Visite du général Pierre de Villiers à Biskra : l’histoire d’une école militaire pas comme les autres

La visite du chef d’état-major des armées françaises, le général d’armée Pierre de Villiers, à Biskra, dénote de l’intérêt que la France porte à l’expérience de l’armée algérienne dans la lutte antiterroriste. Ce sont, en effet, les soldats d'élite de la 4e Région militaire qui ont été dépêchés à In Salah pour appuyer le groupe d’intervention spéciale qui avait été envoyé d’Alger pour neutraliser les terroristes qui avaient pris en otage les travailleurs du site gazier de Tiguentourine. Les troupes spéciales, formées à Biskra, sont connues pour leur grande efficacité sur le terrain et leur maîtrise des techniques liées aux missions délicates qui leur sont confiées. Les parachutistes formés à l'Ecole d'application des troupes spéciales (EATS) ont l’avantage de suivre un cursus et un entraînement dans une école prestigieuse dont la fondation remonte au début des années 1970 sur ordre du président Houari Boumediene. C’est le général Khaled Nezzar qui sera chargé de former les premiers parachutistes algériens. «De retour avec ma brigade [d’une] mission au Moyen-Orient, je fus appelé par Abdelkader Chabou qui me signifia que le président Boumediene me chargeait de former les premiers parachutistes algériens. L'instruction des parachutistes étant à la base une formation d'infanterie du type commando, cela ne m'inquiétait guère, d'autant qu'elle relevait de ma spécialité», écrit l’ancien ministre de la Défense nationale dans ses mémoires parues en 2000. «Cependant, les techniques de saut m'étaient totalement étrangères et n'ayant pas pour habitude d'assumer des responsabilités dans des secteurs que je ne maîtrisais pas, je demandai à être envoyé en formation en URSS. Notre avion de combat à l'époque était l'Antonov 12 soviétique dont je m'étais aperçu plus tard qu'il était le mieux adapté pour les sauts de combat», écrit encore le général Khaled Nezzar qui raconte son séjour à Riazan, une ville située à 350 kilomètres de Moscou, où se trouve l'école des parachutistes : «J'étais accompagné d'un officier d'aviation et d'un officier d'infanterie. Pendant deux mois et demi, les instructeurs soviétiques nous apprirent ce qu'était le parachutisme, ses missions, ses techniques de saut et le largage du matériel». A son retour en Algérie, une fois le stage terminé, Khaled Nezzar revint à Alger avec une équipe de spécialistes conduite par le général russe Kouroutchkine pour réaliser ensemble l'étude de faisabilité pour la création d’une école de parachutisme. «Nous avions commencé par rechercher un site qui serait situé près d'un aéroport afin de réduire les coûts. Le choix s'est porté sur Biskra. L'option Sétif fut abandonnée, cette ville se trouvant à près de 1 000 mètres d’altitude, ce qui pouvait causer des traumatismes aux jeunes recrues», explique l’ancien ministre de la Défense qui justifie le choix de Biskra par la présence d'un aérodrome. «De plus, précise le général Khaled Nezzar dans son livre, le nombre de jours ensoleillés et les vitesses du vent calculées sur les dix dernières années, faisaient que le site était favorable». Un ingénieur soviétique, avec l'aide des spécialistes algériens, réalisa la cité aéroportée comprenant les différents agrès d'entraînement parachutistes et sportifs : simulateur de saut, parcours de lutte contre les chars et parcours du risque. La tour de saut, dont certaines pièces sont usinées, fut fabriquée par la SNS d'El-Hadjar. A l’école de parachutistes de Biskra, les parachutes sont pliés par les sauteurs eux-mêmes : «L'opération est simple mais la moindre erreur peut entraîner mort d'homme», note l’auteur d’Echec à une régression programmée, qui souligne que «les Soviétiques avaient opté pour cette méthode parce qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, leurs bases de pliage furent entièrement détruites et les parachutistes utilisés comme fantassins». Depuis, une nouvelle école a été construite et les officiers de toutes les écoles y passaient quinze jours pour obtenir le brevet de parachutiste. De nombreux officiers formés alors dans cette école occupent aujourd'hui de hautes fonctions. Certains sont chefs de division d'infanterie, d'autres adjoints de Région militaire et beaucoup dans les unités de combat. «A mon départ de Biskra, près de 10 000 sauts furent exécutés. Un seul accident mortel fut enregistré», relève l’ancien directeur de cette école. La France semble s’intéresser au type de formation et aux techniques de combat des para-commandos algériens, mais une participation de ces troupes d’élite dans l’opération militaire que l’armée française s’apprête à effectuer en Libye est très peu probable.
Karim Bouali

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