Alliance RCD-FIS : que s’est-il passé pour que Saïd Sadi se jette dans les bras des islamistes ?
Kamel Guemmazi et Ali Djeddi reçus au siège du RCD comme des partenaires politiques ! Que s’est-il passé en dix ans pour que le parti de Saïd Sadi, à l’avant-garde de la lutte contre l’islamisme politique dès sa naissance, accepte des compromissions aussi insensées ? Interrogé par la presse à son entrée, mercredi dernier, au siège national du parti, à El-Biar, pour participer à la réunion de la CNTLD, Ali Djeddi a répondu que c’était là «la preuve qu’[ils] ont évolué». Le glissement du parti de Saïd Sadi vers cette compromission a commencé depuis les fameuses marches du samedi, en 2011. Se sentant désabusé et humilié par le pouvoir qui lui envoyait systématiquement des renforts de police, l’ex-leader du parti entame une lente rupture avec son discours anti-islamiste pour s’acharner exclusivement sur «le pouvoir», en focalisant de plus en plus en plus sur le rôle des services de sécurité. Il s’attacha alors à charger le DRS dans toutes les tribunes qui lui étaient offertes, ici et à l’étranger. L’échec de son initiative l’a rendu aigri à tel point qu’il se montrait prêt à remettre en cause toute l’idéologie qui a fondé son parti. C’est à ce moment-là qu’il commençait à répéter à tout bout de champ : «Notre problème n’est pas avec les islamistes, mais avec le pouvoir.» A l’époque, il n’affichait encore aucune disponibilité à marcher avec les partis islamistes. C’est cette haine soudaine, mais ravageuse du «pouvoir» qu’il le conduira à radicaliser son discours jusqu’à ne plus faire distinction entre pouvoir et République, et à se jeter dans les bras des ennemis de cette République qu’il avait toute sa vie combattus. Sans aller jusqu’à épouser les mots d’ordre des partisans du «qui tue qui», il a voulu régler ses comptes avec «le régime» dans son livre sur le colonel Amirouche, où il accuse Boussouf et Boumediene, et par ricochet les géniteurs du système politique algérien, d’avoir été à l’origine de l’élimination du chef de la Wilaya III et de toutes les dérives qui ont marqué les premières années de l’indépendance. A un moment, le RCD était tenté, du moins à travers le discours de Saïd Sadi, par un retour au «particularisme kabyle». Tous les porte-voix du parti répercutaient alors dans des déclarations «l’anti-kabylisme» des hommes du pouvoir et la «tendance à la tribalisation» des institutions. Mais ce discours n’a pas réussi à galvaniser la base. A un moment donc où on s’attendait à un rapprochement avec le MAK de Ferhat Mehenni, lui-même issu de cette matrice, voilà que le RCD choisit, contre toute attente, de tenter le diable, en se rapprochant de l’autre camp extrémiste. En plein conflit avec le pouvoir, la direction du RCD a refusé une rencontre avec Ali Benhadj, qui était, lui aussi, en quête d’alliance pour sortir de son isolement. L’ex-numéro deux du parti dissous a longtemps insisté pour discuter avec les dirigeants du parti «démocrate», en envoyant des émissaires au siège national du parti. A partir de là, on peut dire que c’est le FIS qui a réussi à attirer le RCD vers lui, et non le contraire. Aujourd’hui, beaucoup de militants sincères du parti ne sont pas contents de cette alliance contre nature, et ne comprennent ce revirement qui leur est présenté par la direction comme «tactique». Le même terme utilisé par la direction du FFS, son rival historique, pour justifier, jadis, la compromission avec le FIS. Il est intéressant d’observer que cette alliance RCD-FIS se noue pendant que le parti d’Aït Ahmed procède au sens inverse, en se démarquant de ses anciennes accointances.
R. Mahmoudi