont les besoins sont nombreux, et dont le désir de citoyenneté est un élément de revendication profond. Les régimes en place se sont avérés incapables de répondre à ces nombreuses aspirations, ceci en plus de la pauvreté et de la marginalité qui ont touché un nombre important de personnes parmi les classes défavorisées. Les événements de «Sidi Boussaïd» survenus le 17 décembre 2010, ont annoncé une série de soulèvements populaires qui ont gagné presque tous les pays arabes, sauf quelques exceptions. Quelques pays ont pu contenir ces mouvements de masse par la répression, ou par le changement de gouvernements, ou par l’achat de la paix sociale en distribuant la rente, ou en introduisant des réformes formelles qui ne touchent pas à l’essence du pouvoir. Les mots d’ordre «dégage» le «peuple veut la chute du régime» et bien d’autres sont devenus le leitmotiv quotidien de la «rue arabe». En effet plusieurs régimes et gouvernements ont commencé à s’effondrer : Tunisie, Egypte, Libye et Yémen… «Ben Ali s’est sauvé» de Tunisie, Kadhafi a été tué en Libye, Moubarak a été arrêté en Egypte, Ali Abdellah Salah a été écarté au Yémen… tandis qu’en Syrie, le pouvoir en place fait face depuis longtemps à une opposition armée, cette situation a entraîné beaucoup de destructions et pas mal de dégâts. Les événements ont évolué dans ce pays, transformant un conflit politique intérieur entre syriens en un conflit mondial dans lequel interviennent des puissances mondiales. D’un côté, on a les Etats-Unis et leurs alliés dans la région (arabes et non arabes) et de l’autre côté, la Russie, la Chine et l’Iran et leurs alliés dans la région, c'est-à-dire ce qu’on nomme l’axe de la résistance qui s’oppose à la domination américano-israélienne. Le «printemps arabe» s’est transformé à un «enfer arabe» par excellence. Le nombre de morts et de blessés dans les pays touchés par cette vague de protestations populaires se chiffrent à des centaines de milliers, en plus de la dégradation du lien social dans ces sociétés, la généralisation de la peur, de l’insécurité et du terrorisme, sans parler de pertes matérielles comme la destruction de l’infrastructure de base et le sabotage de toutes les institutions publiques et organisation civiles. Les pays qui vivent cet enfer, et dont les populations croyaient fermement que le moment du changement est venu, passent par des moments très difficiles, le désordre et l’instabilité sont garantis, les probabilités de la partition et du démantèlement sont sérieuses. Ce qui est paradoxal, c’est que les pays arabes qui sont touchés par ces tragédies étaient les pays les plus engagés dans la lutte contre l’occupation israélienne de la Palestine, et plus précisément les pays du «Front de refus et de résistance» qui ont désavoué la normalisation des relations avec Israël et contesté la visite d’Anouar El-Sadate à Tel-Aviv en 1977 : il s’agit de l’Algérie, de l’Irak, de la Syrie, du Yémen, de la Libye et de l’OLP. Sans doute que ces explosions populaires ont trouvé un terrain social et politique au sein des sociétés arabes, seulement le capitalisme international, et les Etats-Unis en tête attendaient le moment favorable pour intervenir directement dans ces soulèvements. La situation actuelle de ces pays concernés par «le printemps arabe» nous interpelle sur le rôle des Etats-Unis dans la préparation de ces soulèvements et son implication. L’expérience des révolutions «colorées» qui ont touché les pays de l’Europe orientale appartenant à l’ex-URSS à l’orée du troisième millénaire a été une réussite dans le changement politique dans ces pays. D’où la nécessité pour les décideurs américains d’exporter ces révolutions «non violentes» au monde arabe . Il a été jugé utile de mettre en place des instruments d’aide financière et de formation à travers des «ONG» comme USAID, NED, IRI, NDI, etc. Ce qui prouve que cette puissance n’avait pas la tête ailleurs, elle préparait minutieusement ces soulèvements, l’impotence et la tyrannie des régimes arabes en place lui ont donné raison. Il est important de signaler que les relations qu’entretiennent ces organisations avec de grandes personnalités politiques, très influentes dans la vie politique, leurs rapports au Congrès américain et la CIA ne sont pas un secret de polichinelle. Au cours de ces événements, les activistes de l’islam politique, à leur tête «les Frères musulmans», désignés par la presse occidentale comme un «islam modéré» ont cru que leur heure a sonné et que les pouvoirs ont mûri, il s’agit, pour eux, de les cueillir soit par la rue ou par les élections. Par contre, «l’islam politique radical» avait une autre opinion, considérant que l’objectif sublime du mouvement demeure l’application de la «charia islamique»… Cela doit passer inéluctablement par l’utilisation de la violence, l’ex communication et le «djihad» comme uniques moyens de conquête du pouvoir. Ces tutelles de l’islam politique se sont échangé les rôles dans la prise du pouvoir, ils se sont alliés tantôt et ont rompu tantôt soit en Egypte, en Tunisie, en Syrie, au Yémen et/ou en Lybie. Mais leur présence était forte à toutes les étapes. Des Etats comme l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis ont soutenu «les radicaux wahhabites et salafistes», tandis que le Qatar et la Turquie ont soutenu «les modérés», les «Frères musulmans» en l’occurrence… La religion est devenue un élément fondamental des conflits en cours. Le rapport du politique à la religion trouve également, ses fondements théoriques chez les penseurs occidentaux et dans leurs recherches historiques, Bernard Lewis n’est pas étranger à cette pratique de recherche.
Lewis et l’instrumentalisation de l’ancien conflit religieux
Bernard Lewis ne savait pas peut-être qu’en fouillant dans l’histoire des musulmans, il allait ouvrir la boîte de Pandore et libérer les démons, la curiosité du contenu de la boîte a été plus forte pour cette créature mythique. Cette même «curiosité dirigée» a poussé ce chercheur à lever le voile sur un passé enterré par l’oubli et étouffé par les historiens musulmans. Ces derniers espéraient protéger la cohésion sociale mise à l’épreuve par des conflits politiques et militaires qui ont déchiré, dans le passé, la communauté musulmane. Bernard Lewis a publié en 1967 un ouvrage intitulé «Les assassins : terrorisme et politique dans l’islam médiéval». Les assassins sont nommés en langue arabe : «El haschischin», mais la question de la consommation du «haschich» par les membres de ce groupe n’est pas tranchée. Bernard Lewis a focalisé ses recherches sur les Ismaélites qui ont exercé le terrorisme pour renverser le pouvoir des califes sunnites sous l’autorité des sultans turcs. Ce mouvement dissident est d’obédience chiite, un «mouvement hermétique» pour de nombreux historiens musulmans sunnites. La naissance de ce mouvement politique a eu lieu au Caire du temps des Fatimides au Ve siècle de l’Hégire, coïncidant avec le 11e siècle apr. J.-C. il avait pour dirigeant «Hassan Sabah» connu par son prosélytisme en faveur de l’ismaélisme. Ce leader s’est installé à Alamut, une forteresse difficile à l’accès, et où se sont regroupés les assassins. Un quartier général où se concevaient le recrutement des partisans, la planification des assassinats, le terrorisme et les massacres politiques. Ces pratiques ont renforcé la puissance politique et militaire de Hassan Sabah, ce qui lui a permis de conquérir plusieurs forteresses et provinces. Il propageait sa doctrine en chargeant ses partisans de missions secrètes. Il a affronté les mazdéens en Iran et au Pakistan, et également les Seljukides. «Le vieux de la Montagne» a entamé une série d’assassinats politiques, en tuant le vizir de Nidham al Mulk, puis le roi. Ses fedayins exécutaient ces missions avec un grand sens de dévouement et de sacrifice. L’assassinat de personnalités politiques, militaires et religieuses ont fait l’ossature de son programme politique. Ces pratiques ont duré pendant deux siècles jusqu’à l’arrivée des Mongoles en terre musulmane. Les Mongols ont anéanti le mouvement des assassins. Ce regroupement politique trouve ses fondements doctrinaux et politiques dans la scission qui a suivi la mort d’El Montassir Billah et dans la division des Fatimides en deux entités, les Moustaalias maghrébins et les Nizaréas moyen-orientaux. Hassan Sabah était de ceux qui faisaient l’apologie de l’Imam Nizar Ibn El Montassir Billah. La mort de ce dernier a poussé les ismaïliens à croire en son retour en tant que «El Mehdi El Mountadar» (une sorte de Messie). Pour Bernard Lewis, cette entité idéologique trouve ses origines historiques dans les luttes politiques et religieuses qui ont suivi la mort du Prophète de l’islam (sws). Ces multiples et diverses divergences qui ont surgi à la surface étaient sous-tendues par les conflits qui ont opposé «Ahl al Bayt» (les proches parents du Prophète), et les autres protagonistes musulmans tels que les Mouhajirines (les immigrés qui ont suivi le Prophète à Médine) et Al Ansar (les habitants de Médine qui ont accueilli le Prophète) et les Banu Hachim et les Banu Oumaya. Les partisans de Ali Bnou Abi Taleb (ra) n’ont accepté la succession d’Abi Bakr (ra) mais ils se sont abstenus de s’exprimer pour protéger l’unité des musulmans, mais son abdication et son assassinat suite à la «grande discorde» a précipité la scission des musulmans en deux groupes : les sunnites et les chiites. Les parties en conflit n’avaient pas une vision religieuse et politique particulière, mais «leur dissidence religieuse a pris un caractère politique» . Ultérieurement, les chiites ont développé leur doctrine religieuse en faisant de Ali (ra), «l’imam légitime de l’islam» qui va retourner un jour pour redonner à «l’islam véritable» sa place. Les partisans chiites de Ali (ra) ont attendu depuis longtemps leur entrée en action jusqu’au VIIIe siècle de l’Hégire sous la pression de mutations socio-économiques non étudiées par Bernard Lewis. Mais après la chute des Omeyyades, ainsi que la domination des Abbassides et le transfert de la capitale du Califat à Baghdad, ont accéléré la division dans les rangs des chiites, ils se sont scindés en 765 en deux groupes : les «radicaux» et les «modérés», suite au décès du sixième Imam «Djaafar Es Sadik». Le fils de ce dernier, Ismaël, qui était pressenti à l’imamat a été écarté. La majorité ayant soutenu la candidature de son frère «Moussa El Kadhim». La minorité a, cependant, pris parti d’Ismaël pour former une «une secte qui activait dans la clandestinité jusqu’au moment où tous les mécontents et opposants l’ont rejoint pour fonder le califat fatimide (en référence à Fatima (ra), fille du prophète et épouse de Ali) au nord de l’Afrique, se sont établis au Caire pour en faire la capitale et fondé El Azhar. Ce califat s’est vite étendu pour conquérir beaucoup de pays au Machreq et au Maghreb. Les Fatimides n’ont pas pu réaliser la chute du Califat abbasside et ont perdu leur pouvoir avec la venue des Ottomans au début du 11e siècle de l’Hégire. Les Ottomans ont précipité la chute des Fatimides et détruit la domination des croisés. Après les dissidences au sein du mouvement nizarite, Hassan Sabah s’est manifesté pour guider le mouvement, en semant la terreur et la peur chez les princes et les gouvernants. Différentes actions qui ont donné des résultats grâce à la maîtrise de l’art de la prédication et de la stratégie militaire développée par ce chef charismatique. L’organisation paramilitaire, mise en place par les soins de Hassan Sabah a offert une grande possibilité aux assassins de réaliser leurs objectifs politiques. Les membres de ce mouvement sont arrivés à assassiner plusieurs personnalités politiques et religieuses en optant pour la ruse, la patience, la clandestinité, l’espionnage, etc. Le développement de «cellules dormantes» pour renforcer le mouvement en cas de nécessité, la planification minutieuse des actions, afin d’accomplir des opérations en temps voulu et au lieu choisi par le fidaï, donnaient un caractère insolite à ces pratiques. Le problème ne se pose pas quant à la recherche sur des questions relevant de l’Histoire et de son rapport à rapport au terrorisme en terre d’islam durant la période médiévale. D’autant plus que chaque chercheur ou penseur, quel que soit son appartenance politique, idéologique ou culturelle devrait avoir la possibilité d’intervenir dans ce genre de travaux, il est également admis que la confrontation des idées entre chercheurs et penseurs est permise dans l’interprétation des faits historiques. Mais le désaccord prend de l’importance lorsque les résultats de cette recherche sont instrumentalisés dans des opérations de dislocation des fondements culturels et religieux qui structurent les peuples et les nations. Il n’est pas étonnant que cet ouvrage soit réédité en 2001, Maxime Rodinson, dans sa préface de la traduction française de l’ouvrage a précisé : «que les lois les plus générales du jeu politique sont constantes, quelques différentes qu’en soient les applications depuis les temps les plus lointains» , ce qui change se sont les idéologies, les moyens mis en œuvre et les tactiques. Ce qui nous amène à nous poser des questions autour des objectifs qui se cachent derrière cette recherche historique, surtout que l’entreprise est pilotée par un grand chercheur en histoire de l’islam et dont l’engagement dans la stratégie américano-sioniste dans la région du monde arabe est confirmé. Bernard Lewis fait croire que l’islam est l’unique religion au monde qui pratique la violence, une violence congénitale à sa culture et à son histoire. Donc il est possible pour les mouvements fondamentalistes d’utiliser la violence pour lutter contre les idées «occidentales» et les «régimes corrompus», mais c’est toute la société qui est ciblée, car ne suivant pas le «droit chemin». «Raviver» l’ancien conflit entre sunnites et chiites est un des piliers de la stratégie américaine, ce qui se passe en Irak et en Syrie est une preuve suffisante pour notre argumentation. Ce qui est paradoxal, c’est que là où s’installent les Américains, ils sont suivis par «Al-Qaïda et ses semblables». Les conflits confessionnels et religieux ne servent que les intérêts des grandes puissances, quant aux peuples de cette région, ils ne recueillent que désolation, destruction et partition. Il est incontestable que les peuples arabes et musulmans aspirent au retour de «l’âge d’or de la civilisation arabo-islamique» et du «califat», signes de grandeur et de puissance, seulement les raisons objectives et historiques qui justifient cette légitime aspiration n’ont plus lieu. Il est aussi clair que le discours «d’Oussama Ben Laden» sur «les juifs et les croisés» et la nécessité de l’avènement du «Califat musulman» sur la planète n’explique pas la réalité, il ajoute de l’eau au moulin les partisans du «clash des civilisations» dont Bernard Lewis est un des concepteurs.
L’Irak, premier laboratoire dans la stratégie américaine
La doctrine américaine a été conçue dans l’esprit de l’opposition à tous ceux qui révèlent le défi «au pouvoir, à la position et au prestige des Etats-Unis» . C’était en 1963, au cours de la compagne menée par les Etats-Unis contre Cuba. Ces propos ont pour auteur Dean Acheson, un homme politique libéral. Reagan a adopté ces propos pour défendre son pays en toutes circonstances et surtout par l’utilisation du veto afin de bloquer toutes les résolutions prises au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et qui contredisent la suprématie américaine. Le mépris flagrant et la violation des résolutions de cette instance internationale, et de toutes les institutions onusiennes durant les mandats de Reagan et de Bush (père et fils), et par tous ceux qui ont gouverné cet empire, se sont accentués depuis les événements du 11 septembre 2001. La finalité de cette démarche consiste dans la sauvegarde des intérêts vitaux des Etats-Unis qui s’articule autour de la mainmise sur les sources d’énergie, les zones stratégiques et la domination des principaux marchés. Ces visées fondent les socles vitaux de la doctrine américaine, conçue à la veille de la Seconde Guerre mondiale et renforcée au début du 21e siècle. L’intérêt porté par les Américains à cette région du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient, s’énonce autour de l’objection aux menaces supposées à la domination américaine et aux velléités d’indépendance de la décision nationale dans la région et à toute contestation du prestige américain. Pour ces raisons, les élites politiques et intellectuelles américaines ont élaboré les fondements d’un «nouvel ordre international» global dont la mission serait de «maintenir les autres centres de pouvoir d’envergure mondiale au sein de «l’ordre global» régi par les États unis». L’appel à cet ordre a été accompagné par ce qu’on appelle «le terrorisme international», dont les événements du 11 septembre 2011 ont été le premier «indice», les décideurs américains voulaient se venger et lever l’affront, Saddam Hussein et Oussama Ben Laden constituaient les premières cibles de ce plan. Bernard Lewis était de ceux qui appelaient à l’invasion de l’Irak depuis 2003. L’invasion américaine qui a eu comme conséquences l’affaiblissement de l’Etat irakien, le démantèlement de son armée, de ses institutions politiques et administratives de l’exclusion du parti Ba’th de la vie publique, a eu comme prétexte «l’anéantissement du système politique tyrannique de Saddam Hussein et de fonder la démocratie». Les conséquences des décisions de démantèlement du «système Saddam» par Paul Bremer, l’ambassadeur des Etats-Unis en Irak à cette époque, seront incalculables et épouvantables. L’affaiblissement des institutions étatiques a eu pour résultats : l’insécurité et l’impossibilité de trouver une issue positive à la situation du pays. En plus de la politique d’exclusion et de vengeance pratiquée par les gouvernements irakiens successifs contre les Arabes sunnites et surtout durant le mandat de Nourri El Maliki. Quant à la violence politique que vit actuellement l’Irak, elle est le fruit de l’intervention américaine et l’ambition du partage de ce pays en trois entités étatiques (sunnite, chiite et kurde) sous prétexte du système fédéral. L’Etat qui était jadis, qui unissait toutes les diversités ethniques et les diversités religieuses a été aboli. Malgré le caractère autoritaire et répressif de l’Etat irakien sous la férule de Saddam Hussein, son remplacement n’a pas été fait d’une manière équilibrée, garantissant l’harmonie de la société irakienne. A cet effet, ce pays a connu une opération de démembrement très poussée, ce qui a permis aux multiples mouvements de l’islam politique extrémiste et armé de s’organiser et de mobiliser les sunnites contestataires du gouvernement et de l’occupation américaine. De ce fait, l’Irak est devenu un immense champ de bataille entre sunnites et chiites et fait les choux gras des médias. Les explosions ; les assassinats et les massacres sont devenus le lot quotidien de la population. La violence politique a touché toutes les institutions publiques, les symboles de l’Etat, les marchés populaires, les mosquées, les cérémonies religieuses, les mariages et les funérailles, en somme personne ne peut s’estimer à l’abri.
A qui profite cette situation?
En tout cas, les Irakiens n’ont récolté que désolation et dévastation avec la montée des mouvements armés et l’apparition de «Daech» a confirmé la menace et le danger pour la société irakienne.
Daech et ses «semblables», la grande calamité
«L’Etat Islamique de l’Irak et du Levant «EIIL» (Daech : acronyme en langue arabe) a surpris beaucoup d’acteurs politiques, par sa barbarie horrible et ses nombreux crimes. Beaucoup d’observateurs et même l’administration américaine et ses alliés dans la région qui l’ont parrainé auparavant se sont interloqués par les pratiques de cette dangereuse organisation criminelle. Un des symboles de l’Etat américain, en l’occurrence le ministre de la Défense s’est exprimé en disant : «l’organisation de l’EIL est la plus dangereuse de toutes les organisations terroristes, plus dangereuse que «Al-Qaïda». Cette organisation est née en Irak en 2006 avec le soutien d’ «Al-Qaïda» sous l’appellation «l’Etat islamique en Irak». Son objectif initial était de défendre les sunnites qui affrontaient le nouveau pouvoir issu de la guerre américaine contre l’Irak, les chiites ont eu beaucoup d’avantages politiques dans l’après-Saddam. A la mort de «Abu Mussab Ezzarkaoui» adepte d’Oussama Ben Laden en 2006, et à la suite de la répugnance exprimée par les populations envers ce groupe terroriste, ses membres ont rejoint la Syrie en 2013. Mais «le Front Nosra» constitué en 2011, a refusé l’hégémonie de cette organisation irakienne et s’y est mis en affronté. La guerre entre les deux factions a fait 6 000 morts. Pour sortir de cette crise, le leader du mouvement Daech «Abou Bakr El Baghdadi» a proclamé le «califat islamique» sur les frontières de l’Irak et de la Syrie. Les «Daechiens» ont effectué plusieurs opérations dans les deux pays et se sont accaparés d’un lot important d’armes sophistiquées. Il paraît que les tentatives américaines de partager l’Irak et de détruire son tissu social et culturel n’ont pas complètement abouti, mais grâce aux activités du «Califat islamique», les vœux de l’administration américaine seront exaucés. L’assassinat des chiites, l’expatriation des chrétiens, des yazidites et toutes les communautés non sunnites, la destruction des mausolées, des monuments, et des symboles de la civilisation arabo-musulmane connue par sa tolérance et sa protection de toutes les diversités culturelles et religieuses, va amplifier la crise politique et sécuritaire dans la région. Cependant la mobilisation de l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe pour affronter ce phénomène – incité auparavant par ces mêmes pays sur le plan doctrinaire, politique, militaire et financier- est une preuve de la dangerosité de la situation. Mais ce qui est paradoxal, la mise en place d’une coalition internationale composée de grandes puissances sous l’égide de l’ONU pour combattre «Daech». Ce qui donnera lieu à de nouvelles alliances et des retournements de situations dans la région. Pour rappel le «retrait» des forces militaires américaines en 2011 a coïncidé avec le déclenchement du «printemps arabe» qui aggravé le conflit entre sunnites et chiites en Irak et s’est propagé en Syrie. Mais «Daech» essaie d’en faire de cette région un nouveau centre de gravité qui remplace «Al-Qaïda» pour attirer les combattants islamistes extrémistes, qui sont en fait un ensemble de mercenaires venus de plusieurs pays arabes et musulmans et des pays d’Europe et d’Amérique. Ils menacent toute la région y compris l’Arabie Saoudite, le Koweït et le Liban. Il n’est pas sans dire que ses conflits peuvent être instrumentalisés dans les luttes internes au royaume de l’Arabie et dans le réaménagement politique de toute la région. Il est évident que cette région est entrée de plain-pied dans un grand conflit géostratégique régionale et la Syrie ne peut s’écarter de ce conflit entre les axes, elle y est au cœur du conflit qui trouve ses origines dans le conflit entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et également dans le conflit entre chiites et sunnites. L’Iran voulant jouer un rôle de leadership dans le monde musulman après la victoire de la révolution islamique. L’intervention des Américains contre «Al-Qaïda» et les «Talibans» a encouragé les Iraniens d’aller dans ce sens. Ce qui a amené l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe à se mobiliser pour endiguer ce qu’on appelle «le croissant chiite» dirigé par l’Iran, La Syrie et Hizbollah. Le «Printemps arabe» a été une opportunité pour les uns afin d’accentuer les pressions sur les autres, et vice-versa. Lorsque Georges Bush a dit le 1er mai 2003 «la mission est accomplie» après l’invasion de l’Irak, il signifiait que l’ancien conflit religieux a été ressuscité et mis en œuvre à nouveau. En effet les Etats-Unis nous ont habitué depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide à générer des crises et à la «fabrication de l’ennemi extérieur» en abusant l’opinion publique américaine et internationale en utilisant tous les moyens financiers, militaires, politiques, diplomatiques et médiatiques à cet effet. Ces puissances sont arrivées, à partir d’un esprit pragmatique à fonder une méthode particulière, celle de «créer des monstres» puis de faire appel aux autres pour lui donner l’assaut. «L’ami d’hier» peut devenir aujourd’hui un «ennemi dangereux» qui menace la sécurité intérieure et les intérêts américains à l’extérieur. C’était ainsi avec «Al-Qaïda» qui a été instrumentalisée en Afghanistan contre les Soviétiques. Une réelle tentative de créer des foyers de tension dans la région, en «l’afghanisant» afin de de faire aboutir le plan de partition. Pour Georges Corm l’instrumentalisation du fait religieux dans les conflits entre puissances n’est pas nouveau au Moyen-Orient, qui risque de devenir «une poudrière» semblable à la situation des Balkans avant 1914. Cette situation menace toute l’humanité et pas seulement le Moyen-Orient. Enfin, on peut conclure à travers cette modeste contribution que la «doctrine Lewis» a trouvé son prolongement sur le terrain et a commencé à donner ses premiers fruits, car toute la région, au Machreq comme au Maghreb connaît des crises politiques et sécuritaires très aiguës. La situation explosive va donner lieu à plus d’interventionnisme américain dans les affaires intérieures des populations arabes et musulmanes, et de détruire tous les fondements sur lesquels sont construites ces sociétés. Mais la résistance des peuples et des leaders patriotes en Palestine (la résistance de Ghaza l’agression militaire sioniste) l’Irak, la Syrie, le Liban à l’hégémonie américaine nous interpelle à contrer cette invasion. Ceci dit, la détermination des Etats et peuples en Amérique du Sud et en Asie à faire échec aux projets américains constitue un grand espoir. Le colonialisme européen a déjà subi l’échec auparavant, les peuples opprimés se sont dressés pour le chasser de leurs pays. Aujourd’hui ils feront de même certainement.
Mohamed Daoud
Enseignant-chercheur à l’université d’Oran/UCCLLA-CRASC (Es-Senia)